Incapable de maîtriser ses monstrueux joujoux atomiques touchés par la corrosion de leurs tuyauteries et bien mal en point en d’autres endroits, EDF en manque de main d’œuvre qualifiée appelle au secours en urgence une centaine de soudeurs étasuniens.
Ces ouvriers de Westinghouse, qui débarquent par dizaines par avions depuis début octobre, sont spécialisés dans les soudures de haute précision que la nucléocratie française ne possède pas, ni la technique de soudage ni les outils. Tous les experts s’accordent là-dessus. Les soudures à réaliser sur des tuyaux du système de sécurité sont si complexes que la répétition des gestes et l’attention à porter exténuent. D’autant que le cadre d’exécution n’est pas parfumé au gaz hilarant.
Les tronçons à réparer avaient été découpés sur la plupart des réacteurs nucléaires suite à la découverte en début d’année de corrosions sur les deux réacteurs atomiques de Civaux (Vienne) et Chooz (Ardennes) puis à Penly (Normandie). Découpes et prélèvements visant à contrôler que ces graves problèmes n’affectaient pas aussi tous les autres réacteurs disséminés sur le territoire. A présent, il faut tous les remettre en place au fur et à mesure des contrôles et que les soudures tiennent le coup. Un travail titanesque de plusieurs mois pour plusieurs centaines de milliers d’euros au bas mot que les usagers paieront d’une manière ou d’une autre.
Mais les ouvriers étasuniens doivent s’adapter aux modifications apportées au fil des années par les ingénieurs d’EDF sur les plans et schémas initiaux (1) achetés à Westinghouse et pour lesquels la France a payées des royalties pendant quatre décennies. Aussi EDF a du ouvrir un centre d’adaptation-formation pour jouer carte sur table et tenter de retrouver la mémoire des bricolages effectués. C’est que les soudeurs de Westinghouse vont devoir travailler plusieurs mois sur le parc nucléaire vétuste français et ne veulent pas être impliqués dans une catastrophe.
Si EDF fait déjà appel à des travailleurs sous-traités, notamment de la société "Endel" (2), qui sont à l’oeuvre sur les réacteurs de Tricastin (Drôme-Vaucluse), Bugey (Ain), Cattenom (Moselle) ou rien ne semble avoir été détecté, à Chinon (Indre-et-Loire) ce n’est pas la même histoire et des corrosions (3) y ont été mises au jour. Alors une question taraude les champions du nucléaire : on change les tronçons ou bien on change toutes les tuyauteries ? Les chantiers ne sont évidemment pas de la même ampleur, sauf à dissimuler la réalité.
De toute façon le compte n’y est pas en spécialistes (3) pour remettre en service ces vieilles casseroles mortelles amputées. Même si EDF s’est associé au constructeur des sous-marins nucléaires "Naval Group" et à Areva-Orano pour mettre sur pied une école de formation aux métiers de soudeurs : ils ne seront pas opérationnels avant plusieurs années. Et les planning farfelus d’EDF ne pourront être tenus : le nucléariste annonçait que la centrale de Chooz devait être relancée en plein coeur de l’hiver en décembre 2022 et celle de Civaux en janvier 2023. On sait que les délais auront du mal à être tenus sauf à prendre des risques supplémentaires avec la sécurité et à forcer la main de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) qui doit donner son feu vert au redémarrage.
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(1) technologie de Réacteur à Eau Pressurisée (REP)
(2) Endel est une filiale de "Engie" qui se désengage du nucléaire et s’oriente vers les énergies renouvelables. Engie a vendue en avril dernier Endel à la société Altrad du milliardaire Mohed Altrad qui dirige également le club Montpellier-Hérault-Rugby.
(3) la corrosion est une fissuration des matériaux. Ces défauts se traduisent sous forme de microfissures (amorcées en surface du matériau) se propageant dans l’épaisseur de la pièce. Le mécanisme à l’origine de la fissuration est appelé « corrosion sous contrainte » (CSC). Le matériau est soumis non seulement à une contrainte mécanique (cas de la fissuration simple), mais aussi à un milieu aqueux (ici le milieu primaire contenant du bore) qui permet d’amorcer la microfissuration sous une contrainte mécanique moindre que si le matériau n’était exposé qu’à l’air. voir : https://www.irsn.fr/FR/Actualites_presse/Actualites/Pages/20220120_NI-...
(4) Le PDG de EDF, Jean-Bernard Levy, estimait encore début septembre 2022 (avant que le gouvernement et Emmanuel Macron ne le remplace par un nouvel homme-lige ) que son entreprise manquait de soudeurs depuis plusieurs années et que leur formation ne pouvait pas être relancée sans perspective ... d’un nouveau parc nucléaire en France.