Avec la cinquième vague de la covid qui déferle sur le monde et un variant omicron qui présente un risque très élevé selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il est urgent de répondre à la pandémie sur le plan international, en réunissant tous les pays, comme l’a souligné hier au Sénat le professeur Yazdanpanah, directeur de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes.
Les inégalités demeurent criantes à cause de l’égoïsme des grandes puissances : 60 % des personnes sont vaccinées dans les pays riches, contre seulement 3 % dans les pays pauvres. C’est une honte !
Monsieur le secrétaire d’État, allez-vous enfin entendre la demande de l’Inde et de l’Afrique du Sud, soutenue par 100 pays et de très nombreuses ONG, de lever les brevets et les droits de propriété intellectuelle, de partager non seulement les technologies sur les vaccins mais aussi les traitements et les tests anti-covid, afin de permettre à toutes et à tous d’être vaccinés ?
Cette demande a été défendue avec force hier lors des rassemblements dans toute l’Europe ; j’ai moi-même participé à un rassemblement à Paris à l’appel de nombreux syndicats, ONG et partis politiques. Allez-vous continuer à l’ignorer ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice Cohen, il faut être extrêmement précis et clair sur l’action de la France et de l’Europe en la matière. Vous avez raison, nous ne viendrons pas à bout de cette pandémie, comme nous le constatons chaque jour, si le monde entier n’est pas vacciné, autrement dit si le vaccin ne devient pas un bien public mondial.
C’est le Président de la République, dès le mois d’avril 2020, et l’Europe, emboîtant le pas à la France, qui ont depuis le début porté très concrètement cette exigence au niveau international. Le Président de la République l’a dit dès le printemps 2020, la propriété intellectuelle ne sera pas un obstacle à la diffusion du vaccin.
Je le dis là aussi très précisément, la stratégie portée par la France et l’Europe est complexe, car il ne suffit pas d’ouvrir le débat sur la propriété intellectuelle.
D’abord, je le rappelle, nous sommes le seul pays et le seul continent, par rapport à nos voisins et partenaires britannique ou américain, qui clamaient pourtant la solidarité internationale, à ne pas avoir prévu d’interdiction d’exportation. J’insiste, nous n’y avons jamais eu recours. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle c’est l’Europe aujourd’hui qui a exporté dans le monde le plus de vaccins – un milliard de doses au total – et qui en a donné d’ores et déjà plus de 100 millions, dont 67 millions pour la France – et c’est tout à notre honneur.
Nous sommes devenus la pharmacie du monde. C’est l’Europe qui vaccine le monde entier grâce à cette solidarité. (Marques de désapprobation sur les travées du groupe CRCE.)
Nous sommes le continent – nous devrions le célébrer ensemble, madame la sénatrice – qui en fait le plus, et nous avons débloqué au niveau européen 1 milliard d’euros pour développer des hubs de production industrielle en Afrique, sur place. Trois projets sont déjà en cours, en Afrique du Sud, au Rwanda et au Sénégal.
Avec le soutien de l’OMS, nous sommes actuellement en négociation avec l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Nous sommes favorables au mécanisme que j’appelle de « licence obligatoire » afin que les pays qui en ont besoin, moyennant une rémunération minimale ou nulle, puissent avoir accès aux vaccins, car, pour être très clair, c’est la propriété intellectuelle qui est le véritable obstacle. Voilà ce que défend l’Europe.
Je vous rappelle que ceux qui ont parlé de la levée des brevets il y a déjà quelques mois – je pense aux États-Unis en particulier – n’ont jamais fait de proposition en ce sens. Pour notre part, nous sommes concrets : solidarité, livraison de doses, production locale et levée de la propriété intellectuelle chaque fois que cela est nécessaire.
Cette négociation à l’OMC est aujourd’hui bloquée, non par l’Europe mais par d’autres pays. Nous sommes cohérents et nous faisons concrètement du vaccin un bien public mondial. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes tellement cohérent que cela ne marche pas ! Il faudrait peut-être remplacer les paroles par des actes… Quand vous me répondez que nous exportons des vaccins, je vous redis que 75 % des doses de vaccin contre le covid sont uniquement utilisées dans dix pays. Il y a un problème : le dispositif Covax ne marche pas !
Je suis ravie d’entendre que, tout à coup, vous découvrez la licence d’office, car cela fait des mois et des mois que le groupe communiste républicain citoyen et écologiste vous fait cette proposition. Subitement, le Président de la République dit qu’il faut lever les brevets : tant mieux !
J’ai déjà posé cette question ici, en juin dernier. En attendant, la pandémie continue à se propager et cause des milliers de morts. Et que faites-vous ? Vous privilégiez les grands laboratoires. Il faut savoir que Pfizer, Moderna et BioNTech empochent 1 000 dollars de bénéfices par seconde : avec la troisième dose, ce sera le jackpot !
Alors, mettez en accord vos paroles et vos actes et faites vôtre la proposition d’un pôle public du médicament et des produits de santé : vous verrez, cela marchera mieux !
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