par Front de Gauche Pierre Bénite
L'actualité rappelle que la Russie et l'Ukraine sont deux acteurs majeurs de la production de céréales et de protéagineux dans le monde. À eux deux, ils représentent 28% des exportations de blé et ils figurent dans les cinq premiers exportateurs mondiaux avec le Canada, les USA et la France.
L'apport que représente la Russie et l'Ukraine à l'alimentation mondiale est donc de première importance avec l’impossibilité pour eux de les exporter du fait du blocage des ports ukrainiens de la mer noire. Les sanctions contre la Russie ont fait craindre, avec une augmentation importante des prix, aujourd'hui à 380 dollars la tonne, à une aggravation de la situation alimentaire des pays les plus pauvres.
L'accord signé le 23 juillet sous l'égide de l'ONU et de la Turquie, valable 120 jours, a permis de débloquer la situation et de reprendre les exportations transitant sous contrôle international par le Bosphore.
Si jusqu'à présent aucun bateau n'a eu pour destination les pays les plus demandeurs, c'est que, comme sur le reste des matières premières, le marché est réglé par la loi capitaliste de l'offre et de la demande et donc des propositions que font les acheteurs potentiels pour alimenter leur marché. Notons de ce point de vue que le plus déterminant pour le marché du blé et des céréales, ce ne sont, ni la guerre en Ukraine pas plus que les pays les pauvres mais les énormes besoins de la Chine.
Mais à qui profite en Ukraine et en Russie le commerce des céréales? Répondre à cette question, nécessite de faire un détour sur les questions foncières et sur qui est propriétaire des terres et les exploite.
Le droit soviétique n’a jamais reconnu un droit individuel sur la terre. Les personnes pouvaient obtenir l’usage d’un terrain pour une durée indéterminée mais aucun droit n’y était attaché. Le droit de propriété était détenu par la coopérative, seule compétente pour attribuer et disposer des parcelles.
Dès la fin de l'URSS, la question foncière est posée car il ne pouvait pas y avoir de développement du capitalisme sans un marché foncier. En Russie devant l'opposition de la paysannerie, il faudra attendre 2001 et enfin 2002 avec la loi sur la privatisation des terres agricoles pour que le processus de transformation de la propriété englobe tous les secteurs. C’est quand Poutine accède au pouvoir que l’on note une accélération du processus de privatisation des terres agricoles.
En Ukraine, l'objectif de la privatisation a été effectif dès la fin de l'Ukraine socialiste. S’en est suivie une courte période pendant laquelle ont été autorisées des transactions, c’est-à-dire la vente et l’achat des terres. Mais, pour finir, dès 2001, un moratoire a été décrété mettant un terme à toute transaction. Cet état des choses a perduré jusqu’en 2021.
Tout au long du débat sur la question foncière, l'opposition de la paysannerie ukrainienne a été vigoureuse. Finalement, la pression du Fond Monétaire International, le plus important créditeur de l’Ukraine, a réussi à emporter la décision en faisant de l’abolition du moratoire sur les ventes des terres comme condition sine qua non à l’attribution d’un nouveau paquet de crédits à l’Ukraine.
Et le gouvernement ukrainien s'est exécuté contre l’avis très largement majoritaire de son opinion publique. Dès lors les « opérateurs » avaient les mains libres pour transmettre les terres qu’ils avaient en gestion aux « investisseurs étrangers ». C'est si vrai qu’aujourd’hui les grands trusts agroalimentaires US on fait main basse sur un tiers des terres ukrainiennes et tout particulièrement les plus productives pour la culture des céréales.
En Russie de manière différente et à la suite des sanctions prises par les occidentaux en 2014 après l'annexion de la Crimée, les capitalistes russes se sont retournés vers des investissements dans l'agroalimentaire et avec une aide massive de l'État ont constitué de vastes ensembles dont certains recouvrent plus de 100.000 hectares. Cette politique a conduit à une augmentation très sensible des capacités de la Russie dans le domaine des grandes cultures, même si par ailleurs de nombreux déficits existent dans les productions alimentaires de base.
Ainsi, en Ukraine comme en Russie, le capital a mis la main sur la production de ressources vitales pour l'humanité.
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