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Travail ou chômage : Laurent Brun donne son opinion et se positionne...



Au delà des polémiques stériles et pas intéressantes, ce débat est presque aussi vieux que le mouvement ouvrier. Et il éclaire une partie du clivage entre réformistes et révolutionnaires. Les uns voulant « aider », les autres voulant « résoudre ». Le clivage n’est pas forcément indépassable car il peut y avoir des alliances objectives entre les deux (et il y en a eu plein dans l’histoire sociale de notre pays).

Ce n’est donc pas parce qu’il y a confrontation d’idées, que des alliances sont impossibles. Mais il est toujours utile de clarifier le point de vue révolutionnaire, pour éviter les usurpations, les fourvoiements ou les impasses.

Je n’ai pas la prétention de définir le point de vue révolutionnaire. Mais je vais essayer d’en dire ce que j’en comprend pour contribuer à la réflexion collective.

Les militants ouvriers se sont toujours battus pour le salaire, c’est l’élément central de l’affrontement capital/travail. Il s’agit bien sûr d’obtenir un salaire qui permette de vivre dignement (pouvoir se loger, manger correctement, se vêtir, se soigner, accéder au transport, etc…) mais pas seulement. Il s’agit de récupérer tous les fruits de notre travail donc avoir les moyens de vivre le mieux possible, notamment en accédant à des choses que les capitalistes voudraient nous faire concevoir comme superflus (le confort, la qualité des produits consommés, l’accès à la culture, au sport, aux loisirs, au temps libre, le droit aux vacances, etc…).

Par conséquent, même quand on se bat pour une protection face à des situations spécifiques (maladie, vieillesse, chômage), on défend un revenu de remplacement complet, financé par les cotisations sociales, plutôt que des aides diverses.

De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins. C’est universaliste et maximaliste.

Au passage, on défend aussi la gestion ouvrière de ces sommes : puisque le salaire appartient au salarié, c’est à lui seul de gérer la partie qu’il socialise pour couvrir les risques de la vie.

Mais alors pourquoi revendiquer un travail pour tous ? Pourquoi ne pas juste demander un revenu pour tous (universel, de base, d’existence) déconnecté du travail ?

L’argument souvent utilisé c’est la productivité énorme générée par les nouvelles technologies qui réduirait drastiquement le besoin de travail humain et donc qui imposerait d’accepter la privation de travail d’une partie de la population. Par effort de justice on créerait donc un revenu pour les inactifs.

Mais le chômage n’est pas lié aux progrès techniques. Le chômage de masse n’apparaît pas avec l’invention de la machine à vapeur ou de l’ordinateur. Le chômage est une construction économique lié à une mauvaise allocation des ressources guidée par la profitabilité. Le chômage de masse apparaît avec l’accélération de l’exploitation du travail, issue des politique néolibérales des années 70.

Si ce n’était plus la profitabilite qui guidait la répartition du travail alors on pourrait le partager en réduisant le temps de travail, on pourrait changer la nature des productions (disparition du luxe mais réponse aux besoins sociaux comme les emplois dans les hôpitaux, les écoles…), on pourrait re-localiser les productions, etc. L’accès à un travail pour tous serait une réalité.

Donc il faut s’attaquer à l’organisation du travail et à sa répartition. C’est pour cela que les communistes proposent la sécurité d’emploi et de formation.

Pour moi, le salaire pour tous, c’est ceux qui veulent « aider ». L’emploi pour tous, avec un bon salaire, c’est ceux qui veulent « résoudre ».


Pour terminer, ceux qui défendent les allocations existantes, ne sont ni ceux qui veulent « aider », ni ceux qui veulent « résoudre ». Ils sont de droite et défendent une logique de charité : on ne donne pas assez pour vivre car le bénéficiaire doit avoir honte de sa situation. Quand le RSA est créé (promu par Martin Hirsch et mis en place par le gouvernement Fillon/Sarkozy), ce n’est pas par souci de justice sociale, ce n’est pas pour sortir de la misère les gens en situation de chômage total ou partiel, et ce n’est pas à la suite d’une lutte qui leur aurait imposer un compromis.

Le 1er avril 2021, le RSA socle s'élève à 565,34 euros pour une personne seule. Qui peut imaginer qu’on peut vivre correctement avec ça ??

Il ne s’agit pas de le supprimer à ceux qui en bénéficient. Il s’agit de dire que ça ne peut représenter en RIEN un horizon ou une situation acceptable.

Les communistes proposent la sécurité d’emploi et de formation. 

Autrement dit, on met en œuvre le droit au travail de 1871, inclus dans notre Constitution mais jamais appliqué. Chacun a le droit à un travail stable et bien rémunéré, et pour faire face aux restructurations technologiques sans passer par le mécanisme du chômage, on crée des transitions par des périodes de formation qui n’interrompent ni le salaire, ni l’acquisition et le maintien des droits liés au travail. Ce n’est pas suffisant pour transformer complètement la société. Mais c’est nécessaire.

Et ça ne veut pas dire qu’on attend cela en laissant mourir les chômeurs. On se bat à leurs côté contre la réforme de l’intermittence, contre la réforme de l’indemnisation chômage, etc… en revanche notre action ne s’arrête pas là. Notre ambition va au delà.

Il me semble que c’est le débat que veut lancer Fabien Roussel. Et personnellement je me retrouve plutôt bien dans la gauche du travail.

Laurent Brun Publié sur sa page Facebook

Tribune de FABIEN ROUSSEL dans le monde

 En déclarant préférer le travail au chômage, je n’imaginais pas provoquer pareille polémique.



Que n’avais-je dit ?

Certains ont pris leurs plus beaux airs indignés et y ont vu une saillie inspirée des pires discours de la droite réactionnaire.
D’autres sont allés jusqu’à s’élever contre un racisme à peine larvé.

Quel délire !

Quand on parle des autres, on parle d’abord de soi.

En s’indignant ainsi, que disent-ils d’eux-mêmes ?

Qu’ils ont démissionné.
Qu’ils ont renoncé à la grande ambition qui devrait rassembler la gauche :
celle d’éradiquer le chômage.
Si l’esclavagisme revenait demain, ils négocieraient avec le Medef le poids des chaînes.
Pas moi.
Car le chômage tue, il bousille des vies.
Il fait basculer des familles entières dans la pauvreté.
Il instille partout le venin de la division entre ceux qui ont un emploi et ceux qui en sont privés.
De là où je vous parle, dans ce Nord ouvrier depuis si longtemps fier de ses usines et du savoir-faire de ses travailleurs, on sait la dureté du travail et le coût du chômage.
On sait intuitivement que le chômage est
« l’armée de réserve » du capital, comme le disait si bien Marx.

Remettre en cause la logique libérale du chômage

C’est la menace du chômage qui permet au Medef et aux libéraux d’imposer les bas salaires, les horaires élargis sans supplément de rémunération, le quotidien infernal d’une vie sans pause et sans plaisirs.
Et nous devrions accepter le chômage de masse et nous contenter de garantir un revenu d’existence ?
Il est temps, au contraire, de remettre en cause les logiques libérales qui ont toujours entretenu le chômage plutôt que de l’éradiquer, qui ont préféré l’accompagner plutôt que d’empêcher le déménagement de pans entiers de notre industrie.

Ouvrons les yeux.

L’industrie représentait 24 % de notre PIB en 1980 et seulement
10 % en 2019.
Notre flotte de pêche est passée de 11 500 bateaux, en 1983, à 4 500, aujourd’hui.
Quant à la saignée paysanne, elle nous a fait passer de 1 263 000 exploitations agricoles, en 1979, à 429 000, en 2017.

Résultat :
5 millions de privés d’emplois, 2 millions de bénéficiaires du RSA, 4,5 millions de primes d’activité versées par la CAF. Et 10 millions de Français sous le seuil de pauvreté.
Beau succès.

Alors, j’assume.

Je me bats pour une société qui se fixe comme horizon de garantir un emploi, une formation, un salaire à chacun de ses concitoyens.
Et je m’inscris en faux contre ceux qui théorisent la « fin du travail ».
Ce discours passe totalement à côté des réalités qui se font jour.

Ayons de l’ambition pour notre pays.

Tant de besoins mériteraient d’être satisfaits. De quoi permettre à chacun de trouver sa place dans la société et de retrouver sa dignité par le travail.
Redonner du sens au travail
Regardez ces classes sans professeurs, ces trains qui ne circulent pas faute de conducteurs, ces services d’urgences fermés faute de personnels.
Qui peut croire que nous relèverons le service public sans fonctionnaires en plus ?
Qui peut imaginer que nous conduirons la transition écologique sans créer d’emplois ?
Qui peut penser que nous pourrons reconquérir notre souveraineté énergétique, industrielle, alimentaire sans millions d’emplois supplémentaires ni formations massives ?

Bien sûr, à titre transitoire, les salariés ont besoin de protections, d’accompagnement et je serai à leur côté pour dénoncer toutes les attaques du gouvernement contre eux, avec cette réforme de l’assurance-chômage ou encore le projet de travail obligatoire en échange du RSA.

La mutation et l’avenir des médias

 

"La mutation et l’avenir des médias", un débat entre Fabien Gay, directeur de l’Humanité, et Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne #fetedelhuma #fetehumaPubliée par l'Humanité sur Dimanche 11 septembre 2022

Climat. Les dessous de l'accord France-Allemagne sur l'énergie




Aux termes de l’engagement entre Emmanuel Macron et l’Allemagne, la France doit fournir du gaz à son voisin en échange d’électricité, l’Hexagone pouvant se trouver dans l’incapacité de répondre à la demande cet hiver, en raison de son sous-investissement nucléaire. Le chancelier Scholz annonce, lui, la réouverture de 27 centrales au charbon très polluantes.


Face à la crise énergétique Emmanuel Macron a annoncé la conclusion d’un accord avec son homologue Olaf Scholz. D’un côté, Paris s’engage à livrer du gaz à l’Allemagne, qui risque d’en manquer cruellement cet hiver, quand, de l’autre, Berlin s’engage à fournir l’électricité qui pourrait venir à manquer à la France « dans des situations de pics de consommation ».

L’affaire est présentée par le président de la République française comme un moyen d’actionner une « solidarité européenne » face à des risques de pénurie d’énergie cet hiver. Un problème qui se fait d’autant plus lancinant que la compagnie russe Gazprom vient de prolonger sa décision de fermer le robinet du gaz qui arrive outre-Rhin par le biais du gazoduc Nord Stream 1.

Un sous-investissement dans la filière nucléaire

Le risque de manque d’énergie, accompagné de potentiels « black-out » – la suspension de fourniture de gaz et d’électricité pour des régions entières –, se pose des deux côtés du Rhin. Pour des raisons qui tiennent à chaque fois à des politiques publiques défaillantes parce que soumises au marché libre de l’énergie, promu de longue date à Paris, Berlin et à Bruxelles.

Pour la France, les difficultés tiennent à un sous-investissement dans sa filière nucléaire. Nombre de ses centrales atomiques ont été mises à l’arrêt ces dernières semaines pour cause de réparations et autres problèmes de maintenance. Le deal macronien s’en accommode, tout en cherchant à s’assurer que la France pourra importer de l’électricité allemande comme elle a commencé de le faire, mais vraisemblablement en bien plus grande quantité pour affronter toutes les rigueurs de l’hiver.

La France s’apprête ainsi à dépendre encore plus de l’électricité produite outre-Rhin à partir du charbon et du lignite, la principale composante (près de 28 % du mix électrique allemand, l’an dernier). L’opération devrait s’avérer d’autant plus calamiteuse pour le climat et les rejets de carbone du couple franco-allemand sur le continent que Berlin vient de décider de rouvrir, d’ici cet automne, quelque 27 centrales utilisant de la houille ou du lignite, le combustible fossile de loin le plus émetteur de CO2.

Un tournant à 180 degrés pour Berlin

Pour l’Allemagne, il s’agit de gérer un autre type d’erreur fondamentale en matière de gestion de l’énergie : celle qui l’a conduite à se placer dans une énorme dépendance au gaz russe (plus de 56 % de sa consommation avant la guerre de Poutine en Ukraine).

Les autorités berlinoises successives ont ainsi fait du gaz naturel, réputé moins polluant, un moyen d’impulser la transition énergétique afin de le substituer peu à peu au… charbon.

La prolongation ou la remise en service de plusieurs centrales a déjà contribué à faire revenir ou à accélérer le rythme de ces excavatrices, insectes de métal géants qui mangent les couches de houille brune dans les mines à ciel ouvert de la région de Cologne ou de l’est du pays, au grand dam des habitants des villages engloutis et des agriculteurs expulsés de leurs terres. Leur retour a fait bondir de 40 % depuis janvier la production d’électricité ultracarbonée outre-Rhin.

Le ministre de l’Économie et du Climat, le Vert Robert Habeck, éprouve les plus grandes peines à justifier ce tournant à 180 degrés alors que les écologistes n’ont cessé de dénoncer, à juste titre, durant la récente campagne des élections du Bundestag, il y a un an, les « dégâts du charbon sur le climat comme sur des forêts ravagées outre-Rhin par une recrudescence de pluies acides ».

Sur la défensive, Habeck fait valoir que la réouverture des centrales ultracarbonées est prévue jusqu’en mars 2024 et serait donc provisoire. Tout en clamant qu’il maintiendra l’objectif affiché par le gouvernement tripartite du chancelier Scholz (SPD, Verts, libéraux) de sortie du charbon d’ici à 2030. Avec une crédibilité voisine de zéro puisque les besoins énergétiques d’un pays ultra-industrialisé comme l’Allemagne devraient rester très élevés. Et le passage effectif à des ressources moins carbonées pourrait s’avérer long et difficile.

S’appuyer sur les potentiels d’EDF

Berlin fait certes déjà figure de champion européen des installations éoliennes et solaires. Mais ces énergies intermittentes ne peuvent fonctionner qu’en s’assurant d’un relais potentiel permanent par des centrales thermiques classiques pilotables, en cas d’absence de vent ou de soleil. D’où la place déjà peu enviable de l’Allemagne comme l’une des principales souffleries de gaz à effet de serre du continent avant même la guerre en Ukraine. D’autant que, insurmontable contradiction avec les objectifs de réduction de CO2, la loi du marché, si chère à la coalition gouvernementale berlinoise, permet à l’opérateur privé le plus compétitif de l’emporter, en l’occurrence celui utilisant du charbon ou du lignite.

Emmanuel Macron et les autorités françaises successives, qui ont impulsé elles-mêmes la mise en place d’un grand marché européen de l’électricité, subissent aujourd’hui tous les inconvénients de leur soumission à une organisation continentale largement inspirée du modèle allemand.


Au point de devoir se gaver d’électricité ultracarbonée en provenance d’outre-Rhin, plutôt que d’en prendre l’exact contrepied. Car, Paris pourrait s’appuyer sur tous les potentiels d’une grande entreprise publique comme EDF pour produire davantage d’électricité nucléaire décarbonée. Par son intermédiaire, pourraient être mis en place des services de salut public pour combattre la précarité énergétique – un fléau pareillement connu en France et en Allemagne – et impulser en grand la transition énergétique, indispensable au combat contre le réchauffement climatique.

Le gouvernement Macron tourne ouvertement le dos à ces objectifs en restant fixé sur des réformes destinées in fine à démanteler l’entreprise publique.

Au point qu’au nom de la bien mal nommée solidarité européenne, il ne lui vient même pas une remarque critique sur le dogmatisme antinucléaire qui conduit Berlin à refuser toujours de maintenir en service ses trois derniers réacteurs après la fin de l’année. Ce qui ne manquera pas d’être compensé par des livraisons françaises de gaz ou… une hausse du recours au charbon et au lignite.

Bruno Odent Article publié dans l'Humanité


Fête de l'Humanité - Débat Pour la paix et le désarmement avec Fabien Roussel et Philippe Rio