Pour toute négociation de la part de Macron et Darmanin, c'est l'envoi des troupes et du GIGN en Guadeloupe et en Martinique. Macron et son exécutif veulent-ils renouveler le drame de mai 1988 à Nouméa en Nouvelle-Calédonie, sous Chirac et Pasqua ?
Face au climat d’insurrection qui monte en Guadeloupe et en Martinique, le pouvoir a voulu se montrer magnanime et s'est dit « prêt » à parler « changement de statut ». Une réponse qui tombe à côté. Plus social qu'institutionnel, le mouvement continue, de plus belle. Un boulet pour le candidat Macron ?
Avec la crise sanitaire, les Antilles connaissent un nouvel embrasement social. Presque treize ans après un mouvement de grève massif contre la « profitation » mot créole qui dénonce un système , issu de l'histoire coloniale ( 38 jours en Martinique , 44 jours en Guadeloupe ) en 2009, des appels à la grève générale ont été lacés par les organisation syndicales sur les deux Îles.
Si le passe sanitaire et les suspensions de pompiers et de personnel soignant ont mis le feu aux poudres au mois de septembre, la situation sociale en Guadeloupe comme en Martinique constitue la poudrière. De fait, ce mouvement éloigné de la Métropole d'un point de vue géographique s'invite politiquement dans la campagne de la présidentielle.
Pauvreté, inégalités, jeunesse poussée à bout.
« Les gouvernements successifs n'ont pas retenu les leçons de la grève de février 2009 », analyse ainsi Louis Broutin, avocat et président de la Martinique – Écologie. « C'est tout ce que nous avons dénoncé en 2009 qui rejaillit en ce moment », considère Jean-Marie Nomertin, secrétaire général de la Confédération générale du travail de Guadeloupe » ( CGTG ). Entre trois et quatre Martiniquais sur dix vivent sous le seuil de pauvreté », souligne le dirigeant communiste et conseiller municipal de Fort-de-France, Michel Branchi.
Parti d'une contestation de passe sanitaire, le mouvement a tourné à la grève générale d'abord en Guadeloupe. Le 22 novembre, il s'est propagé à la Martinique, « avec les autres syndicats, nous avons ajouté toutes les revendications sociales, sur la précarité, la misère, les bas salaires, le respect des conventions collectives », explique Jean-Marie Nomertin.
« En Guadeloupe, les patrons sont champions de la triche aux cotisations sociales », dénonce le syndicaliste. En Martinique, ce sont aussi les revendications sociales qui ont été mises en avant par les. syndicats. Sur le terrain, la grève générale n'a pas encore mobilisé la majorité de la population, malgré le succès de la manifestation organisée par le LKP (Collectif contre l'exploitation outrancière ), le 27 novembre.
La jeunesse a érigé des barrages routiers d'abord en Guadeloupe, pratique qui s'est étendue à la Martinique, avec des heurts et parfois même des coups de feu face aux force de police. ( si les violences et les pillages doivent être condamnés, il est d’abord urgent de remettre de l'ordre social et de faire l'égalité républicaine, non plus une promesse, mais également une réalité pour le Antillais et les Guyanais.)
Le gouvernement, lui, a d'abord refusé de négocier et considéré les grévistes comme une minorité de réfractaires à la vaccination… Il a répondu en envoyant des renforts de police et de gendarmerie, et par l'instauration d'un couvre feu. Puis, face à la persistance des tensions, il a commencer à lâcher du lest, au moins dans le discours . Le ministre des Outre-Mer, Sébastien Lecornu, s'est enfin rendu sur place le 28 novembre, et l'obligation vaccinale des personnels soignants a été décalé à la fin de décembre.
Le système de santé y est sous très forte tension, ce qui ne date pas de la crise Covid : le Centre hospitalier de Guadeloupe, par exemple, connaît une situation de crise depuis des années. ( 33 lits de réanimation adultes et enfants au total au CHR et dans le privé pour 389 000 habitants, et 29 lits réa pour adultes et enfants en Martinique pour une population de 359 000 habitants )
Le candidat communiste à l'élection présidentielle, Fabien Roussel, qui était en visite sur place le 25 novembre, a pu s'en rendre compte : « Le service de diabétologie du Centre hospitalier de Guadeloupe a été fermé bien avant l'obligation vaccinale, faute de moyen, alors que c'est le deuxième département le plus impacté par le diabète », témoigne-t-il.
Chlordécone et coupures d'eau.
Le scandale du Chlordécone, insecticide responsable de nombreux cancers de la prostate, continue à empoisonner les relations avec la Métropole. Pour l'instant, seuls les ouvriers agricoles peuvent bénéficier d'examens de dépistage gratuits , alors que toute la population y a été exposée. Un dossier qui alimente la défiance à l'égard du vaccin et expliquerait que seulement 35 % de la population soient immunisées ?
Michel Branchi estime que « c'est même plus grave que ça ». Il s'agit selon lui, d'un effet conjugué « des réseaux sociaux et des ''fake news'' alimentés dans les thèses complotistes de l'extrême droite française. »
Il précise également que l'hôpital de Fort-de-France, des médecins et des soignants sont attaqués, menacés, insultés alors que les jeunes internes demandent à rentrer en France. »
En outre, le habitants de Martinique et de Guadeloupe sont confrontés à des problèmes de coupures d'eau potable en pleine pandémie. « Les multinationales de l'eau se remplissent les poches sur le dos des Martiniquais ! S'insurge l 'avocat Louis Broutin, mais elles ne réalisent pas les investissements nécessaires à la modernisation des usines d'eau potable. Portant, la Martinique à l'eau potable la plus chère de France et d'Outre-Mer. »
Le 27 novembre, Sébastien Lecornu a fait une nouvelle tentative de désamorçage du conflit. Il s'est dit ouvert à la discussion sur « l'autonomie » de la Guadeloupe. Un geste en direction des indépendantistes, partie prenante du conflit social en cours.
A cinq mois de la présidentielle, il semble que l'exécutif nourrisse quelques inquiétudes. Une explosion sociale aussi longue et aussi massive qu'en 2009, compliquerait la tâche du candidat Macron, d'autant plus qu'il n'est pas interdit qu'elle fasse tache d'huile : parti de Guadeloupe, le mouvement s'est étendu à la Martinique. Et la Guyane connaît des problématiques parallèles, tel l'empoisonnement des rivières lié à l'orpaillage, avec, là-bas aussi , une crise sociale très forte.
« Impulser un mouvement en métropole »
Quant au secrétaire général de la CGTG, Jean-Marie Nomertin, il n'y va pas par quatre chemins : « Nous souhaiterions que les camarades de la CGT puissent impulser un mouvement en Métropole »,laquelle connaît selon lui, une problématique qui commence à la rapprocher de la Guadeloupe.
En ne bougeant que sur la vaccination des soignants et « l'autonomie », le gouvernement néglige donc la grosse poudrière, c'est à dire la question sociale.
Le secrétaire général du PCF accorde également de l’importance à la davantage respectés, explique-t-il. Il faudra créer les conditions pour qu'il y ait des institutions nouvelles, afin que les choix soient mis en œuvre en tenant comptes des réalités des populations des deux Îles.
« Il appelle de ses vœux un « plan d'urgence pour les Antilles » et exhorte le gouvernement à rouvrir le dialogue au plus vite.