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L'Auto-dissolution du Parti Communiste Italien



A l'occasion des élections italiennes de dimanche qui voit une coalition menée par l'extrême droite accéder au pouvoir, de nombreux communistes et au delà se posent la question : comment a t-on pu en arriver là ?

Sur sa page facebook Nicolas Marchand vient de republier un texte éclairant de Pierre Laroche, militant commmuniste, ayant pour titre "L'auto-dissolution du PCI" écrit en octobre 2007.

Nicolas Marchand accompagne ce texte de son commentaire :
"L’accession au pouvoir de l’extrême-droite en Italie ne s’est pas seulement construite à droite. Il y a aussi eu la quasi disparition de la gauche, à partir du renoncement au combat communiste qui a conduit à la transformation du plus grand parti communiste de l’Union européenne en un Parti Démocrate, rallié au libéralisme.
En France, l’existence autonome du PCF a pu être préservée, en 2007, face à un projet de « nouvelle force » déjà avec JLMélenchon. A l’époque, un article de Pierre Laroche, spécialiste de l’Italie à la « polex » du Pcf, titré « l’autodissolution du PCI », largement diffusé http://anrpcf.canalblog.com/archives/2007/10/15/6546637.html
avait contribué à éclairer et mobiliser les communistes.
Mais cela n’a pu empêcher une trop longue période d’effacement et de suivisme de JLMélenchon, dont les communistes ont heureusement décidé de sortir.
Maintenant il est urgent que les idées communistes pèsent plus à gauche et dans le pays.
Face à l’extrême-droite, la gauche a besoin bien sur d’être unie, mais solidement et sur un projet lui même solide, pour que ne se renouvellent pas les déceptions désastreuses qui ont laissé tant d’espace à la droite et à l’extrême droite.
Pour cela, il y a besoin d’un parti communiste plus actif et plus fort pour promouvoir les idées transformatrices, nouvelles dont toute la gauche a besoin pour se renforcer et devenir capable de gagner. Et pour muscler les luttes, le mouvement populaire, de ces idées.
En témoignent l’amorce à l’initiative de Fabien Roussel d’un débat visant à ce que la gauche se réapproprie sur des bases révolutionnaires, de transformation radicale, les enjeux du travail.
En témoignent aussi, du côté de nos alliés de la Nupes, des réactions curieusement agressives, mais aussi significativement limitées à une perspective de défense d’un « état providence ».


Le texte de Pierre Laroche PCF Paris 5

Le Parti Communiste Italien, né en 1921, a été dissous par son 20è congrès en janvier 1991. Cette auto-dissolution est l’issue d’un long processus, dont tous les protagonistes n’avaient sans doute pas projeté ni le déroulement, ni la fin. Ainsi, le secrétaire général du PCI, Enrico Berlinguer, qui avait, au lendemain du coup d’Etat de Pinochet au Chili en 73, estimé qu’il n’était pas possible de diriger un pays avec un gouvernement minoritaire ou disposant d’une trop faible majorité, avait-il proposé en 74 pour l’Italie ce qu’il avait appelé un « compromis historique » entre les forces communiste, socialiste, et chrétienne.


Cette proposition, loin de faire l’unanimité dans le PCI, avait cependant eu un grand écho dans le pays et, dans l’immédiat, le PCI avait obtenu le meilleur score électoral de son histoire passée et future aux élections de 1976, avec 34,4% des voix. La démocratie chrétienne, qui était également, sous l’impulsion d’Aldo Moro, à la recherche d’un nouveau dispositif politique du pays, s’était ralliée à l’idée de convergence démocratique. Et, peu à peu, le PCI s’était approché d’une participation gouvernementale, ce qui n’avait pas eu lieu depuis 1947. C’est alors qu’Aldo Moro était enlevé puis assassiné en 1978 par les « Brigades rouges ».

Bientôt, le PCI, accusé simultanément d’être complice des terroristes et co-responsable de la politique gouvernementale, avait mis fin en 1979 à sa participation à la majorité et tentait une stratégie qui faisait plus de place au mouvement social, alors que le « compromis historique », du moins dans sa mise en œuvre politique sous forme de « solidarité nationale », donnait la prééminence aux rapports entre formations.

La mort brutale de Berlinguer, en 1984, contribuait à fragiliser le PCI, son successeur Alessandro Natta n’ayant pas le poids charismatique de Berlinguer.

Offensive patronale

La fin des années 70 et le début des années 80 voient en Italie, dans le contexte d’une forte offensive conservatrice mondiale, le patronat marquer des points sur des questions importantes comme le démantèlement de l’échelle mobile des salaires (accepté par référendum en 1985), le développement de la flexibilité, la concentration des entreprises, en même temps que la valorisation idéologique de l’entreprise, Fiat devenant une sorte d’emblème national, symbole d’un consensus idéologique fondé sur le profit, symbole de stabilité et de sécurité dans un monde de précarité.

La politique de la grande entreprise commence ainsi à structurer un consensus majoritaire sur l’impossibilité de réponses indolores à la crise et l’acceptation des mesures d’austérité ; les solutions de la classe dirigeante sont perçues comme salutaires ou inévitables. Cette offensive bénéficie d’un affaiblissement du syndicalisme de classe, résultant des règles de l’unité syndicale qui conduit la CGIL à accepter que ses initiatives soient conditionnées par les autres syndicats.

Questions pour un consensus

Lors du 17è congrès du PCI en 1986, marqué par une forte présence des cadres du parti, Natta prend des distances philosophiques avec le marxisme (le concept de lutte des classes « est un concept que nous utilisons tous de moins en moins », dit-il tout en montrant combien il reste opératoire). Le congrès rejette les amendements qui proposent comme perspective le dépassement ou la sortie du capitalisme ; le PCI se proclame « partie intégrante de la gauche européenne » et « refuse d’anticiper sur les évolutions historiques », déclarant cependant qu’il « n’est pas actuel de penser à une adhésion à l’Internationale socialiste ».

Mais des délégués relèvent aussi l’affaiblissement des valeurs de solidarité et d’égalité dans la société italienne, les réactions racistes contre les gitans et les travailleurs immigrés, le recul des valeurs d’égalité entre les sexes. Le PCI ne se présente plus comme parti révolutionnaire porteur d’objectifs transformateurs, mais comme « parti réformateur moderne », comme l’annonce la banderole de la tribune.

Le secrétaire général de la CGIL, principale confédération syndicale, déclare que s’il vivait en RFA, il serait au SPD. Le Comité central du PCI refuse un amendement de Luciana Castellina qui affirme que « le reaganisme exprime une réponse de longue durée à la crise de l’ordre capitaliste des années 70 ». Giorgio Napolitano, l’actuel Président de la République, alors responsable du secteur « politique étrangère » du PCI, confirme dans une interview du 8 mai 86 au magazine « Panorama » que « l’URSS est à la tête d‘un des 2 blocs politico-militaires », ce qui n’est guère discutable, mais ajoute : « et nous sommes avec l’autre ».

Affaiblissement du PCI et de l’identité communiste

En 1987, ont lieu des élections législatives anticipées (pour la 5è fois depuis 1968). L’Italie traverse une crise politique mais le président de l’organisation du grand patronat italien (Confindustria) écrit dans « le Figaro » du 15 juillet 87 que « l’Italie est championne, au moins potentiellement, du capitalisme ». Le résultat des élections, avec 26,6% des voix pour le PCI, est, selon le mot de Natta, « une défaite ». A part les élections européennes de 84, toutes les élections depuis 1976 ont été marquées par le tassement de ses voix, surtout dans les secteurs ouvriers et populaires, dans les villes industrielles, dans les zones «« rouges » de Rome. L’insatisfaction des électeurs reporte leurs voix sur certaines formations « radicales » (Démocratie prolétarienne), sur les Verts, mais aussi sur les socialistes et les démocrates chrétiens.

Un dirigeant du PCI, Lucio Magri, parle d’ « affaiblissement de l’identité communiste » et Alessandro Natta se demande si l’idée qu’il fallait rassembler ne l’a pas emporté sur le contenu du rassemblement. La majorité gouvernementale de centre droit, forte de 57% des suffrages, est renforcée, le Parti socialiste italien améliore ses résultats : avec 14,3% des suffrages, il retrouve son niveau des années 50. Le président de la Confindustria., toujours dans la même interview au « Figaro » du 15 juillet 87, annonce qu’« il importe que le nouveau gouvernement adopte des règles précises pour l’action économique, la libéralisation des capitaux, la modernisation de l’appareil administratif public… nous avons de bonnes chances d’aboutir ».

Les années 88-89 sont marquées par la volonté d’accentuer et accélérer la restructuration de l’économie et de la société italiennes. Les gouvernements « pentapartites » (socialistes, sociaux-démocrates, libéraux, républicains, démocrates chrétiens), font en sorte d’élargir les espaces politiques et économiques ouverts au capital privé, dans l’enseignement supérieur (au nom de l’autonomie des universités), la recherche, la culture. Le ministre du Trésor, Guido Carli, ancien président de la Banque d’Italie, ancien président de la Confindustria, déclare dans « la Repubblica » du 29 juillet 89, que, pour résorber le déficit de l’Etat, il faut commencer à « céder le patrimoine de l’Etat » : téléphone, banques, assurances, électricité.

Signes prémonitoires et préliminaires

Le PCI opère activement pour un rapprochement avec les partis sociaux-démocrates européens. Giorgio Napolitano, dans « l’Espresso » déclare en décembre 88 que, s’il n’est pas possible que le PCI « s’intègre actuellement dans le groupe socialiste à l’Assemblée européenne, car seuls en font partie des formations appartenant à l’Internationale socialiste ; les choses pourraient être examinées autrement si les conditions devenaient moins contraignantes ».

En 1989, Natta ayant démissionné de ses fonctions de secrétaire général du PCI pour raisons de santé, son successeur, Achille Occhetto, exalte lors du 18è congrès la valeur historique et future du nom de parti communiste « et alors, on ne comprend pas pourquoi nous devrions changer de nom ». Mais il annonce aussi que « si un parti, face à des transformations de vaste portée et face à des faits qui changent l’ensemble du panorama politique global, décidait, de façon autonome et non à cause de circonstances extérieures, de donner vie, avec d’autres, à une nouvelle formation politique, alors oui, il s’agirait d’une chose sérieuse, qui n’offenserait ni la raison ni l’honneur d’une organisation politique ».

Dès le lendemain de la chute du mur de Berlin (9-10 nov. 1989), il commence à parler, hors des instances du parti, d’une initiative importante, justifiée par des raisons italiennes et internationales, non pour changer le nom du parti, mais pour « donner vie à une nouvelle formation politique ». Il soumet cette proposition le 13 novembre 1989 au secrétariat du Comité central, le 14 à la Direction du parti, où elle suscite de fortes oppositions. Le 20 novembre, le Comité central adopte cette proposition qui doit être soumise à un congrès extraordinaire qui ouvrira une phase constituante, pour une organisation dont on ne définira le nom que plus tard et qui, en attendant, s’appelle « la cosa » (la chose) ; on annonce d’emblée qu’elle demandera son adhésion à l’Internationale socialiste, avec pour mission de jouer un rôle d’impulsion pour sortir la gauche européenne de sa crise. La phase constituante doit déboucher sur un congrès.

Cette proposition s’adresse aux forces progressistes et de gauche, non aux partis politiques, mais Occhetto parle des verts, des radicaux, de la gauche souterraine, des socialistes et des démocrates chrétiens de gauche. Effectivement, la préparation de ce congrès a donné lieu à des rencontres, clubs et même à un référendum parmi les lecteurs de l’hebdomadaire « l’Espresso ».

Le 19è congrès (mars 1990) se trouve placé devant 3 motions, inamendables, ce que certains délégués ont contesté, et le congrès ne peut qu’enregistrer les votes des sections. Un peu moins de 30% des membres du parti ont participé aux débats préparatoires, ce qui est plus que d’ordinaire, mais peu compte tenu de enjeux de ce congrès. La motion Occhetto l’emporte avec environ 70% des mandats et le PCI s’engage dans la constitution de « la chose ».

Le congrès de l’auto-dissolution

Occhetto, considérant que l’effondrement des systèmes politiques de l’est européen ouvre une nouvelle période historique, estime qu’il faut se débarrasser d’idéologies dépassées, surmonter les divisions historiques du mouvement ouvrier et trouver une réponse à la crise d’identité du PCI, à ses échecs politiques, à ses défaites électorales, à son vieillissement, au relâchement de ses contacts avec le monde du travail.

Le 20è congrès (Rimini, 31 janv.-3 fév. 1991) a vu la convergence des « colonels » (c’est ainsi qu’on appelait ses proches) d’Occhetto avec ceux qui se définissent comme relevant d’une « aire réformiste », « à la recherche d’objectifs de liberté et de justice qu’il est concrètement possible de poursuivre ». Ils refusent une stratégie de rupture avec le capitalisme. L’objectif est, pour eux, que le nouveau parti soit capable d’exprimer « une culture et une capacité de gouvernement », de tenir compte des contraintes budgétaires, d’avoir une vision « non étatiste des rapports entre public et privé dans l’économie ».

Parmi les opposants à cette orientation, Nichi Vendola se dit dérouté par le « vide d’analyse et de jugement sur une phase longue, une décennie intense, durant laquelle s’est consommée la défaite historique de la gauche mondiale ». Ces opposants jugent que « supprimer l’identité des communistes est une erreur gravement dommageable pour toute la gauche […] L’erreur n’a pas été d’être trop communistes. Elle a été au contraire de ne pas avoir développé une critique rénovée des nouvelles formes d’exploitation et de domination ». Pour eux, le tournant engagé avec le congrès précédent pèche pour 3 raisons :
a / l’absence d’une analyse de classe, moderne, de la société
                                 b/ un déplacement de l’axe culturel vers des positions subalternes par rapport à des idéologies modérées
                                 c/ une idée de la politique de sommet, qui privilégie le recours aux médias et les fonctions de leader ».

D’autre part, ce 20è congrès congrès ayant lieu au moment de la guerre du Golfe, Giorgio Napolitano s’oppose à la demande de retrait des forces italiennes dans le Golfe, objectant que ce ne serait qu’un geste de propagande. Mais beaucoup estiment démentie l’analyse d’Occhetto qui ne voyait dans l’effondrement des systèmes politiques d’Europe de l’est que des possibilités de développement démocratique et la fin de la guerre froide et de la politique des blocs.

Ce congrès est intervenu dans un climat de démobilisation des adhérents : plus de 100 000 adhérents n’ont pas repris leur carte. Mais cette phase constituante a associé de nombreux interlocuteurs extérieurs qui, n’appartenant pas au PCI, décident d’adhérer à la nouvelle formation (57 000 adhésions).

Le congrès adopte la motion Occhetto par 807 voix, 75 contre, 49 abstentions, 328 délégués étaient sortis de la salle pour manifester leur volonté de faire sécession. Occhetto est difficilement élu secrétaire général. Le Parti démocratique de la gauche était né. Plusieurs opposants continuèrent d’en faire partie, espérant pouvoir y rassembler de nombreux hésitants susceptibles d’être convaincus de la possibilité d’une force communiste dans ce parti.

On conçoit le désarroi des militants et des sympathisants du PCI devant cette disparition du PCI. Le 10 février 1991, quelques milliers de militants se rassemblent à Rome et fondent le Mouvement pour la refondation communiste, qui deviendra par la suite le Parti de la Refondation communiste.

Les conséquences ne se font pas fait attendre : c’est un recul idéologique et politique global pour le monde du travail. En septembre 1992, la Confindustria fait presque explicitement savoir qu’elle ne se sent plus liée aux forces qui ont jusqu’alors gouverné l’Italie et qui, effectivement, ont disparu des résultats électoraux (le Parti socialiste, la Démocratiechrétienne, le Parti libéral, le Parti social-démocrate). Achille Occhetto déclare que la gauche rénovée pourra donner « à la crise italienne une réponse que les vieilles classes dirigeantes ne sont plus en mesure d’élaborer ».

La CGIL précise un élément de cette réponse, lors de son congrès fin octobre 1992 : il en sort un syndicat défini comme « post-ouvrier », qui en a fini avec « le mythe du rôle central de la classe ouvrière ». Le syndicat doit défendre les travailleurs, les usagers, l’entreprise, les compatibilités. Si l’on ne tient pas compte des compatibilités entre ce qu’on demande et ce qui est possible, « on aura l’air de Martiens », affirme le secrétaire général : le syndicat doit donc fixer ses propres limites, il ne sert à rien de refuser par principe les mises à la retraite anticipée, la flexibilité, le chômage économique. On voit se dessiner la possibilité d’un nouveau pacte social où les syndicats auraient pour rôle de contenir les éventuels excès des salariés et des entreprises. Au plan politique, l’arrivée de Berlusconi, à 2 reprises président du conseil, marque une régression démocratique importante.

Voilà donc comment un grand parti, nombreux, influent, fort d’une longue histoire de luttes (antifascisme, Résistance, « reconstruction » économique et politique après 20 ans de fascisme et 5 ans d’une guerre qui a comporté un changement d’alliance et qui a eu de fortes composantes d’une guerre civile) a disparu après une dizaine d’années de reculs politiques et de reculades idéologiques sur fond de régression sociale.

Certains de ses membres ont pu espérer, soit qu’une « tendance communiste » pourrait peser sur l’activité du nouveau parti, soit que le patrimoine du PCI pourrait fructifier dans ce nouveau parti. Il n’en est rien, le nouveau parti est maintenant en train de se joindre à des formations social-démocrates, des formations de centre gauche, voire de centre droit, pour constituer un « parti démocratique » (ou « parti démocrate », à l’américaine : c’est le même mot en italien), avec comme objectif, non pas de changer la société, de briser la domination du capital, mais d’être une force d’alternance contre la droite berlusconienne. Ses actuels dirigeants font savoir leur exaspération quand reparaît le mot d’ordre d’Enrico Berlinguer : être à la fois parti de lutte et de gouvernement.

Si vous ne voulez pas que le parti communiste français connaisse le même sort, avec les mêmes conséquences désastreuses pour la société et les travailleurs français, il y a urgence à réagir.
 Prenez la parole.

Environnement et climat: Cuba montre l’exemple en matière de changement climatique


Cuba, petite île assiégée par les États-Unis, prend des mesures concrètes pour réorienter son économie dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.

C’est un exemple que le monde entier devrait prendre au sérieux.

Nos remerciements au site "LES AMIS DE CUBA" qui nous a permis de découvrir cet article publié par le site INVESTIGATION.

A voir le très intéressant documentaire "Cuba’s Life Task : Combating Climate Change" sous-titré en français, le lien est en fin d’article.



Cuba n’est peut-être responsable que de 0,08 % des émissions mondiales de CO2, mais cette île des Caraïbes est touchée de manière disproportionnée par les effets du changement climatique. La fréquence et la gravité des phénomènes météorologiques extrêmes – ouragans, sécheresse, pluies torrentielles, inondations – sont en augmentation, au détriment des écosystèmes, de la production alimentaire et de la santé publique.

Si aucune mesure n’est prise pour protéger le littoral de l’élévation du niveau de la mer, jusqu’à 10 % du territoire cubain pourrait être submergé d’ici la fin du siècle. Cela risque d’anéantir les villes côtières, de polluer les réserves d’eau, de détruire les terres agricoles, de rendre impraticables les plages touristiques et de forcer un million de personnes à se déplacer – soit environ 9 % de la population.

Mais à la différence de nombreux pays, pour lesquels l’action en faveur du climat est toujours une promesse pour l’avenir, à Cuba, des mesures sérieuses sont entreprises dès maintenant. Entre 2006 et 2020, plusieurs rapports internationaux ont désigné la nation insulaire comme le leader mondial du développement durable. Et au printemps 2017, le gouvernement cubain a approuvé Tarea Vida (Objectif Vie), son plan à long terme pour faire face au changement climatique.

Ce plan identifie les populations et les régions à risque, formulant une hiérarchie de « zones stratégiques » et de « tâches » en faveur desquelles des climatologues, des écologistes et des experts en sciences sociales travaillent aux côtés des communautés locales, des spécialistes et des autorités pour répondre aux menaces spécifiques. Devant être mis en œuvre progressivement par étapes de 2017 jusqu’en 2100, Tarea Vida intègre également des mesures d’atténuation telles que le passage à des sources d’énergie renouvelables et la mise en œuvre légale des dispositions relatives à la protection de l’environnement.

Au cours de l’été 2021, je suis allée à Cuba pour en apprendre plus sur Tarea Vida et produire un documentaire qui sera diffusé lors de la conférence internationale sur le changement climatique COP26 à Glasgow. Ma visite a coïncidé avec une recrudescence des cas de Covid-19 sur l’île, des mesures de santé publique imposées pour réduire la contagion, ainsi qu’avec les manifestations du 11 juillet. En dépit de ces aléas, nous nous sommes déplacés librement dans La Havane et avons pu interroger des climatologues et des spécialistes des sciences sociales, des décideurs politiques, des responsables de la défense civile cubaine, des personnes dans la rue et des communautés vulnérables au changement climatique.

Sur le littoral de Santa Fe à La Havane, j’ai rencontré un pêcheur vivant avec sa famille au milieu de bâtiments abandonnés. Il m’a expliqué que, lorsque l’eau inonde le rez-de-chaussée, leur maison est comme un navire en mer. Malgré la menace, ils ont l’intention de rester : « Cette maison pourrait se réduire à un simple étage ; je ne bougerai pas », dit-il. La première « tâche » de Tarea Vida consiste à protéger ces communautés vulnérables en relogeant des ménages ou des quartiers entiers.

L’État cubain prend en charge la relocalisation, y compris la construction de nouveaux logements, de services sociaux et d’infrastructures publiques. Cependant, ce n’est pas quelque chose d’obligatoire, ce qui veut dire que ces résidents doivent être impliqués dans le processus de décision et de construction. Il existe également des exemples de communautés proposant leurs propres stratégies d’adaptation, leur permettant de rester sur la côte.

Des siècles d’exploitation d’abord coloniale puis impérialiste et l’imposition du modèle agro-exportateur ont entraîné une déforestation et une érosion chroniques des sols à Cuba.

Tarea Vida est l’aboutissement de décennies de réglementations en faveur de la protection de l’environnement, de promotion d’un développement durable et de recherche scientifique. À Cuba, elle est conçue comme une nouvelle référence de développement, faisant partie d’un changement culturel et d’un processus plus large de décentralisation des responsabilités, des pouvoirs et des budgets vers les communautés locales. Nous constatons ici que les considérations environnementales font partie intégrante de la stratégie nationale de développement de Cuba, et qu’elles ne sont pas seulement une préoccupation à la marge.

Tarea Vida répond également à une nécessité ; le changement climatique a déjà un impact sur la vie sur l’île. « Aujourd’hui, à Cuba, le climat du pays est en pleine transition, passant d’un climat tropical humide à un climat subhumide, ce qui signifie que le régime des pluies, les ressources en eau, la nature du sol et les températures seront différents, explique Orlando Rey Santos, conseiller ministériel qui a dirigé la délégation cubaine à la COP26. Nous devrons nous nourrir différemment, construire différemment, nous habiller différemment. C’est très complexe. »

« De la forêt tropicale au champ de canne à sucre »


Des siècles d’exploitation, d’abord coloniale puis impérialiste, et la généralisation d’un modèle agro-exportateur ont entraîné une déforestation chronique et conduit à l’érosion des sols à Cuba. L’expansion de l’industrie sucrière a réduit la couverture forestière de l’île qui est passée de 95 % avant la colonisation à 14 % au moment de la révolution de 1959, transformant Cuba « de forêt tropicale en champ de canne à sucre »,( From Rainforest to Cane Field) comme l’historien cubain de l’environnement Reinaldo Funes Monzote a intitulé son livre primé. Remédier à cet héritage historique s’est inscrit dans le projet de transformation révolutionnaire de l’après-1959, qui visait à briser les chaînes du sous-développement.

En dépit des premières aspirations des révolutionnaires, Cuba a continué à être dominée par l’industrie sucrière via ses échanges commerciaux avec le bloc soviétique [En 1989, 95% du pays était doté de l’électricité grâce à des accords avec l’URSS, accords qui permettaient aux Cubains de bénéficier du pétrole soviétique en échange de sucre, NdT]. Les activités productives contribuant à la pollution et à l’érosion se sont poursuivies, notamment en raison de l’adoption par Cuba de la « Révolution Verte », de l’agriculture mécanisée [introduction massive de produits phytosanitaires et d’engrais chimiques, de tracteurs, de semences hybrides et de systèmes d’irrigation à grande échelle, NdT] – une approche adoptée dans de nombreux pays en développement pour accroître la production agricole.

Toutefois, les effets délétères ont été progressivement reconnus et peu à peu corrigés, notamment à partir des années 1990. On s’est de plus en plus préoccupé de la protection des richesses naturelles de l’archipel cubain, qui possède une biodiversité extraordinaire et des ressources côtières d’importance mondiale. L’agenda environnemental a été soutenu par la capacité scientifique et institutionnelle de Cuba et facilité par son cadre politico-économique.

Dans son ouvrage sur le droit cubain de l’environnement, Oliver A. Houck a observé que « le droit cubain postrévolutionnaire a promu dès le départ les valeurs publiques et collectives. Les lois environnementales s’inscrivent aisément dans ce cadre ». Dès mai 1959, la Loi sur la Réforme Agraire confie à l’État la responsabilité de protéger les zones naturelles, lance des programmes de reboisement et exclut les réserves forestières de la distribution aux collectivités agricoles. Le système socialiste cubain donne la priorité au bien-être humain et le caractère social de la propriété facilite la protection de l’environnement et l’utilisation rationnelle des ressources naturelles.

Ce processus n’était pas automatique – en fait il a été nécessaire que des géographes et des environnementalistes fassent avancer le programme du gouvernement de l’après-1959 concernant l’environnement. Parmi eux, Antonio Núñez Jiménez, socialiste et professeur de géographie dans les années 1950, s’est particulièrement distingué. Il a été capitaine dans la colonne de l’Armée Rebelle de Che Guevara et a dirigé l’Institut National de la Réforme Agraire, entre autres rôles.

Influencé par Núñez Jiménez, Fidel Castro a également dynamisé le mouvement environnemental cubain. Tirso W. Sáenz, qui a travaillé en étroite collaboration avec Guevara au début des années 1960 et a dirigé la première commission environnementale de Cuba à partir de 1976, m’a dit : « Fidel a été le principal moteur de l’intégration des préoccupations environnementales dans la politique cubaine. » Le parti communiste cubain a également ouvertement approuvé la protection de l’environnement et la croissance durable, ce qui, selon Houck, « confère une très forte légitimité aux programmes environnementaux. »

Tarea Vida s’appuie sur les résultats obtenus par Cuba, leader mondial en matière d’anticipation et de réaction aux risques et aux catastrophes naturelles.

En 1976, Cuba a été l’un des premiers pays au monde à inclure les questions environnementales dans sa Constitution, et à créer une Commission Nationale pour la Protection de l’Environnement et l’utilisation rationnelle des ressources naturelles. C’était onze ans avant que, pour la première fois, le rapport Brundtland des Nations Unies ne présente au monde la notion de « développement durable ».

Au cours des décennies suivantes, des études et des projets ont été entrepris et des réglementations environnementales introduites pour protéger la faune et la flore. En 1992, Fidel Castro a prononcé un discours inhabituellement court mais suffisamment alarmiste lors du Sommet de la Terre au Brésil. Il a imputé la responsabilité de la destruction rapide de l’environnement aux relations internationales fondées sur l’exploitation et les inégalités, résultant du colonialisme et de l’impérialisme et alimentées par les sociétés de consommation capitalistes, qui menacent l’humanité d’extinction.

Cette année-là, un engagement en faveur du développement durable a été introduit dans la Constitution cubaine. Des enquêtes scientifiques sur l’impact du changement climatique à Cuba ont été lancées. En 1994, un nouveau Ministère des Sciences, de la Technologie et de l’Environnement (CITMA) a été mis en place. Il a élaboré une stratégie nationale pour l’environnement, cette dernière a été adoptée en 1997 ; cette même année, la loi 81 a été approuvée par l’Assemblée Nationale. Laura Rivalta, diplômée en droit de l’Université de La Havane et spécialiste des réglementations environnementales, explique que cette loi a donné au CITMA de larges pouvoirs pour « contrôler, diriger et mettre en œuvre une politique environnementale » tout en fixant des « frontières et des limites » aux activités des entreprises étrangères opérant à Cuba. « La nouvelle Constitution cubaine approuvée en 2019 établit le droit de jouir d’un environnement sain et équilibré en tant que droit humain », ajoute-t-elle.


Ne pas être à la solde du profit

Quatre facteurs sous-tendent la capacité de Cuba à mettre en place un plan d’État aussi ambitieux. Tout d’abord, l’économie cubaine, dominée par l’État et planifiée de manière centralisée, contribue à aider le gouvernement à mobiliser des ressources et à orienter la stratégie nationale sans avoir à encourager le profit privé – contrairement à d’autres pays qui s’appuient sur des « solutions de marché » pour lutter contre le changement climatique.

Deuxièmement, Tarea Vida s’appuie sur le bilan de Cuba, leader mondial en matière d’anticipation et de réponse aux risques et aux catastrophes naturelles. Cela a déjà été fréquemment démontré dans le cadre de ses réactions aux ouragans et, depuis mars 2020, en relation avec la pandémie Covid-19.

Troisièmement, le système de défense civile de Cuba, mis en place après l’ouragan dévastateur Flora de 1963. Lors de ma visite au centre de commandement national, le lieutenant-colonel Gloria Gelis Martínez a décrit leurs « procédures opérationnelles et techniques en matière d’alerte précoce concernant l’impact des phénomènes météorologiques extrêmes. Nous avons des zones de surveillance et des zones d’alerte maximale où nous surveillons l’approche d’un événement et son impact. » Un Conseil National de Défense coordonne ce système, qui est répliqué au niveau des provinces, des municipalités et des quartiers dans tout le pays. Le météorologue Eduardo Planos explique :

Au niveau local, les centres d’étude des risques se concentrent sur le phénomène spécifique, et on organise le quartier. Dans chaque quartier, les organismes sociaux prennent des mesures préventives. Les gouvernements locaux mettent en place des conseils de défense locaux, ces derniers gèrent le fonctionnement du système, distribuent des aliments de base pour que les gens n’en manquent pas, et vérifient les installations électriques et le plan d’évacuation.

Quatrièmement, la capacité de Cuba à collecter et à analyser les données locales. Rey Santos souligne ce que cela signifie concrètement :

Les études indiquent que l’élévation moyenne du niveau de la mer sera d’environ 29 centimètres d’ici 2050. Cependant, nous avons effectué la même analyse pour 66 points du territoire national, car il existe des différences en fonction des conditions locales. Réaliser une telle analyse, en transposant les données du GIEC sur l’élévation du niveau de la mer à l’échelle mondiale à chaque endroit de Cuba, ne peut se faire que si l’on s’appuie sur des données scientifiques solides.

Tarea Vida : ça marche


Les résultats 2017-2020 « à court terme » de Tarea Vida sont actuellement en cours d’évaluation. Cette période a coïncidé avec la présidence de Donald Trump et le début de la pandémie de Covid-19. L’administration Trump a considérablement durci les sanctions américaines contre Cuba, entravant davantage son accès aux ressources et aux finances. La pandémie a encore affaibli l’économie à cause de la perte de revenus du tourisme. Néanmoins, des résultats tangibles ont été obtenus : 11 % des habitants des foyers côtiers les plus vulnérables ont été relogés, des fermes coralliennes ont été créées, 380 km² de mangroves ont été récupérés, elles servent de défense côtière naturelle, et 1 milliard de pesos [près de 874 millions d’euros, NdT] ont été investis dans le programme hydraulique du pays. Les programmes de reboisement mis en œuvre depuis 1959 ont permis de porter la couverture forestière à 30 %.

Quels enseignements les autres pays du Sud peuvent-ils en tirer ? Dans l’accord de Copenhague de décembre 2009, les pays développés se sont engagés à financer le climat à hauteur de 100 milliards de dollars par an d’ici 2020. Mais cet engagement n’a pas été respecté. « Ils comptent les financements deux fois, comptent l’argent promis mais non attribué, comptent comme des dons l’argent que reçoit un pays mais qui est en fait remboursé parce qu’il s’agit d’un prêt », se plaint Rey Santos.

« Le financement international est totalement orienté en faveur de l’atténuation, qui est un business. Il y a beaucoup moins d’argent pour l’adaptation. Le financement est extrêmement ténu pour les petits États insulaires en développement [PEID], qui font partie des groupes les plus vulnérables. » Il décrit de « magnifiques » plans de lutte contre le changement climatique, élaborés pour se conformer aux engagements internationaux, puis classés. En revanche, « à Cuba, Tarea Vida est un processus vivant, un aboutissement du système qui l’a généré. »

L’approche cubaine de l’adaptation au changement climatique offre une alternative aux paradigmes dominants au niveau mondial, qui eux reposent sur le secteur privé.

L’accès de Cuba au financement international est plus limité que celui des autres pays en raison du blocus américain, qui l’empêche d’accéder aux banques multilatérales de développement. Cuba dépend plutôt de la coopération bilatérale et des Nations Unies pour le financement et la coopération. Ce n’est pas seulement Cuba qui est frappé directement par les pressions et sanctions américaines, celles-ci visent également ses partenaires potentiels dans les pays tiers. Par exemple, les États-Unis interdisent que soient vendus à Cuba des équipements dont 10 % ou plus des composants sont fabriqués par des entreprises américaines.

L’approche cubaine de l’adaptation au changement climatique et de l’atténuation de ses effets offre une alternative aux paradigmes dominants à l’échelle mondiale, qui eux reposent sur le secteur privé ou les partenariats public-privé. Elle est de plus en plus pertinente pour les PEID (petits États insulaires en développement) des Caraïbes, qui dépendent du tourisme, et pour d’autres pays du Sud qui émergent de la pandémie de Covid-19 en connaissant un niveau d’endettement qui entravera leur accès futur au financement international. Ils se rapprocheront ainsi des restrictions financières et de ressources auxquelles Cuba est confronté depuis des décennies en raison des sanctions américaines. Tarea Vida s’appuie sur des solutions nationales peu coûteuses, et non sur des financements extérieurs.

Rey Santos met en garde contre toute tentative de proposer un programme en faveur du climat sans s’attaquer aux problèmes structurels tels que l’extrême pauvreté et les profondes inégalités sociales et économiques. Selon lui, il est impossible de convertir la matrice énergétique mondiale pour passer des combustibles fossiles aux énergies renouvelables sans réduire les niveaux de consommation, alors qu’il n’y a pas suffisamment de ressources pour produire les panneaux solaires et les éoliennes nécessaires ou alors parce que l’espace pour les accueillir est insuffisant.

« Si vous transformiez automatiquement tous les transports en véhicules électriques demain, vous auriez les mêmes problèmes de congestion, de stationnement, d’autoroutes et de forte consommation d’acier et de ciment, souligne-t-il. Un changement doit s’opérer dans le mode de vie, dans nos aspirations. Cela fait partie du débat sur le socialisme, des idées de Che Guevara sur l’homme nouveau. Si nous ne formons pas cet homme nouveau, il est très difficile d’affronter la question du climat. » Un plan comme Tarea Vida exige une vision qui ne soit pas orientée vers le profit ou l’intérêt personnel. « Il doit être fondé sur l’équité sociale et le rejet des inégalités. Un plan de cette nature requiert un système social différent, et c’est le socialisme », conclut-il.

Il est clair que ce cadre d’économie politique n’existe pas dans d’autres PEID. Mais alors que le sommet de la COP 26 à Glasgow a montré une fois de plus le manque de détermination des gouvernements à agir sur le climat et leur refus d’empiéter sur les intérêts privés, l’approche cubaine consistant à utiliser la science environnementale, les solutions naturelles et la participation de la communauté peut fournir des exemples de meilleures pratiques à ceux qui veulent faire face à la catastrophe climatique.




A voir le très intéressant documentaire "Cuba’s Life Task : Combating Climate Change" sous-titré en français https://youtu.be/APN6N45Q6iU

Helen Yaffe est maîtresse de conférences à l’université de Glasgow. Elle est l’autrice de We Are Cuba ! How a Revolutionary People have Survived in a Post-Soviet World et Che Guevara : The Economics of Revolution.

OUTRE-MER. Cette colère qui bouscule la Macronie.


Pour toute négociation de la part de Macron et Darmanin, c'est l'envoi des troupes et du GIGN en Guadeloupe et en Martinique. Macron et son exécutif veulent-ils renouveler le drame de mai 1988 à Nouméa en Nouvelle-Calédonie, sous Chirac et Pasqua ?








Face au climat d’insurrection qui monte en Guadeloupe et en Martinique, le pouvoir a voulu se montrer magnanime et s'est dit « prêt » à parler « changement de statut ». Une réponse qui tombe à côté. Plus social qu'institutionnel, le mouvement continue, de plus belle. Un boulet pour le candidat Macron ?

Avec la crise sanitaire, les Antilles connaissent un nouvel embrasement social. Presque treize ans après un mouvement de grève massif contre la « profitation » mot créole qui dénonce un système , issu de l'histoire coloniale ( 38 jours en Martinique , 44 jours en Guadeloupe ) en 2009, des appels à la grève générale ont été lacés par les organisation syndicales sur les deux Îles.


Si le passe sanitaire et les suspensions de pompiers et de personnel soignant ont mis le feu aux poudres au mois de septembre, la situation sociale en Guadeloupe comme en Martinique constitue la poudrière. De fait, ce mouvement éloigné de la Métropole d'un point de vue géographique s'invite politiquement dans la campagne de la présidentielle.

Pauvreté, inégalités, jeunesse poussée à bout.

« Les gouvernements successifs n'ont pas retenu les leçons de la grève de février 2009 », analyse ainsi Louis Broutin, avocat et président de la Martinique – Écologie. « C'est tout ce que nous avons dénoncé en 2009 qui rejaillit en ce moment », considère Jean-Marie Nomertin, secrétaire général de la Confédération générale du travail de Guadeloupe » ( CGTG ). Entre trois et quatre Martiniquais sur dix vivent sous le seuil de pauvreté », souligne le dirigeant communiste et conseiller municipal de Fort-de-France, Michel Branchi.

Parti d'une contestation de passe sanitaire, le mouvement a tourné à la grève générale d'abord en Guadeloupe. Le 22 novembre, il s'est propagé à la Martinique, « avec les autres syndicats, nous avons ajouté toutes les revendications sociales, sur la précarité, la misère, les bas salaires, le respect des conventions collectives », explique Jean-Marie Nomertin.

« En Guadeloupe, les patrons sont champions de la triche aux cotisations sociales », dénonce le syndicaliste. En Martinique, ce sont aussi les revendications sociales qui ont été mises en avant par les. syndicats. Sur le terrain, la grève générale n'a pas encore mobilisé la majorité de la population, malgré le succès de la manifestation organisée par le LKP (Collectif contre l'exploitation outrancière ), le 27 novembre.

La jeunesse a érigé des barrages routiers d'abord en Guadeloupe, pratique qui s'est étendue à la Martinique, avec des heurts et parfois même des coups de feu face aux force de police. ( si les violences et les pillages doivent être condamnés, il est d’abord urgent de remettre de l'ordre social et de faire l'égalité républicaine, non plus une promesse, mais également une réalité pour le Antillais et les Guyanais.)

Le gouvernement, lui, a d'abord refusé de négocier et considéré les grévistes comme une minorité de réfractaires à la vaccination… Il a répondu en envoyant des renforts de police et de gendarmerie, et par l'instauration d'un couvre feu. Puis, face à la persistance des tensions, il a commencer à lâcher du lest, au moins dans le discours . Le ministre des Outre-Mer, Sébastien Lecornu, s'est enfin rendu sur place le 28 novembre, et l'obligation vaccinale des personnels soignants a été décalé à la fin de décembre.

Le système de santé y est sous très forte tension, ce qui ne date pas de la crise Covid : le Centre hospitalier de Guadeloupe, par exemple, connaît une situation de crise depuis des années. ( 33 lits de réanimation adultes et enfants au total au CHR et dans le privé pour 389 000 habitants, et 29 lits réa pour adultes et enfants en Martinique pour une population de 359 000 habitants )

Le candidat communiste à l'élection présidentielle, Fabien Roussel, qui était en visite sur place le 25 novembre, a pu s'en rendre compte : « Le service de diabétologie du Centre hospitalier de Guadeloupe a été fermé bien avant l'obligation vaccinale, faute de moyen, alors que c'est le deuxième département le plus impacté par le diabète », témoigne-t-il.

Chlordécone et coupures d'eau.

Le scandale du Chlordécone, insecticide responsable de nombreux cancers de la prostate, continue à empoisonner les relations avec la Métropole. Pour l'instant, seuls les ouvriers agricoles peuvent bénéficier d'examens de dépistage gratuits , alors que toute la population y a été exposée. Un dossier qui alimente la défiance à l'égard du vaccin et expliquerait que seulement 35 % de la population soient immunisées ?

Michel Branchi estime que « c'est même plus grave que ça ». Il s'agit selon lui, d'un effet conjugué « des réseaux sociaux et des ''fake news'' alimentés dans les thèses complotistes de l'extrême droite française. »

Il précise également que l'hôpital de Fort-de-France, des médecins et des soignants sont attaqués, menacés, insultés alors que les jeunes internes demandent à rentrer en France. »

En outre, le habitants de Martinique et de Guadeloupe sont confrontés à des problèmes de coupures d'eau potable en pleine pandémie. « Les multinationales de l'eau se remplissent les poches sur le dos des Martiniquais ! S'insurge l 'avocat Louis Broutin, mais elles ne réalisent pas les investissements nécessaires à la modernisation des usines d'eau potable. Portant, la Martinique à l'eau potable la plus chère de France et d'Outre-Mer. »

Le 27 novembre, Sébastien Lecornu a fait une nouvelle tentative de désamorçage du conflit. Il s'est dit ouvert à la discussion sur « l'autonomie » de la Guadeloupe. Un geste en direction des indépendantistes, partie prenante du conflit social en cours.

A cinq mois de la présidentielle, il semble que l'exécutif nourrisse quelques inquiétudes. Une explosion sociale aussi longue et aussi massive qu'en 2009, compliquerait la tâche du candidat Macron, d'autant plus qu'il n'est pas interdit qu'elle fasse tache d'huile : parti de Guadeloupe, le mouvement s'est étendu à la Martinique. Et la Guyane connaît des problématiques parallèles, tel l'empoisonnement des rivières lié à l'orpaillage, avec, là-bas aussi , une crise sociale très forte.

« Impulser un mouvement en métropole »

Quant au secrétaire général de la CGTG, Jean-Marie Nomertin, il n'y va pas par quatre chemins : « Nous souhaiterions que les camarades de la CGT puissent impulser un mouvement en Métropole »,laquelle connaît selon lui, une problématique qui commence à la rapprocher de la Guadeloupe.

En ne bougeant que sur la vaccination des soignants et « l'autonomie », le gouvernement néglige donc la grosse poudrière, c'est à dire la question sociale.

Le secrétaire général du PCF accorde également de l’importance à la davantage respectés, explique-t-il. Il faudra créer les conditions pour qu'il y ait des institutions nouvelles, afin que les choix soient mis en œuvre en tenant comptes des réalités des populations des deux Îles.

« Il appelle de ses vœux un « plan d'urgence pour les Antilles » et exhorte le gouvernement à rouvrir le dialogue au plus vite.




Les salaires : Une bataille commune en Europe !


Selon une étude publiée en décembre 2020 par Eurostat, le nombre de travailleurs pauvres dans les pays de l’Union européenne a augmenté en moyenne de 12 % entre 2010 et 2019, pour atteindre 9,4 %. Ce chiffre masque d’importantes disparités et se monte jusqu’à 12 % en Espagne et en Italie et 13 % au Luxembourg par exemple.


La crise actuelle a encore aggravé cette dramatique réalité. Ces chiffres illustrent à quel point la bataille pour l’augmentation du salaire minimum et des bas et moyens salaires est centrale pour le mouvement social et pour la gauche en Europe. Cela est d’autant plus criant que l’inflation rencontre son plus haut niveau depuis dix ans.

Différents mouvements récents sont convergents, en tenant bien sûr compte de la réalité des contextes nationaux.

En Allemagne, par exemple, le syndicat des conducteurs de trains a mené trois grèves en l’espace de quelques mois pour exiger une augmentation de salaires. Die Linke en fait une priorité de la campagne électorale en vue des élections au Bundestag qui auront lieu le 26 septembre prochain en mettant au premier rang des sept points de son programme la question du travail et en incluant un salaire minimum à 13 euros de l’heure, la généralisation des conventions collectives ainsi qu’un droit de veto des travailleurs sur les licenciements et les délocalisations.

Dans l’État espagnol, sous l’impulsion de nos camarades du PC d’Espagne et de la Gauche Unie, et notamment de la ministre du Travail Yolanda Diaz, le gouvernement de coalition de gauche, vient d’annoncer une augmentation du salaire minimum à 60 % du salaire moyen d’ici 2023. Cette mesure est d’autant plus nécessaire que l’augmentation du prix de l’électricité obère les revenus. Rapportée à la France, une telle augmentation reviendrait à fixer le SMIC à 1 909 euros brut.

En Belgique, l’augmentation des salaires est conditionnée par le niveau des salaires en France, aux Pays-Bas et en Allemagne depuis une loi de 1996 ! Le PTB (Parti du Travail de Belgique) mène campagne pour l’abolition de cette « loi 96 », pour un salaire minimum à 14 euros de l’heure et pour garantir l’indexation des salaires.

Le débat de la Fête de l’Humanité « Travailleurs européens, unissons-nous ! », avec Fabien Roussel et Raoul Hedebouw, porte-parole du PTB, a illustré avec force la convergence d’intérêts à travers l’Europe, sur les salaires, les retraites et la lutte contre l’évasion fiscale.

Alors, oui, mettre au cœur du défi des jours heureux, de la campagne présidentielle et législatives, la question des salaires, des revenus, des retraites comme le font les communistes et leur candidat Fabien Roussel est non seulement une nécessité, mais aussi un levier puissant pour construire le pacte d’engagements communs en France et des convergences en Europe.

Palestine


Dans l'imaginaire collectif, un résistant est un homme qui combat mais en Palestine, la résistance ne se réduit pas à cette image.



« Exister, c'est résister » est un slogan qu'on retrouve sur beaucoup de murs en Palestine et en effet la résistance palestinienne commence en restant sur sa terre et Jérusalem-Est est aujourd'hui le visage de cette résistance non violente comme d'autres lieux avant elle (Bil 'in, les villages de la vallée du Jourdain, Hébron, Gaza...).

Depuis l'annexion en 1967 de Jérusalem-Est par Israël au mépris du droit international, l'objectif du gouvernement israélien est d'empêcher que Jérusalem-Est ne devienne la capitale de l'État de Palestine. Pour cela, le nouveau Premier ministre impulse une politique de colonisation très agressive dans la continuité de son prédécesseur.

Les habitants de quartiers entiers sont menacés d'expulsion. A Silwan, les maisons de 1000 personnes sont menacées de destruction ou d'expulsion. A Cheikh Jarrah, ce sont les 27 maisons de quelque 300 Palestiniens que le gouvernement veut expulser au profit de colons israéliens. Devant la mobilisation qui va au-delà de Jérusalem, la Cour suprême israélienne a reporté cette décision, cette menace plane toujours. Par ailleurs, toutes les manifestations pacifiques qui se sont déroulées dans ces quartiers ont été réprimées par l'armée israélienne dans une grande violence. Le député communiste israélien Ayman Odeh venu manifester son soutien à ces familles avait été brutalisé par des soldats en mai dernier. Des colons viennent, régulièrement, provoquer en agressant et en proférant des slogans racistes.

Ce que certains soutiens inconditionnels de la politique de l'État d'Israël ont qualifié d'« un désaccord foncier » est en fait la mise en œuvre de ce que, en 1967, les vainqueurs de la guerre des 6 Jours avait déclaré « Jérusalem, capitale éternelle et indivisible d'Israël et du peuple juif ». Cette décision sera de nombreuses fois condamnée par la communauté internationale (en 1967 par le Conseil de sécurité de l'ONU, en juin 1980 par le Conseil européen). Israël persiste et en juillet 1980, c'est la Knesset qui proclame Jérusalem « une et indivisible, capitale éternelle de l’État d'Israël ». En réaction, les quelques pays dont l'ambassade était installée à Jérusalem la transfèrent à Tel Aviv où se trouvaient déjà les représentations de la grande majorité des États. Il faudra attendre, en 2017, la provocation de Donald Trump pour que l'ambassade des États-Unis soit transférée à Jérusalem, d'autre pays suivront cet exemple au mépris des droits du peuple palestinien.

Les Palestiniens de Jérusalem-Est subissent une double peine puisqu'ils sont soumis à l'arbitraire de la politique israélienne et que leur séparation du reste de la Palestine par le mur de même que l'interdiction faite aux Palestiniens de Cisjordanie de se rendre à Jérusalem les isolent de leur gouvernement. Pendant la campagne électorale, prévue en juin 2021, Israël avait empêché des candidats de faire campagne, procédant même à des arrestations.

Le statut même de ces Palestiniens tend à imposer la judaïsation totale de la ville mais aussi soumet leur quotidien à l'arbitraire. Ils sont soumis au statut de "résidents" et peuvent donc être expulsés à tout moment. Ce statut est temporaire, ils doivent prouver que Jérusalem est leur « centre de vie » principal, ce qui notamment les empêche de faire des études à l'étranger, rend un mariage avec un Palestinien de Cisjordanie quasi impossible... Le but de cet acharnement quotidien est de débarrasser la ville de toute présence palestinienne, présence qui, au cours des siècles, a façonné Jérusalem.

Toute expression de l'identité palestinienne est interdite et beaucoup de militants sont arrêtés.

C'est d'ailleurs de Jérusalem que la révolte contre l'occupation et les agressions de colons a débuté en mai et a eu des répercutions dans toute la Palestine mais aussi en Israël où pour la première fois depuis octobre 2000 les Palestiniens d'Israël sont massivement descendus dans les rues, malgré les provocations menées par des milices juives racistes. Des mouvements de protestation des deux côtés de la « Ligne verte » ont eu lieu comme la grève générale du 18 mai.

En effet, même si la question de Jérusalem reste centrale, partout en Palestine, chaque jour, des Palestiniens se font assassiner, des bombardements sur Gaza ont lieu, les arrestations continuent alors que déjà 4750 prisonniers politiques sont détenus, la colonisation continue, la brutalité et la violence des colons continuent.

Le PCF entend briser le silence dont s'entoure le gouvernement français mais aussi l'Union européenne et contribuer à créer le rapport de forces indispensable pour qu'Israël se conforme enfin au droit international qu'il bafoue aujourd'hui avec arrogance, conforté dans la légitimité de sa politique par l'impunité dont il jouit.

Les députés communistes ont interpelé le ministre des Affaires étrangères et européennes sur la nécessité « d'imposer aux autorités d'occupation israéliennes le droit aux Palestiniens de vivre à Jérusalem Est dans le respect des conventions internationales ».
La France doit sans attendre reconnaître de l'État de Palestine et imposer des sanctions au gouvernement israélien.

Une pétition circule : https://www.change.org/p/occupation-continues-sheikh-jarrah-palestine

MENACE D'INTERDICTION DU PARTI COMMUNISTE ALLEMAND (DKP)

 

Le Bundeswahlleiter (directeur du scrutin fédéral), officier chargé de superviser les élections au niveau fédéral en Allemagne a notifié au Parti communiste allemand (DKP) l'intention de révoquer son statut de parti politique et de lui interdire de participer au scrutin fédéral de septembre 2021.

Le Parti communiste dénonce une tentative d'interdiction identique à celles du KPD en 1933 et en 1956.

Traduction Nico Maury
Menace d'interdiction du Parti communiste allemand (DKP)
Ce qui est tenté ici, c'est une interdiction du Parti. Nous, les communistes, savons comment contourner ce problème. En 1933, le Parti communiste est interdit par les fascistes, en 1956 par la justice d'Adenauer. Il doit y avoir une grande crainte de notre part que cela se fasse désormais en 2021 par des moyens bureaucratiques.

Bien sûr, nous ferons appel. Nous sommes sûrs que cette tentative de nous interdire froidement échouera.

Le retrait du statut de parti est une tentative de conduire notre parti à la ruine financière. C'est l'un des divers scandales qui tentent de ruiner les organisations progressistes par la privation du droit de vote.

Cette tentative rejoint la criminalisation et la diffamation croissantes contre les forces de gauche. Cette tentative fait partie de l'instrumentalisation de la pandémie de coronavirus pour réduire la démocratie et le bien-être social.

Il ne s'agit pas seulement de l'élection des communistes, nous appelons donc toutes les forces démocratiques à s'opposer à cette tentative d'interdiction des partis.

Patrik Köbele, Président du DKP