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Sortir de cette violence sociale


Plus le président parle seul, notamment ces derniers jours sur les réseaux sociaux, plus le nombre de manifestants grandit, samedi après samedi. Il faut que la colère populaire soit puissante pour que tant de citoyens défilent ainsi dans les rues au cœur de l’été, dans tant de villes.

Ces mouvements n’empêchent d’ailleurs pas la vaccination de progresser, sans pour autant encore combler les retards accumulés dans toutes les catégories d’âge.

A l’Elysée, comme dans quelques grands médias, il a été décidé de ne montrer de ces actions populaires que les mots d’ordre minoritaires les plus nauséabonds ou des exactions isolées afin de discréditer toute personne qui doute, et surtout pour braquer les projecteurs le plus loin possible des problèmes politiques, juridiques, sociaux que pose le passeport-sanitaire tel qu’il a été voulu en haut lieu.

Une abjecte pancarte antisémite brandie par une ancienne candidate de l’extrême droite est très utile au pouvoir. Et le suivisme du Conseil constitutionnel, approuvant les grandes lignes de la loi dite « d’urgence sanitaire », ne change rien au fait qu’elle est surtout un outil de reflux des libertés publiques et un couteau aiguisé entaillant encore davantage le droit du travail.

C’est la raison fondamentale pour laquelle, à l’unisson, les forces de gauche ont combattu le texte gouvernemental et ont ensemble voté contre.

Les enjeux sanitaires sont devenus le prétexte d’un basculement vers un autoritarisme aux allures démocratiques, et d’une accélération de la violence sociale envers les travailleurs.

Pire, le pouvoir tente de fracturer et de diviser encore plus la société, en demandant à une partie d’entre elle de contrôler l’autre.

Du reste, tout en approuvant la loi, le Conseil constitutionnel a relevé que les dispositions de celle-ci « portent atteinte à la liberté d’aller et venir, en ce qu’elles sont de nature à restreindre la liberté de se réunir, au droit d’expression collective des idées et des opinions ». Rien que cela ! Mesure-t-on la gravité d’un tel jugement de la part du gardien de la Constitution française ?

A rebours, la liberté totale de circulation des capitaux, elle, n’est pas entravée par cette loi, la fameuse liberté « d’entreprendre » non plus à l’instar de la liberté de l’infime minorité des possédants d’amasser de colossales fortunes sur le dos de l’immense majorité.

Le si sérieux, si angoissant enjeu sanitaire n’est que le prétexte pour sécuriser toujours plus l’oligarchie financière, numérique, pharmaceutique et industrielle alors que l’insécurité du travail grandit.

Curieux qu’il soit possible de circuler librement dans le métro et dans les trains de banlieue, alors qu’à la porte de l’usine ou du bureau l’employeur est tenu de devenir un agent de contrôle, habilité à disposer des données de santé de ses employés.

On ouvre ainsi la possibilité pour l’employeur de décider si celui qui travaille pour lui est apte à le faire ou non. Ce pouvoir était jusque-là dévolu à la médecine du travail, étouffée par les cures d’austérité.

Une subordination supplémentaire est donnée à l’employeur sur le salarié. La loi lui impose de suspendre la rémunération et l’activité de ce dernier s’il n’est pas vacciné et lui permet de rompre le contrat de travail dans des conditions bien plus défavorables pour le travailleur que le licenciement puisqu’il n’aura droit à aucune indemnité de départ « forcé ».

C’est une violence sociale sans nom contre les plus fragiles, les plus modestes et les plus pauvres qui ont du mal à se faire vacciner.

Présenté au nom de « l’intérêt général », ce texte a bien un contenu économique et politique. Demain, ces mêmes mécanismes de la société du contrôle généralisé pourront être réactivés pour combattre un choc économique ou un événement majeur touchant la nation. Ce n’est plus « la guerre au virus », c’est l’amplification de la guerre de classes.

Si le pouvoir avait décidé l’obligation vaccinale pour toutes et tous, le débat se déroulerait à l’extérieur de l’entreprise et ne modifierait pas la relation du citoyen avec le travail. La question sanitaire deviendrait un enjeu populaire, à condition que le président de la République cesse de remplacer les scientifiques et les médecins de toutes disciplines, qu’on cesse les mensonges et les propos contradictoires tenus depuis plus de 18 mois sur les masques, les tests, les respirateurs, puis sur les vaccins et les centres de vaccinations éloignés des populations les plus modestes.

En se plaçant toujours au premier rang à la place des scientifiques et du corps médical, le président entraine la science dans le discrédit de la parole publique.

Un consensus ne peut se construire sur la vaccination qu’à la condition d’une information exacte, respectueuse des citoyens, comprenant des débats contradictoires entre scientifiques lorsqu’il existe des points de doutes sur tel ou tel aspect de la vaccination et des mesures de protection.

A la condition aussi que les enjeux de santé et donc d’un nouveau développement de nos systèmes de santé, prennent en compte les formations et les embauches nécessaires ainsi que l’amélioration substantielle des rémunérations des personnels soignants.

Enfin, on n’éradiquera pas la pandémie en un seul pays.

La France, plutôt que de suivre les trusts pharmaceutiques à l’Organisation mondiale du commerce, s’honorerait à prendre part à la bataille mondiale pour la levée des brevets et à impulser une nouvelle coopération mondiale afin de permettre à tous les peuples d’accéder à des vaccins efficaces. Ce serait plus utile que de vendre des Rafales et autres engins de mort.

Au lieu de tout cela, le pouvoir macronien joue la stratégie de la peur et de la tension, de la division et du mépris à l’égard de celles et ceux qui s’expriment, voulant à tout prix les classer dans le camp d’un obscurantisme qu’il a lui-même contribué à développer, notamment en janvier, en faisant fi des recommandations du conseil scientifique.

Le président veut se présenter en homme de raison et de « la réforme » et donc susceptible d’être le seul à rassembler à quelques mois des élections présidentielles et législatives. Tel est son cap : répondre aux exigences des grands groupes industriels et financiers tout en rassurant à droite pour gouverner toujours plus « à droite » s’il était réélu.

Plus que du vaccin, c’est de cette suffisance, de ces choix au seul service des plus fortunés, de la vente du pays à l’encan que ne veulent plus nos concitoyens qui manifestent comme celles et ceux qui ne le font pas. Aucun progressiste ne peut laisser advenir ce scénario catastrophique. Des alternatives progressistes doivent être mises en débat pour ne pas laisser nos concitoyens enfermés dans une tenaille empêchant toute alternative de progrès, de développement humain et environnemental.

Patrick Le Hyaric



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