Rechercher dans ce blog

Gratuité des premiers volumes d’eau potable Par Marie-Claude Varaillas sénatrice communiste



Nous opposons le modèle de la gratuité et de la solidarité à celui de la marchandisation



En 2006, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) affirmait que « chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ».

L’ONU consacrait à son tour, en 2010, le droit fondamental à une eau potable, salubre et propre. Les dix-sept Objectifs 2030 du développement durable, adoptés en 2015, comportent un droit à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène.

Enfin, une directive européenne de décembre 2020 oblige les États membres de l’Union à assurer l’accès à l’eau potable pour tous.

Ce droit est donc défini et reconnu en droit positif mais il reste fictif faute d’instrument légal pour garantir sa mise en oeuvre.

Pour 1,2 million de personnes, l’eau reste inabordable ; 140 000 personnes n’ont pas accès au réseau de distribution.

Après un premier échec au Sénat, nous remettons l’ouvrage sur le métier.

Certes, des outils existent pour soulager les plus fragiles. La loi Brottes a lancé une expérimentation de tarification sociale qui s’applique jusqu’au 15 avril 2021 - c’est aujourd’hui. L’article 15 de la loi Engagement et proximité crée une boîte à outils : chèque eau, allocation, tarification sociale, gratuité. Mais ces dispositifs optionnels, assez peu utilisés, ne garantissent pas le droit à l’eau.

S’agissant d’un droit universel, c’est à l’État d’adopter le mécanisme législatif adéquat. Nous proposons ainsi un dispositif universel d’accès applicable en tout point du territoire et pour chacun, raccordé ou non.

Nous demandons par conséquent une gratuité, dont le niveau est à définir ; cinq litres par personne et par jour correspondent à la nécessité vitale.

Le budget des collectivités territoriales ne serait pas impacté puisqu’elles ne peuvent financer l’eau au-delà de 2 % des redevances. Le coût sera donc lissé entre les usagers, selon un principe de solidarité.

À charge des collectivités territoriales, en revanche, d’assurer l’accès à la ressource pour les plus démunis, avec une augmentation à due concurrence de la DGF. La DETR et la DSIL pourront être mobilisées pour les travaux sur les réseaux d’assainissement.

Quatre remarques d’opportunité politique s’imposent. D’abord, une directive européenne nous impose d’installer des fontaines gratuites dans les lieux publics et de multiplier les points d’accès à l’eau. Faute de transposition, la France sera condamnée.

La crise sanitaire nous oblige aussi à repenser l’accès à l’eau, quoi qu’il en coûte. Le Gouvernement a pris des dispositions le 27 mars 2020 pour que les préfets et collectivités territoriales veillent à garantir l’accès à l’eau, aux sanitaires, aux douches et aux laveries.

Alors que la consommation moyenne est de 140 litres par jour par personne, la gratuité de 5 litres pour tous et 40 litres pour les personnes non raccordées ne gaspillerait pas la ressource.

Nous assumons de laisser un décret en Conseil d’État définir le niveau de gratuité, après avis du Comité national de l’eau. C’est une souplesse, pour une mise en place progressive.

Cette loi n’entrave en rien la libre administration des collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel a déjà jugé, le 7 décembre 2000, sur la loi SRU, qu’une contrainte de ce type était acceptable à des fins d’intérêt général. Ce motif est ici caractérisé.

Nous opposons le modèle de la gratuité et de la solidarité à celui de la marchandisation. Sans aller jusqu’à rendre le droit à l’eau opposable, il convient de lui donner un cadre légal, en sortant de la notion caritative d’aide aux ménages, pour s’orienter vers un droit universel.

La gratuité est un levier puissant d’égalité sociale et territoriale ainsi que d’universalité.


Marie-Claude Varaillas: Auteure de la proposition de loi. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire