d’après une étude du Rapse et d'Économie et politique sur les programmes du PCF et de LFI
À quelques mois de l’élection présidentielle de 2022, 200 adhérents du PCF signent un texte demandant aux communistes d’œuvrer à un « accord global » à gauche sur « un programme de rupture avec le capitalisme et le productivisme ». Un appel public lancé de l’extérieur du PCF alors que la décision sera tranchée le 9 mai par un vote des adhérents, après une conférence nationale les 10 et 11 avril.
Bien que ce courrier « ne saurait être pris pour un soutien à Jean-Luc Mélenchon », a assuré l’un de ses signataires à l’AFP [1], plusieurs de ceux-ci ont déjà fait connaître leur choix pour le leader de La France insoumise (LFI).
Programmes LFI et PCF identiques ?
De leur côté, un certain nombre de responsables de LFI insistent sur la proximité de leur programme - L’Avenir en commun - avec celui du PCF - La France en commun. Mais si les noms des programmes se rapprochent, ce qui n’aide pas à la clarté, et que les idéaux affirmés se ressemblent, derrière les intentions se cachent des disparités sur les moyens pour concrétiser les objectifs.
Jean-Luc Mélenchon affirme que les analyses et programmes des deux formations sont comme des frères jumeaux. La preuve en serait que les deux groupes au Parlement mènent les mêmes combats. Mais une chose est de mener au Parlement des actions d’opposition aux mesures du gouvernement, puis d’élaborer des propositions de court terme. Autre chose est d’avoir un projet alternatif de société viable à long terme.
Un « comparateur de programmes » fantaisiste...
Ce n’est pas le cas. C’est ce qu’a décrypté le Réseau d’action promouvoir sécuriser l’emploi (Rapse) dans sa lettre n° 166 de mars 2021 jointe au dernier numéro d’Économie et politique (revue marxiste d’économie publiée par le PCF). Pour cela, les économistes du Rapse ont comparé la partie économique des deux programmes et utilisé l’outil que LFI veut de référence, son fameux « comparateur de programmes » qui a pour particularité de faire apparaître sept points de convergence entre LFI et le PCF et 20 points de... en fait 20 points de rien, le PCF n’ayant semble-t-il pour eux aucune proposition en matière de droits nouveaux, de migrations, de dette, de consultation citoyenne, de terrorisme, etc.
On est loin des fameux 90 % d’identité de vue. Pour le comparateur, le PCF n’a quasiment pas de propositions, celles-ci n’étant que le résultat de la réflexion des « députés et sénateurs du parti ».
Or, le programme du PCF est le résultat de rencontres de plus de 400 000 personnes et de 65 000 questionnaires remplis.
Il suffit donc de lire ses 59 pages de propositions pour tenir le « comparateur de programmes » de LFI pour une démarche de mauvais propagandistes.
Changer de société en laissant le pouvoir aux banquiers ?
Le comparateur présentant peu d’intérêt, il faut donc se pencher sur chacun des deux programmes pour percevoir ce qui les rapproche et les oppose.
Avec à l’esprit le fait qu’une élection présidentielle propose un choix de société à une nation tout entière et pas simplement un programme de gestion, fût-il socialement avancé, d’une ville, d’un département ou d’une région.
Et c’est là que le Rapse relève de profondes divergences entre les deux programmes.
Le PCF, lors de son dernier congrès, avançait que « pour libérer la politique de la dictature du marché, il faut une appropriation sociale effective des entreprises et des banques, et de toutes les institutions qui leur sont liées. De même que nous n’entendons pas déléguer la politique et l’intérêt général au sommet de l’État, nous devons refuser de déléguer la gestion des entreprises, la production des richesses, aux capitalistes. La séparation entre l’économie et la politique est au cœur du capitalisme et de ses aliénations. Nous voulons la dépasser ».Or, à plusieurs reprises, et notamment depuis le il décembre 2016 sur France Info, le candidat de LFI se dit « opposé à la socialisation totale de la plus-value », qui « est un choix de société, un choix de rupture intégrale avec le capitalisme » [2].
Se donner les moyens de la rupture avec le capitalisme... ou pas !
Dans ces conditions, quels pouvoirs nouveaux aux travailleurs et où trouver l’argent pour mener une politique que Jean-Luc Mélenchon souhaite « en rupture avec les diktats du capitalisme de notre époque qui conduit la civilisation humaine au désastre » ?
Le Rapse note que rien de fondamental dans le programme de LFI ne permet d’atteindre cet objectif. Les lecteurs trouveront avantage à télécharger sur le site d’Économie et politique les dix pages d’analyse traitant des propositions économiques du PCF et de LFI. Une somme d’informations trop importante pour être traitée ici en totalité.
En voici cependant quelques exemples parmi les plus parlants.
• LFI : « Mettre fin au pillage de la nation. Mesure clé : revenir sur les privatisations (aéroports, autoroutes, Française des jeux, etc.). »
C’est évidemment partagé par le PCF mais avec quel contenu ? On a connu les nationalisations de Mitterrand. L’élection par les salariés du tiers des membres des conseils d’administration n’a rien changé : aucun pouvoir sur les choix stratégiques, sociaux et financiers. Cette loi n’a pas empêché d’importantes suppressions d’emplois. Il faut donc des pouvoirs nouveaux.
• LFI : « Investir pour assurer la bifurcation de notre économie. Mesure clé : lancer un plan massif de 100 milliards d’euros d’investissements écologiquement et socialement utiles. »
L’idée est séduisante mais la proposition épargne le patronat et la finance.
L’État et les finances publiques (les impôts) vont tout régler.
Le PCF de son côté propose :
• Moratoire immédiat sur les licenciements, les fermetures, les cessions ou externalisations de sites ou de services, les délocalisations industrielles, etc.
• Élaborer un plan de développement d’une vingtaine de filières pour une nouvelle industrialisation. Un million d’emplois seront créés dans les filières d’avenir : l’énergie, notamment renouvelable, l’automobile propre, les transports urbains et ferroviaires, la rénovation thermique, l’agriculture paysanne, l’aérospatiale, la navale et le numérique, et de la réparation, de l’économie circulaire et des matières recyclées.
Smic, 32 heures, retraites...
• LFI : « Lutter contre les inégalités salariales dans l’entreprise. Mesure clé : Porter immédiatement le Smic mensuel à 1400 euros net. »
Le programme du PCF prévoit de porter le Smic net à 1700 euros comme le propose la CGT avec une conférence annuelle de revalorisation des salaires et des qualifications. Augmentation immédiate des salaires (+ 23 % pour le Smic, fixé à 1 800 euros brut -1700 euros net à la fin du quinquennat -) et augmentation en conséquence des salaires de chaque premier niveau.
L’encadrement des rémunérations dans les entreprises (échelle de 1 à 20), suppression des stock-options et interdiction des « parachutes dorés ».
• LFI : « Réduire le temps de travail, travailler moins pour travailler tous. Mesure clé : Appliquer réellement et immédiatement les 35 h, en majorant les heures supplémentaires. »
Le PCF quant à lui annonce des négociations pour passer aux 32 heures.
Une différence de taille avec la position de LFI dont le leader déclarait au Grand Jury sur RTL et LCI « les 32 heures comme le demande la CGT je ne sais pas faire ».
• LFI : « Garantir une retraite digne. Mesure clé : Restaurer le droit à la retraite à 60 ans à taux plein. »
Deux mesures qui annulent les reculs de la dernière décennie. Sans plus.
Le PCF propose des retraites avec un taux de 75 % minimum et en aucun cas inférieur au Smic revalorisé pour une carrière complète de travail.
Où trouver l’argent ?
• LFI : « Séparer les banques d’affaires et de détail. »
C’est insuffisant pour que les banquiers aient un comportement vertueux. Pour le PCF, les aides actuelles seront remplacées par des fonds régionaux et un fonds national pour l’emploi et la formation, pour des projets précis en matière économique, sociale et écologique. La sélection doit être démocratique avec un contrôle rigoureux, décentralisé.
S’ajoute la création d’un Fonds européen de développement solidaire et écologique.
• PCF : « Mesure clé : créer un pôle public bancaire. »
Le PCF propose également la création d’un pôle public bancaire autour de la Caisse des dépôts et consignations, de la Banque publique d’investissement, de la Banque postale, des banques mutualistes avec la nationalisation de la BNP Paribas et de la Société générale...
• LFI : « Construire un cadre protecteur pour les travailleurs. Mesure clé : Abroger la loi El Khomri et les ordonnances Pénicaud, rétablir la hiérarchie des normes sociales, le principe de faveur et les “comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail”. »
Autrement dit, revenir à la situation moins pire d’avant François Hollande, sans plus.
Le PCF propose également la création d’un pôle public bancaire autour de la Caisse des dépôts et consignations, de la Banque publique d’investissement, de la Banque postale, des banques mutualistes avec la nationalisation de la BNP Paribas et de la Société générale...
Le pouvoir dans les entreprises
• LFI : « Construire un cadre protecteur pour les travailleurs. Mesure clé : Abroger la loi El Khomri et les ordonnances Pénicaud, rétablir la hiérarchie des normes sociales, le principe de faveur et les “comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail”. »
Autrement dit, revenir à la situation moins pire d’avant François Hollande, sans plus.
Pour le PCF il est nécessaire d’abroger la « loi Travail » et d’adopter une nouvelle loi de sécurisation de l’emploi et de la formation.
• LFI : « Interdire les licenciements boursiers et le versement de dividendes dans les entreprises ayant recours à des licenciements économiques. »
Évidemment, mais les licenciements économiques ne représentent qu’une très faible partie des entrées à Pôle emploi : 2,10 %. En 2020-21, les plans de licenciements se multiplient mais beaucoup sont «justifiés » par la situation économique des entreprises.
• LFI : « Garantir la continuité du revenu en cas de perte d’emploi ou de retrait d’activité dans le cadre d’une sécurité sociale professionnelle. »
• « Établir un “droit opposable à l’emploi” par l’embauche publique des chômeurs volontaires sur des tâches d’intérêt général. »
• S’ajoute « l’embauche en dernier recours par l’État des chômeurs de longue durée »
• LFI : « Interdire les licenciements boursiers et le versement de dividendes dans les entreprises ayant recours à des licenciements économiques. »
Évidemment, mais les licenciements économiques ne représentent qu’une très faible partie des entrées à Pôle emploi : 2,10 %. En 2020-21, les plans de licenciements se multiplient mais beaucoup sont «justifiés » par la situation économique des entreprises.
Assurer la sécurité emploi formation
• LFI : « Garantir la continuité du revenu en cas de perte d’emploi ou de retrait d’activité dans le cadre d’une sécurité sociale professionnelle. »
• « Établir un “droit opposable à l’emploi” par l’embauche publique des chômeurs volontaires sur des tâches d’intérêt général. »
• S’ajoute « l’embauche en dernier recours par l’État des chômeurs de longue durée »
Comment seront assurés les financements de ces mesures ? Il faut assurer un revenu aux salariés au chômage mais la question essentielle est d’éradiquer ce fléau.
Cela ne peut se faire comme le propose LFI en embauchant les chômeurs de longue durée (3,5 millions) par l’État. Cela revient à faire assurer le traitement du chômage par les citoyens, tandis que les patrons continuent de licencier pour assurer des taux de dividende exorbitants.
De son côté le PCF propose :
• Renégociation de l’indemnisation avec comme objectif 80 % du salaire brut perçu au cours de l’activité antérieure, avec le Smic revalorisé comme garantie minimale.
• La Sécurité emploi formation (SEF) : chaque personne aura droit, tout au long de sa vie active, d’être en emploi ou en formation choisie, rémunérée par un service public de l’emploi et de la formation.
Les propositions de LFI et du PCF sont radicalement différentes...
• LFI : « Instaurer le droit pour les salariés à un vote de défiance à l’égard des dirigeants d’entreprise ou des projets stratégiques. »
Un vote de défiance ? Cela va sûrement faire trembler les patrons de Renault, de Total, de Carrefour et de quelques autres !
• LFI : « Renforcer le pouvoir d’intervention des salariés contre les licenciements économiques par un droit de veto suspensif des comités d’entreprise. »
Cela ne peut se faire comme le propose LFI en embauchant les chômeurs de longue durée (3,5 millions) par l’État. Cela revient à faire assurer le traitement du chômage par les citoyens, tandis que les patrons continuent de licencier pour assurer des taux de dividende exorbitants.
De son côté le PCF propose :
• Renégociation de l’indemnisation avec comme objectif 80 % du salaire brut perçu au cours de l’activité antérieure, avec le Smic revalorisé comme garantie minimale.
• La Sécurité emploi formation (SEF) : chaque personne aura droit, tout au long de sa vie active, d’être en emploi ou en formation choisie, rémunérée par un service public de l’emploi et de la formation.
Les propositions de LFI et du PCF sont radicalement différentes...
De vrais pouvoirs aux salariés
• LFI : « Instaurer le droit pour les salariés à un vote de défiance à l’égard des dirigeants d’entreprise ou des projets stratégiques. »
Un vote de défiance ? Cela va sûrement faire trembler les patrons de Renault, de Total, de Carrefour et de quelques autres !
• LFI : « Renforcer le pouvoir d’intervention des salariés contre les licenciements économiques par un droit de veto suspensif des comités d’entreprise. »
Il manque le droit de proposer des solutions alternatives, examinées par un collectif d’élus, de syndicalistes, de citoyens, de patrons, avec pouvoir de décision et possibilité de financement par les banques et les fonds régionaux.
Le PCF ajoute l’instauration de pouvoirs d’intervention pour les fonctionnaires et les usagers, et pour les travailleurs sur l’organisation du travail comme sur les choix de gestion : droit de veto suspensif en cas de fermeture ou de délocalisation, obligation d’examiner les propositions des salariés ; droit de reprise par les salariés en coopérative, aides financières et à la gestion durant la période de prêt...
Dans l’immédiat, on peut interdire les licenciements dans les entreprises ayant reçu des aides publiques, développer la formation plutôt que de mettre au chômage partiel, utiliser le crédit bancaire pour redévelopper une industrie moderne porteuse d’emploi.
Comme on le constate, s’il y a convergence sur les grands intitulés, on est loin d’un accord sur le fond. Comme le note le Rapse, « l’urgence que provoque la catastrophe prévisible dans le domaine de l’emploi montre qu’on ne peut pas ne pas engager le débat d’idées sur le fond, sans tricher, en montrant les convergences mais aussi tout ce qui nous sépare les uns et les autres dans ce que chacun propose de mettre en œuvre avec l’objectif aussi que les citoyens, les salariés s’emparent de ces idées, engagent des luttes et se mobilisent massivement ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire