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Pilotage solitaire, erreur d’appréciation et entêtement coupable

Jeudi dernier, André Chassaigne intervenait à l’Assemblée nationale suite à la déclaration du gouvernement sur la crise sanitaire. Extraits.


Que faites-vous de notre République ? Cette convocation au lendemain des annonces du Président de la République est la marque du mépris le plus absolu du monarque pour le Parlement et à l’endroit du peuple. Notre pays en est désormais réduit à se plier aux oukases d’un souverain. Trop content d’an- noncer à ses 66 millions de sujets le sort qu’il leur réserve et que rien ne semble arrêter, pas même ses propres erreurs et les cris d’alerte d’un personnel soignant à bout de souffle.

Voter sur des mesures déjà annoncées et mises en œuvre a-t-il une quelconque signification ? Qui peut croire que l’application de l’article 50-1 de notre Consti- tution n’est pas juste un hochet tiré du coffre à jouets pour “faire comme si on était une démocratie” ?

Depuis un an, notre pays reste englué dans une crise sanitaire qui semble sans fin. Des territoires entiers sont abandonnés à leur sort, comme en Outre-mer ou en Seine-Saint-Denis.
Depuis un an, vous décidez seul, sans jamais tenir compte des avis et des propo- sitions de l’opposition. Tout au plus faites-vous mine de nous informer quand tout est déjà étalé à la une des médias. Et comble du comble, hier soir, le Président ose nous dire que ses décisions, ses échecs sont le fruit de choix collectifs, alors qu’ils sont celui d’un pilotage solitaire, d’erreurs d’appréciation et d’entêtements cou- pables.

Depuis le début de cette crise, le Président de la République, l’ensemble du gou- vernement et la majorité ne cessent de nous répéter, avec une arrogance désor- mais récurrente, qu’ils ont raison, qu’ils prennent les meilleures décisions... tandis que s’accumulent les décès évitables.

Nous sommes ici aujourd’hui pour “commenter” les nouvelles restrictions annon- cées par le Président de la République pour 4 semaines au moins. Il y a quatre semaines, le même demandait aux Français de tenir encore 4 à 6 semaines avant un assouplissement de ces restrictions prises !

La dégradation de la situation sanitaire était pourtant prévisible. À l’anticipation, vous avez préféré l’attentisme et la gestion de la crise au fil de l’eau. Ce manque d’anticipation, nous le retrouvons dans la stratégie vaccinale. Depuis 4 semaines, la montée en charge de la vaccination n’est toujours pas au rendez-vous. Elle ne le sera pas plus demain.

Il y a 48 heures, ici même, le ministre de la Santé osait affirmer que nos voisins ne faisaient pas mieux que nous ! C’est faux : la France est toujours largement à la traîne. Au regard du nombre de doses administrées pour 100 personnes, la France se classe à la 29e place. Est-ce digne d’un pays qui se présente comme la 6e puis- sance économique du monde ?


Alors, que nous propose le Président de la République pour faire face à ce désastre, à son propre échec ? La fermeture des crèches et des écoles pour 3 semaines, et 1 mois pour les collèges et les lycées ; un effort de tous les soignants, alors que depuis un an ils sont à bout de souffle et n’ont eu en échange que droit à de belles paroles ; l’ouverture de nouveaux lits de réanimation pour atteindre l’objectif de 10 000, après nous avoir psalmodié, depuis un an, que cela était impossible ; la systématisation du télétravail alors qu’elle reste au bon vouloir des employeurs ; la fermeture de tous les commerces dits non-essentiels. Et tout cela pourquoi ? Parce que vous avez échoué à briser la courbe des contaminations.

Après l’épisode calamiteux des masques et celui non moins funeste des tests, l’échec de votre stratégie vaccinale est patente. Alors que vous avez tout misé sur la vaccination pour faire reculer le virus, que dire des plus de 75 ans qui, aujourd’hui, sont encore dans l’impossibilité de trouver un rendez-vous ? Que dire des commandes de vaccin non encore honorées ? Que dire de la farce des vaccino- dromes refusés puis ouverts, voire ouverts puis fermés ? Que dire du retard à mobiliser les capacités de production nationale pour produire des vaccins ? Que dire du département de la Seine-Saint-Denis, le plus touché et le moins vacciné ? Que dire de l’annonce de 220 000 personnes vaccinées par jour quand notre voisin anglais vaccine aujourd’hui 1 million de personnes tous les jours ?

De la même manière, depuis un an, notre pays n’a pas accru ses capacités hospi- talières de manière pérenne, notamment en termes de lits de réanimation. Avant l’épidémie, 5 000 à 5 100 lits étaient ouverts en France, avec des taux d’occupation moyens oscillant entre 85 et 90 %. Au 19 mars, la direction générale de la Santé en recensait 7503, dont 86 % occupés par des patients atteints par la Covid ou non. Ces ouvertures de lits à flux tendus impliquent en réalité des déprogramma- tions d’opérations. À l’inverse, certains hôpitaux ont continué à fermer des lits d’hospitalisation.

Résultat : nous voilà revenu à la situation d’il y a un an, les services de réanimation sont au bord de la saturation et, pour reprendre l’expression d’un collectif de médecins de l’AP-HP, le « gouvernement se déresponsabilise de façon hypocrite ». Quant aux écoles, parlons-en des écoles ! Les annonces du Président hier sont une catastrophe pour tous nos enfants. Vous avez jusque-là laissé les écoles ouvertes. C’est ce qu’il fallait faire, non pour satisfaire aux besoins du Medef et transformer les établissements en garderie, mais parce que nos enfants en avaient besoin. Mais il fallait dans le même temps mettre en place tout le nécessaire pour empê- cher leur fermeture.

Avez-vous suffisamment protégé nos enseignants ? Non.
Avez-vous recruté du personnel pour remplacer les absences inévitables en temps de pandémie ? Non.
Avez-vous mis en place des classes allégées pour éviter le développement de foyers épidémiques ? Non.
Avez-vous testé largement pour éviter la propagation du virus ? Non.
Avez-vous équipé les établissements de purificateurs d’air ? Non.


(...) Vous nous mettez, une fois encore, devant le fait accompli de décisions prises la veille pour le lendemain sans consultation démocratique préalable, sans pré- paration.
Les oppositions, toutes les oppositions vous ont fait des propositions sérieuses qui auraient mérité d’être étudiées et débattues. Nous aurions pu bâtir collecti- vement une sortie de crise à la hauteur. Vous voulez continuer à décider seul, alors nous vous laisserons seuls pour plébisciter des décisions déjà prises. μ

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