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Fabien Roussel: « Macron doit clairement renoncer à sa réforme des retraites »



« L’ensemble des militants, des forces de gauche qui ont soutenu les Jours heureux doivent être fiers du chemin accompli. »

            JULIEN JAULIN/HANSLUCAS

Le candidat PCF, Fabien Roussel, revient sur les résultats du premier tour et appelle, dans la perspective du second, le président sortant à donner des gages sur le pouvoir d’achat.

A gauche, le débat est intense dans la perspective du second tour. Pour le candidat communiste Fabien Roussel, s’il faut « utiliser le seul bulletin disponible » pour barrer la route de l’Élysée à l’extrême droite, « la balle est dans le camp d’Emmanuel Macron », qui doit donner des gages pour convaincre les Français. Le député du Nord revient également sur les leçons du premier tour et appelle la gauche au dialogue. pluralisme politique. Cette V e République est à bout de soule. Le mode de scrutin de la présidentielle est particulièrement injuste car, ne retenant que les deux premiers, il pousse une grande partie des électeurs à « voter utile ».

Une partie de ces électeurs dépités et de la gauche vous tient pour responsable de cette disqualiication. Que répondez-vous ?

Dans les derniers jours de la campagne, beaucoup d’électeurs que nous avions convaincus ont inalement fait le choix de voter pour Jean-Luc Mélenchon. Grâce à ce « vote utile », il progresse de deux points et réalise son meilleur résultat. Mais le RN et LaREM ont également progressé à ce premier tour et l’ont devancé. Les 802 588 électeurs qui ont voté par conviction pour ma candidature, pour les Jours heureux, n’auraient pas voté pour un autre candidat de gauche. En outre, rejeter la faute sur eux quand il y a 12 millions d’abstentionnistes, c’est un peu facile. Il faut aussi s’interroger sur ce mode de scrutin, ce présidentialisme que nous dénonçons tous à gauche. L’ensemble des militants, des forces de gauche qui ont soutenu les Jours heureux doivent être iers du chemin accompli. Nos idées, notre projet sont toujours d’actualité. D’ailleurs, les 2,3 % que nous enregistrons comptent aussi dans le résultat total de la gauche, qui augmente de plus de 4 points par rapport à 2017.

Quelles leçons tirez-vous des résultats de ce premier tour où vous avez obtenu 2,3 % des voix ?

Je suis forcément déçu par ce résultat tout en étant convaincu que la belle campagne menée collectivement pour une France des Jours heureux est utile pour le présent et pour l’avenir. Mon inquiétude porte surtout sur la forte progression de l’extrême droite : Marine Le Pen réalise son meilleur score depuis 2012. Elle avait alors réuni 6,4 millions d’électeurs, contre 8,1 millions aujourd’hui, et peut désormais compter sur des réserves de voix importantes. C’est une grave menace pour la République. Et puis il y a ce vote prétendument utile qui a siphonné les voix de beaucoup de candidats, dont moi, au bénéice des trois premiers et au détriment duTravaillons au contraire ensemble à progresser encore, tout en respectant notre diversité. Car même si la gauche progresse, elle reste extrêmement faible.

Face au second tour, vous avez appelé à « utiliser le seul bulletin disponible » pour barrer la route à l’extrême droite. Qu’est-ce qui fonde ce choix ?

Dans notre histoire, nous avons toujours fait le choix d’empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir parce que ses idées divisent le monde du travail, les citoyens et menacent la République et la démocratie. J’entends que ce choix est de plus en plus diicile, et Emmanuel Macron, avec son bilan et son programme, en porte une lourde responsabilité. Aussi, nous appelons à battre l’extrême droite sans aucune concession face à Macron. S’il veut que les Français votent pour lui contre Le Pen, il doit s’exprimer rapidement et s’engager à partager plus justement le fruit de toutes les richesses que nous créons.

Comment entendez-vous convaincre ceux qui voient en Emmanuel Macron cinq ans de sacriices supplémentaires et sont prêts à s’abstenir, voire à voter Marine Le Pen ?

Le projet de Marine Le Pen menace les principes fondamentaux de la République, à commencer par l’égalité entre citoyens. Elle veut inscrire dans la Constitution la « préférence nationale », et ainsi faire de ceux qui n’ont pas la nationalité française des sous-citoyens qui n’auront même pas accès aux aides sociales, au logement… C’est un régime discriminatoire dangereux qui porte en lui les germes d’une société de tensions, de chaos. La candidature d’Éric Zemmour a contribué à banaliser encore davantage celle du RN, mais il la soutient aujourd’hui car ce sont bien les mêmes projets.

Vous avez appelé Emmanuel Macron à « entendre la colère des Français ». Il s’est dit prêt lundi à revoir un peu sa réforme des retraites. Qu’en pensez-vous ? 

Il doit aujourd’hui s’exprimer clairement et dire que ce projet dont les Français ne veulent pas ne sera pas mis en œuvre. Au minimum, il doit y avoir un référendum. Mais il faut aller plus loin, car la question du pouvoir d’achat et des salaires, du Smic, qu’il est urgent d’augmenter, est centrale dans cette élection. S’il persiste dans sa politique, il prend un très grand risque pour le pays. Les Français veulent vivre dignement, mieux et tout de suite ! La balle est dans son camp.

Après ce scrutin et les vifs échanges qu’il a parfois entraînés, la gauche peut-elle parvenir à trouver un chemin commun ? L’heure ne doit surtout pas être aux invectives. Au contraire, face à la gravité de la situation, nous avons tous une responsabilité : d’abord de battre l’extrême droite, mais aussi de transformer les 32 % de la gauche en un plus grand nombre de députés lors des élections législatives. Notantqu’il est arrivé en tête de la gauche avec 22 %, j’ai félicité Jean-Luc Mélenchon pour son résultat. Je suis prêt à discuter de la suite avec lui. Dans beaucoup de circonscriptions, nous pouvons gagner. 

Nous devons aussi empêcher l’extrême droite et Macron de l’emporter dans un maximum de circonscriptions.

Concrètement, qu’espérez-vous ?

En 2017, la gauche n’a obtenu qu’un faible nombre de députés. Nous avons défendu des projets, des visions diférentes, mais nous devons créer les conditions de les additionner dans le respect de notre diversité et sans hégémonie de qui que ce soit, car il faut une gauche forte à l’Assemblée pour résister aux mauvais coups qui se préparent. Au-delà des députés sortants derrière lesquels je souhaite que l’on puisse tous se retrouver, il y a dans plus de 120 circonscriptions un total des voix de gauche qui est supérieur à celui de la droite et à celui de l’extrême droite. Elle y est donc en capacité de l’emporter.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR JULIA HAMLAOUI

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