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L’ESPRIT CRITIQUE APPLIQUÉ À LA GUERRE EN UKRAINE

« Nous vous appelons à redoubler d’efforts pour chercher un cadre réaliste pour un cessez-le-feu » : 35 parlementaires américains, figures de l’aile progressiste du parti Démocrate, avaient appelé, le 24 octobre dernier, Joe Biden à « déployer de vigoureux efforts diplomatiques en soutien à un règlement négocié et à un cessez-le-feu, à engager des pourparlers directs avec la Russie (et) à explorer les perspectives pour un nouvel accord de sécurité européen acceptable par toutes les parties ». 

C’était la première fois qu’un appel de cette teneur émanait du parti du Président. Les intéressés avaient clairement souligné dans leur déclaration leur opposition à l’invasion « illégale et scandaleuse » de l’Ukraine par la Russie. Il n’empêche : leur prise de position fut assimilée à celle des Républicains pro-Poutine, et ce à la veille des élections stratégiques du 8 novembre. Mis sous pression, les auteurs de la lettre à Biden se sont finalement résolus à retirer leur appel. 

La guerre, elle, se poursuit de plus belle au risque de basculer brusquement dans l’irréparable…

La France n’est pas l’Amérique. Pourtant, force est de constater qu’ici aussi, sur ce même sujet, la parole libre et l’esprit critique ont du mal à se frayer un chemin, notamment dans les grands media . Même émanant de personnalités respectées et dont le rejet de l’agression russe ne souffre aucune ambiguïté, une prise de position s’écartant du discours « politiquement correct » fait courir à son auteur le risque de l’amalgame infamant. 

Il faut donc rendre hommage aux quelques voix courageuses -experts en relations internationales ou anciens généraux, notamment- qui osent braver ce danger en esquissant qui un doute (sur le prolongement indéfini de la guerre au nom de l’objectif de la « gagner ») , qui une proposition ( d’ouvrir « une porte de sortie » à l’envahisseur en espérant rendre possible une issue au conflit par la voie politique et non militaire). 

Et voici qu’un autre spécialiste souvent consulté sur la tragédie ukrainienne, l’ex-ambassadeur Michel Duclos, non suspect de faiblesse à l’égard du Kremlin, vient d’exprimer à son tour des propos qui auront sans doute dérangé plus d’un commentateur attitré : dans la phase critique où est désormais entré le conflit, « On ne peut laisser aux seuls Ukrainiens la responsabilité de définir les buts de guerre et le calendrier d’une éventuelle négociation »

(1) Puisse cette analyse responsable faire son chemin parmi les dirigeants européens ! 

Puissent-ils se poser, comme le diplomate, la terrible question de savoir « si nous ne sommes pas entrés dans une spirale qui rend presqu’inévitable un choc frontal entre la Russie et l’OTAN » et en tirer les conclusions qui s’imposent ! 

Le pire est que nombre d’observateurs, sinon de responsables politiques, partagent cette conviction, mais n’osent l’exprimer de peur de s’exposer aux préjugés et aux anathèmes. Faut-il leur rappeler que le défaut d’esprit critique finit toujours par se payer cher ? 

Cela vaut pour la guerre en Ukraine.

(1) Le Monde (24/10/2022)

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