Alors que se succèdent les journées de canicule avec une multiplication des incendies en France et en Europe, nous avons, au matin du 15 juillet, lu attentivement et sélectionné quelques dépêches diffusées de très bonne heure par l’Agence France Presse (AFP). Leur analyse permet de mettre en exergue les contradictions qui poussent à la croissance des émissions de gaz à effet de serre en cet été 2022.
On dit que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. Pour les journalistes, lire les informations les plus matinales de l’AFP valide ce dicton. À 4H45 le 15 juillet, une dépêche de l’Agence expliquait qu’au Brésil 830.000 km2 de la forêt amazonienne sont des « terres de personne », à savoir sans propriétaires attitrés et soumises de ce fait à la déforestation permanente. À titre de comparaison, cette superficie est égale à une fois et demie celle de la France métropolitaine qui est de 530.000 k2. L’AFP indiquait que « selon les données de l’Institut de recherche environnementale de l’Amazonie (IPAM), entre 1997 et 2020, 87 % du déboisement a eu lieu dans ces zones sans cadre juridique, occupées illégalement ou enregistrées de manière frauduleuse comme propriétés privées… ».
L’agence publiait plusieurs témoignages. Daniel Viegas, spécialiste des questions environnementales, observait que « quand une terre est non réglementée, elle est soumise à tous types de crimes et la population se retrouve sans accès aux services de base, tels la santé et l’éducation ». Christine Mazetti, de Geenpeace Brésil, expliquait que l’absence de cadre juridique est un sujet « délaissé par le gouvernement fédéral actuel et même par les gouvernements des Etats ». L’AFP ajoutait que « depuis son arrivée au pouvoir en 2019, le président d’extrême droite Jair Bolsonaro est régulièrement accusé par les défenseurs de l’environnement d’encourager la déforestation par ses discours en faveur de l’exploitation commerciale de la forêt. Ils dénoncent aussi les projets soutenus part les alliés du chef de l’Etat au Parlement, dont certains visent à assouplir les critères pour la cession à des particuliers des terres publiques occupées illégalement », ajoutait l’Agence. Tandis que le feu détruit les forêts en France et en Europe, le stockage du carbone par les arbres va donc continuer de décroître dans le monde.
La course d’obstacles des roses qui voyagent en avion
Publiée à la même heure, une autre dépêche de l’AFP portait en titre « La course d’obstacles des roses équatoriennes pour arriver sur les étals du monde ». On y apprenait que l’Equateur est le troisième producteur mondial de roses après les Pays Bas et la Colombie. Il en a exporté dans le monde entier pour 927 millions de dollars en 2021. Mais des semaines de blocage de l’économie par « une grève indigène contre la vie chère » ont perturbé ce commerce cette année en Equateur. Dans cette dépêche, un producteur dénommé Eduardo Letort indiquait qu’en 2021, « la Russie était le deuxième grand marché pour les fleurs équatoriennes (20 %) derrière les Etats Unis (40 %). Mais après l’invasion de l’Ukraine, les achats russes sont tombés à 10 % » selon ce producteur.
Qu’elles soient produites aux Pays Bas, en Colombie, en Equateur ou dans certains pays africains, le marché mondialisé des fleurs coupées présente un bilan carbone désastreux. La production de ces fleurs consomme et pollue beaucoup d’eau, utilise des pesticides, de l’énergie pour chauffer les serres tandis qu’à l’issue de la récolte, la marchandise est transportér par avion vers une multitude de pays. Prétendre agir pour la neutralité carbone à l’horizon 2050 tout en favorisant ce type de commerce est une aberration. C’est également vrai concernant les accords de libre-échange pour faire circuler la nourriture sur des milliers de kilomètres. Là encore, l’accord de libre-échange que la Commission européenne vient de conclure avec la Nouvelle-Zélande à la fin du mois de juin dernier est un non-sens dans un monde en phase de réchauffement climatique accéléré. Il aboutira, s’il est validé, à accroître les importations françaises de viandes bovines et ovines, de produits laitiers, de fruits et de vins que nous savons produire chez nous.
Une réunion en Indonésie pour punir Poutine
Publiée à 5H09 ce même 15 juillet, la troisième dépêche de l’AFP indiquait que « les grands argentiers du G20 ont entamé vendredi une réunion en Indonésie qui devrait être dominée par les répercussions de l’invasion de l’Ukraine par la Russie sur l’économie mondiale au moment où l’inflation accélère et où les perspectives de croissance s’assombrissent (…) Les discussions devraient refléter une ligne de fracture entre les Occidentaux qui veulent isoler économiquement Moscou et les grands pays en développement opposés aux sanctions contre la Russie, avec la Chine dans une position clé (…) Si les ministres de Finances de l’Italie, du Canada, de l’Inde et de l’Afrique du Sud se sont déplacés, de nombreux pays ont envoyé des représentants de moindre niveau. La France est représentée par le directeur général du trésor et par le gouverneur de la Banque de France. La présidente de la Banque centrale européenne (BCE) Christine Lagarde participera à distance ainsi que les ministres chinois et brésilien, tandis que le président de la Banque mondiale David Malpass sera absent (…) Les grands argentiers doivent discuter des solutions pour alléger l’impact de l’inflation et des crises alimentaire et énergétique sur les pays les plus fragiles », relevait encore la dépêche. Mais ce sommet ne semblait guère passionner les décideurs des grands pays capitalistes. Durant le week-end, aucun média audiovisuel n’a parlé en France des débats de ce G20 en Indonésie.
Quand Joe Biden courtise MBS pour avoir du pétrole
Pendant ce temps-là, après un passage éclair en Israël, le président des Etats Unis arrivait le 15 juillet au soir en Arabie saoudite pour rencontrer Mohammed Ben Salman dit « MBS ». Il veut le convaincre de produire plus de pétrole afin d’approvisionner les pays occidentaux qui souhaitent réduire leurs achats en Russie. Mais comme la hausse du prix du pétrole a augmenté des recettes de l’Arabie saoudite de 20,4 % sur le premier trimestre de 2022, rien ne prouve que le prince héritier voudra augmenter sa production dans le seul but de faire baisser le prix de vente du pétrole pour les pays de l’OTAN, dont les dirigeants veulent punir Poutine depuis l’invasion de l’Ukraine.
Le Figaro notait à ce propos dans son édition du 15 juillet : « Joe Biden a renoncé à faire de l’Arabie - dirigée de facto depuis la dégradation de l’état de santé du roi Salman par son fils Mohammed Ben Salman- un Etat « paria », pour l’implication du prince héritier dans l’horrible assassinat du dissident Jamal Khashoggi, en 2018, au consulat saoudien d’Istanbul (…) La crise ukrainienne et la flambée des cours du pétrole qui s’ensuit ont rendu les pétromonarchies du Golfe encore plus riches et incontournables que précédemment ». Ce lundi 18 juillet, en recevant au château de Versailles le nouveau président des Émirats Arabes Unis Mohammed Ben Zayed, le président Macron entreprend la même démarche de Joe Biden pour tenter de se passer du gaz et du pétrole russe. Mais il est quasi certain qu’en important plus de pétrole et de gaz en provenance de ces monarchies, les pays occidentaux ne pourront empêcher la Russie de conquérir d’autres marchés dans la mesure où la demande mondiale restera plus importante que l’offre.
Dans ce contexte, il apparaît que la courbe des émissions de CO2 ne va pas s’inverser au niveau planétaire. Ainsi, le prix de charbon livré au port de Rotterdam a augmenté de 30 % en un mois en raison de l’augmentation de la demande en Europe. La encore, la volonté des pays occidentaux de moins dépendre du gaz et du pétrole russe débouche sur la relance des centrales à charbon pour produire de l’électricité !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire