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Intervention de la sénatrice Cathy Poly Apourceau sur la loi mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

 


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 loi mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
 tout ça pour ça !!!
 Vous parliez d’un bouquet de mesures qui s’apparentait au bouquet de la mariée, finalement ce sera un bouquet de chrysanthème
 Ce gouvernement accompagné des sénateurs des droites sénatoriales refuse l’augmentation du SMIC à 1500 euros

LES HAUSSES DE PRIX DEPUIS LE PASSAGE À L'EURO

 


Liberte hebdo n°1542. Edito de philippe

 


DE QUELLE POLITIQUE PARLONS-NOUS ?

Des propos homophobes tenus en 2013, et qui ressurgissent aujourd'hui, de l’actuelle ministre des Collectivités territoriales, Caroline Cayeux, à ceux de la présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot, on cherche vainement où est la politique. 

Évidemment, l’hostilité revendiquée de Madame Cayeux au mariage pour tous et l’adoption par les couples du même sexe, ne peuvent être pris à la légère. La ministre, au lieu de faire du rétropédalage et de se prendre les pieds dans le tapis, doit s’expliquer ou se démettre. 

L’entêtement de Mathilde Panot, qui persiste dans la maladresse de sa sortie autour de la rafle du Vel’d'hiv, ne sauraient la grandir. Aux historiens de lui expliquer.

Mais l’insupportable dans ces « affaires » (entre autres car elles ne sont pas les seules) est que l’on ne semble décidément pas vouloir en finir avec le « désintérêt », voir le « dégoût » des abstentionnistes pour la politique. 

Cela valait bien la peine de tenter d’analyser la victoire de celles et ceux qui ne se sont pas déplacés lors des dernières consultations électorales. Ces polémiques et ce remue-ménage (et non remue-méninges) interviennent au plus fort du débat à l’Assemblée nationale sur le pouvoir d’achat, les primes de Macron et le smic à 1500 euros dont la droite et l’extrême droite ne veulent pas entendre parler. 

Pourtant, on sait où sont les préoccupations des Françaises et des Fiançais. 

Pendant que l'on s’échauffe et que l’on polémique entre et sur des élues de la République, le rapport 2022 de Finance Stratégie annonce 10 millions de personnes en situation de pauvreté monétaire en 2019. La situation des plus pauvres, ou des plus démunis comme l’on voudra, ne cesse de s'aggraver depuis le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron.

Le rapport de France Stratégie ne saurait être plus clair : « L’examen des réformes socio-fiscales entrées en vigueur entre 2018 et 2019 fait apparaître que plusieurs mesures ont eu pour effet une hausse du taux de pauvreté de 0,5% »

Louis Schweitzer, le président du comité d'évaluation de cette institution (dont on rappellera qu’elle est rattachée à la Première ministre !) déclare que « le nombre de personnes âgées tombées en dessous du seuil de pauvreté a augmenté de 25% ».

Ainsi, les 13 milliards d'euros qui ont été consacrés à la lutte contre la pauvreté n’auront pas résisté à la politique libérale d’Emmanuel Macron. 
Gel des prestations sociales, diminution drastique de l’APL, réforme du chômage, attaque sur les pensions, etc.

Voilà sans doute le type de vrai débat sur lequel il faudrait revenir. 

Les pauvres et les démunis qui sont largués n’ont cure des mauvais exemples de l’assemblée et du gouvernement. Mais ils ont besoin que l’on fasse de la vraie politique. Pour eux.

Pouvoir d'achat. Fabien Roussel s'adresse aux communistes...


                                            https://www.youtube.com/watch?v=BUI8Xmx41lU


Victoire !

Après des dizaines d’heures de débats à l’Assemblée nationale, nous venons enfin d’obtenir une avancée importante pour des centaines de milliers de personnes : la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé !

Les Français peuvent compter sur les parlementaires communistes à l’Assemblée et au Sénat pour arracher des victoires de ce type, pour obtenir des réponses concrètes face à la vie chère.

Car les attentes sont fortes pour tous nos concitoyens, confrontés à une hausse inédite des prix de l'énergie, de l'alimentation...

Dans le cadre de ce texte de loi sur le pouvoir d’achat, nous avons pris toute notre part. Nous avons soutenu les mesures qui vont dans le bon sens, même si trop souvent elles sont loin d’être suffisantes.

Et nous avons rejeté les dispositions qui contribuent à maintenir les salaires à leur plus bas niveau.

Nous avons dénoncé à ce titre la complicité honteuse des députés LR, Renaissance ( Macron ) et RN ( Le Pen ) qui ont voté contre la proposition des groupes de gauche et écologiste de relever le SMIC à 1500 euros net.

Concernant la baisse du prix de l’essence, nous avons déposé un texte de loi pour ramener la TVA à 5,5%, en proposant de financer cette mesure par une taxe sur les profits des compagnies pétrolières. Proposition rejetée.

Sur ce sujet, comme sur le SMIC, les APL, les retraites ou le gel des loyers, nous regrettons fortement que le gouvernement n’apporte de réponses suffisantes et refuse de s’attaquer à la spéculation.

De même, nous sommes loin des engagements nécessaires pour retrouver notre souveraineté énergétique et garantir l’accès à une énergie peu chère et décarbonnée grâce à un investissement massif dans le nucléaire et les renouvelables.

Pour toutes ces raisons, nous appelons le gouvernement à revoir sa copie au Sénat. Vous pouvez compter sur les sénatrices et sénateurs communistes pour défendre les intérêts du monde du travail et apporter des réponses concrètes aux urgences sociales et climatiques.

Fabien Roussel

Aléas climatiques, guerre en Ukraine et souveraineté alimentaire

 

La canicule annoncée pour les prochains jours risque de produire des dégâts sur certaines cultures en France, en Europe et au-delà. La guerre en Ukraine alimente la spéculation sur les produits alimentaires. Du coup, certains pays pauvres tentent d’accroître leur souveraineté alimentaire. En France, Marc Fesneau est le nouveau « Ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire ». Il reste à voir ce si cela changera quelque dans la conduite de la politique agricole du pays.

Le 4 juillet dernier, une déclaration des membres de « l’Association des fruits à destination multiples transformés » faisait état d’une récolte de cassis français fortement pénalisée cette année par la canicule et les orages violents du mois de juin. Elle annonçait pour ce petit fruit des pertes de volumes pouvant varier de 30 à 70 % selon les parcelles alors qu’on approchait de la date du début de récolte. « Toutes les variétés cultivées en France et caractéristiques du territoire national sont touchées, notamment le noir de Bourgogne et le Blackdown », indiquait le communiqué avant d’ajouter ces précisions :

« Ces dégâts se traduisent par des baies de cassis cuites, desséchées et totalement perdues en chutant au sol avant récolte. Les dégâts vont même jusqu’à toucher la plante elle-même dans certaines situations, avec des feuillages brûlés par la chaleur, pouvant faire craindre des répercussions sur les récoltes futures ». Marc Ludeau, producteur dans le Val-de-Loire, faisait le constat suivant : « Nous espérions beaucoup de cette récolte qui s’annonçait bien et malheureusement tout a basculé en quelques jours, ruinant ainsi de façon définitive plusieurs mois de travail. Ces aléas climatiques, de plus en plus fréquents, mettent en très grand danger la pérennité de nos exploitations et de notre production emblématique de la culture gastronomique française. Comme de nombreux confrères, je me demande aujourd’hui s’il est raisonnable de poursuivre cette activité avec un tel risque récurrent », ajoutait ce producteur.

En France, les vergers de cassis couvrent 2 000 hectares environ pour un potentiel de production de 7 000 tonnes par an. Le cassis français est un fruit aux qualités nutritionnelles mais surtout organoleptiques et aromatiques reconnues dans le monde entier via des produits comme la crème de cassis, les compotes, les purées, les coulis, les jus et les confitures. Des travaux de recherche sont conduits actuellement pour tenter de rendre la filière plus résiliente face aux aléas climatiques. Des aléas de plus en plus nombreux comme en témoigne le retour de la canicule en ce mois de juillet.

La dépendance à l’Ukraine concernant les semences de céréales

Au lendemain de la publication de ce communiqué des producteurs français de cassis, nous avons regardé sur le fil des dépêches de l’Agence France Presse (AFP) les informations consacrées aux problèmes que rencontre la production agricole dans le monde. Le 5 juillet à 5 heures du matin, le texte d’une dépêche débutait ainsi : « Y aura-t-il assez de semences en 2023 ? C’est du fait de la guerre en Ukraine, un sujet d’inquiétude pour tous les semenciers en France, premier exportateur mondial de ces petites graines qui donneront les blés, tournesols ou luzernes de demain (…) L’Ukraine, gros exportateur de blé et de tournesol est aussi un acteur majeur de la production de semences, activité stratégique pour ses équilibres agricoles mais aussi pour ses partenaires économiques. En 2020, l’Ukraine a produit des semences de céréales sur 70 000 hectares contre 120 000 hectares pour la France et environ 115 000 pour l’Espagne et l’Allemagne. Ce pays (l’Ukraine, N.D.L.R.) est la deuxième destination hors UE des exportations françaises de semences et plants. Plusieurs entreprises françaises y ont implanté des unités de production et de distribution. Ces activités, conjuguées aux exportations, représentent près de 400 millions des 3,3 milliards de chiffre d’affaires des entreprises semencières françaises ».

La même dépêche de l’AFP évoquait ensuite les conséquences de la guerre en Ukraine pour les semenciers français qui ont investi dans ce pays : « On évalue la perte de la production de semences entre 40 et 50 %. C’est cela qui va poser problème. Parce que ce qui ne sera pas semé ne sera pas disponible pour être mis en culture l’hiver prochain. Il n’y aura pas de pénurie pour 2023 en France. En revanche, il va commencer à y en avoir au niveau de l’Union européenne dès 2023-2024 ». Ainsi, le fait d’avoir délocalisé des productions de semences en Ukraine pour réduire les coûts de production peut se traduire par une pénurie de semences sélectionnées en Europe pour les deux prochaines années.

Relancer le blé dur en Tunisie et le manioc en Côte d’Ivoire

Le 5 juillet à la même heure, une autre dépêche de l’AFP livrait les informations suivantes : « Durement touchée par la flambée des prix des céréales provoquée par la guerre en Ukraine, la Tunisie, qui importe 66 % de sa consommation de céréales et notamment de la région de la mer Noire, veut réduire sa dépendance. Si elle continuera à importer du blé tendre pour son pain, elle vise l’autosuffisance en blé dur, ingrédient essentiel de l’alimentation dans les pays du Maghreb pour les mets à base de couscous et de pâtes dont les Tunisiens sont les seconds consommateurs mondiaux derrière les Italiens avec 17 kg de pâtes par habitant et par an (…). Depuis avril, le gouvernement a dévoilé une série de mesures pour améliorer la situation dans l’espoir d’atteindre la pleine autosuffisance en blé dur d’ici 2023. Objectif : passer de 560 000 à 800 000 hectares semés en blé dur ».

Le même jour, à 7 h 32, une autre dépêche de l’AFP expliquait que, « face à l’inflation, la Côte d’Ivoire veut miser sur ses céréales locales ». Pour produire du pain, il s’agirait d’ajouter de la farine de manioc produite localement à la farine de blé tendre importée de France notamment. « Avec 6,4 millions de tonnes produites chaque année en Côte d’Ivoire, le manioc est la deuxième culture après l’igname. Reste toutefois à séduire le consommateur ivoirien » notait l’AFP avant de livrer ce témoignage d’un boulanger : « Le pari n’est pas gagné. Car pour l’Ivoirien, un pain au manioc est associé à un pain de mauvaise qualité. Il va falloir sensibiliser les consommateurs à ces nouvelles saveurs ».

La dépêche ajoutait que « l’utilisation d’une petite partie de cette farine permettrait déjà de soulager quelque peu les finances de l’État Ivoirien. L’en dernier, 10 % de son budget national de 15,2 milliards d’euros a été dépensé dans l’importation de denrées alimentaires malgré des sols fertiles », ajoutait l’AFP.

Un silence suspect à Paris concernant la Nouvelle-Zélande

La France compte beaucoup de terres fertiles. Celles qui le sont moins sont néanmoins favorables à l’élevage l’herbe tout en stockant du carbone. Un bel atout pour préserver notre souveraineté alimentaire et pour freiner le réchauffement climatique. Mais ni notre « Ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire », ni la Première Ministre, pas plus que le président de la République n’ont livré le moindre commentaire sur le nouveau projet de libre-échange que la Commission européenne vient de conclure le 30 juin avec la Nouvelle-Zélande au nom des 27 pays membres de l’Union européenne. Or, en durcissant au détriment des éleveurs européens, cet accord est de nature à faire reculer notre souveraineté alimentaire dans des secteurs comme la production de lait de vache, de viande bovine et ovine, alors qu’un précédent accord du même type a contribué à réduire de moitié le troupeau de brebis en France depuis une vingtaine d’années.

Incendies : une catastrophe écologique et une gestion des forêts à repenser



Les politiques de casse, de dégradation et de sous-dotation des services publiques conduisent là comme ailleurs à ce que nos service publiques ne soient plus en capacité de répondre aux besoins humains et environnementaux essentielles, ici l’ONF et les pompiers.

Que dire aussi de ceux qui ont milité, et militent activement pour la fin de l’entretien des forêts, pour la sortie du nucléaire avec ses conséquences sur le climat ? Ils esquivent la question centrale du mode de développement qui relève de choix collectifs pour prôner une décroissance qui va mieux avec les comportements individuels et dont le capitalisme se joue comme par exemple l’Allemagne qui relance les centrales au charbon et programme la fin de ses dernières tranches nucléaire.

Quant à la relance massive des préparatifs de guerre en Europe elle verra s’envoler pour de bon nos dernières espérances d’inverser la courbe des températures et du mieux-être social généralisé





En 2020 Fabien Roussel posait la question sur l’avenir de l’ONF à l'Assemblée Nationale : Attention au feu !

M. Fabien Roussel attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation sur les effets néfastes de la privatisation en cours de la gestion des forêts publiques, au détriment des missions assumées par l’Office national des forêts (ONF).

Menacée par une situation financière fortement dégradée depuis 2006, la survie de l’ONF semble aujourd’hui suspendue aux conclusions de la mission interministérielle lancée fin novembre 2018.

Déjà plombée par la mise en oeuvre brutale de l’augmentation des cotisations patronales sur les pensions, dont le taux est passé du simple au double en douze ans (de 33 % à 67 %), la gestion de l’Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) souffre d’une baisse conjuguée du versement compensateur de l’État (la réévaluation à partir de 2014 n’a pas compensé la perte de 27 % subie entre 1982 et 2013) et celle des recettes liées à la vente de bois domaniaux (- 30 % en 40 ans malgré un volume en hausse de 30 % pour la même période).

Le déclin de ces sources de financement explique en grande partie le niveau d’endettement actuel de l’ONF, évalué à 350 millions d’euros, pour un déficit structurel de 50 millions d’euros.

Contraint de courir après l’argent en permanence, l’ONF a dû supprimer, depuis 1986, 28 % de ses emplois fonctionnaires et 60 % des emplois ouvriers, passant ainsi de 15 000 à 9 000 salariés en trente ans.


Mais l’Office a également été contraint de développer fortement ses activités commerciales aux dépens de ses missions originelles, de réduire les investissements en forêt domaniale (peuplement forestiers et voiries) et de mettre en vente de très nombreux biens immobiliers pourtant indispensables au service.

Le nouveau contrat d’objectif et de performance (COP) pluriannuel signé par l’État, l’ONF et la fédération nationale des communes forestières pour la période 2016-2020 intensifie cette démarche de privatisation, sans pour autant offrir une viabilité financière sérieuse.

Comment imaginer en effet une hausse de 20 % en cinq ans des recettes de bois issus des forêts domaniales alors que les cours sont orientés à la baisse depuis 30 ans et que le niveau de récolte a atteint la saturation ?

Pour s’en sortir, la direction n’imagine qu’une seule porte de sortie, dévoilée le 14 février 2018 en réunion de négociation de la convention collective nationale : la modification du statut de l’ONF, transformé en EPIC non dérogatoire, c’est-à-dire privé du droit de recruter des fonctionnaires.

Au-delà du fait qu’elle outrepasse les prérogatives des parlementaires, auxquels revient le pouvoir de réviser le code forestier, une telle annonce est synonyme de remise en cause des missions régaliennes confiées par la loi à l’ONF.

Depuis deux ans, les décisions prises par la direction (baisse des effectifs, défonctionnarisation de l’emploi, création d’une Agence nationale étude et travaux ayant recours à l’intérim et au travail détaché, libéralisation du choix des arbres à vendre, etc.) aboutissent à un changement de nature de l’ONF, en l’absence de tout débat au sein de la représentation nationale.

Une telle démarche, marquée par une industrialisation croissante des forêts, est contradictoire avec le mode de gestion durable et multifonctionnel de l’ONF. L’approvisionnement de la filière bois, tout autant que les missions de protection de l’environnement (lutte contre les incendies) et l’accueil du public (700 millions de visites par an) sont incompatibles avec des logiques purement marchandes.

Pour toutes ces raisons, il lui demande de préciser les intentions du Gouvernement après la remise du rapport de la mission interministérielle et de garantir un mode de gestion écologique des forêts publiques fondé sur l’intérêt général et des générations futures.

La réponse du Ministre à Fabien Roussel...

L’action de l’office national des forêts (ONF), établissement public à caractère industriel et commercial, est guidée par la mise en œuvre d’un contrat d’objectifs et de performance (COP) fixant ses axes de travail. Le COP a été signé par l’État, la fédération nationale des communes forestières et l’ONF le 7 mars 2016 pour la période 2016-2020. Le COP confie en premier lieu à l’ONF la mission, prévue à l’article L. 221-2 du code forestier, de gérer durablement les forêts publiques, en intégrant leur triple vocation écologique, sociale et économique.

L’exploitation raisonnée des forêts est prévue dans le cadre d’aménagements forestiers programmant les coupes et les travaux. La récolte de bois dans les forêts publiques contribue à l’approvisionnement de la filière bois et apporte des recettes aux communes concernées permettant notamment d’investir dans le renouvellement de ces forêts. L’ONF joue ainsi un rôle moteur, au sein de la filière forêt-bois, en faveur de la transition énergétique et dans la préservation et le développement de notre patrimoine forestier.

Le secteur forêt-bois constitue en effet un secteur stratégique pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 inscrite dans le plan climat et déclinée par la stratégie nationale bas carbone en cours de révision. Il alimente l’économie en produits bio-sourcés et renouvelables, fournit la biomasse pour l’énergie et constitue un puits de carbone significatif.

Dans ce contexte, les ministères de tutelle, ministère de l’agriculture et de l’alimentation et ministère de la transition écologique et solidaire, accordent la plus grande importance à son bon fonctionnement. Le COP prévoit en effet la stabilité des financements de l’État, ce qui mérite d’être souligné dans le contexte budgétaire actuel.

À ce titre, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation maintient ses financements à l’ONF à hauteur de 140,4 M€ par an au titre du « versement compensateur », pour contribuer à la couverture du coût que représente pour l’ONF la gestion des forêts des collectivités et à hauteur de 26,2 M€ par an pour financer les missions d’intérêt général qui sont confiées à l’ONF. Dans le même temps, l’ONF doit améliorer la marge de ses activités commerciales et maîtriser ses charges, et donc ses effectifs, pour limiter son endettement.

Cette orientation implique des changements significatifs passant notamment par une gestion dynamique des ressources humaines. L’exercice 2017, difficile, a conduit à la dégradation de la situation financière de l’ONF et a accru son endettement qui a atteint 320 M€, pour un plafond de 400 M€. Cette dégradation est due à une activité en repli du fait d’un marché du bois moins dynamique qu’anticipé, tandis que les charges ne diminuent pas à due concurrence des produits. Le dépassement observé en 2017 sur la masse salariale (+ 4,8 M€) a conduit à la prise de décisions interministérielles en gestion pour permettre à l’établissement de mieux maîtriser ses dépenses et ne pas aggraver encore plus sa situation financière. L’État a décidé de verser l’ensemble de la contribution d’équilibre en 2018 et a ainsi mobilisé 5,7 M€ supplémentaires par rapport aux crédits inscrits au budget initial. En contrepartie, l’ONF a gelé 145 équivalent temps plein travaillé (ETPT) pour assurer la maîtrise de la masse salariale. L’ONF s’efforce de limiter l’impact de ce gel sur la qualité des missions qu’il assume.

Ces efforts consentis par l’ONF devront être poursuivis en 2019, avec l’application d’un schéma d’emploi de – 80 ETP portant ainsi le plafond d’emploi à 8 536 ETPT en loi de finances initiale.

Cette situation financière tendue ne remet cependant pas en cause l’avenir de l’établissement. Dans le cadre de son contrat d’objectifs et de performance 2016-2020, l’ONF a engagé de gros efforts pour améliorer l’efficacité de sa gestion : augmentation du chiffre d’affaire et de la valeur ajoutée, maîtrise des charges, autant d’efforts qui commencent à porter leurs fruits comme en témoigne la relative amélioration du résultat en 2018.

Une mission interministérielle a été lancée par le Gouvernement afin de proposer les évolutions possibles pour assurer un modèle soutenable pour l’ONF et son articulation avec le développement des territoires. Elle contribuera à la préparation du futur COP, afin que celui-ci participe à l’objectif de relance de la filière engagé dans le cadre du plan d’action interministériel forêt-bois. Les conclusions de la mission sont attendues au cours du second trimestre 2019.

Noam Chomsky: « En Ukraine, la diplomatie a été mise de côté »

 

Noam Chomsky revient sur le contexte qui a amené l’invasion de l’Ukraine. Il explique qu’à présent, les parties impliquées dans le conflit sont soumises à un choix: la diplomatie ou la poursuite des hostilités avec des conséquences désastreuses pour l’humanité tout entière. Chomsky dénonce aussi l’indignation sélective des Occidentaux et tire la sonnette d’alarme sur la militarisation croissante. Une militarisation qui illustre la double pensée d’Orwell: d’un côté, on nous dit que l’armée russe peine à conquérir des villes situées à quelques kilomètres de sa frontière, de l’autre on nous dit qu’il faut gonfler nos dépenses militaires pour nous protéger de cet effroyable ennemi qui veut conquérir le monde… (IGA)


David Barsamian : Avant de passer au pire cauchemar du moment – la guerre en Ukraine et ses répercussions mondiales – un peu de contexte. Commençons par les garanties données par le président George H.W. Bush au dirigeant soviétique de l’époque, Mikhaïl Gorbatchev, que l’OTAN ne bougerait pas « d’un pouce vers l’est ». Cette promesse a été vérifiée. Ma question est la suivante : pourquoi Gorbatchev n’a-t-il pas obtenu cela par écrit ?


Noam Chomsky : Il a accepté un « gentlemen’s agreement », ce qui n’est pas si rare en diplomatie. On se serre la main et c’est bon. Par ailleurs, obtenir cette promesse sur papier n’aurait fait aucune différence. Les traités écrits sur papier sont constamment rompus. Ce qui compte, c’est la bonne foi. Et H.W. Bush, le premier Bush, a respecté l’accord de manière explicite. Il s’est même orienté vers l’instauration d’un partenariat pour la paix qui intègrerait les pays d’Eurasie. Dans ce contexte, l’OTAN n’aurait pas été dissoute, mais elle aurait été marginalisée. Des pays comme le Tadjikistan, par exemple, auraient pu y adhérer sans faire officiellement partie de l’OTAN. Et Gorbatchev a approuvé cela. Cela aurait été un pas vers la création de ce qu’il appelait une maison européenne commune, sans alliances militaires.

Clinton, dans ses deux premières années, y a également adhéré. Ce que les spécialistes disent, c’est que vers 1994, Clinton a commencé à souffler le chaud et le froid. Aux Russes, il disait : « Oui, nous allons adhérer à l’accord ». À la communauté polonaise des États-Unis et aux autres minorités ethniques, il disait : « Ne vous inquiétez pas, nous allons vous intégrer à l’OTAN ». Vers 1996-97, Clinton a dit cela assez explicitement à son ami le président russe Boris Eltsine. Il l’avait aidé à gagner les élections de 1996. Il a dit à Eltsine : « Ne vous formalisez pas trop avec cette histoire d’OTAN. Nous allons nous étendre, mais j’en ai besoin à cause du vote ethnique aux États-Unis ».

En 1997, Clinton invite les pays dits de Visegrad – Hongrie, Tchécoslovaquie, Roumanie – à rejoindre l’OTAN. Les Russes n’ont pas apprécié, mais ils n’en ont pas fait beaucoup d’histoires. Puis les pays baltes ont rejoint l’Alliance, et là encore, c’était la même chose. En 2008, le deuxième Bush, qui était très différent du premier, a invité la Géorgie et l’Ukraine à rejoindre l’OTAN. Chaque diplomate américain a très bien compris que la Géorgie et l’Ukraine étaient des lignes rouges pour la Russie. Ils toléreront l’expansion ailleurs, mais ces pays se trouvent dans leur cœur géostratégique et ils ne toléreront pas d’expansion là-bas. Par la suite, il y a eu le soulèvement Maidan en 2014, expulsant le président pro-russe. Et l’Ukraine s’est rapprochée de l’Ouest.

À partir de 2014, les États-Unis et l’OTAN ont commencé à déverser quantité d’armes en Ukraine. Il y avait des armes sophistiquées, des formations militaires, des exercices militaires conjoints, des démarches pour intégrer l’Ukraine dans le commandement militaire de l’OTAN… Rien de tout cela n’était secret, ça s’est fait ouvertement. Récemment, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, s’en est d’ailleurs vanté. Il a déclaré : « C’est ce que nous faisions depuis 2014 ». Bien sûr, c’était volontairement provocateur. Ils savaient qu’ils empiétaient sur ce que chaque dirigeant russe considérait comme une limite infranchissable. La France et l’Allemagne ont mis leur veto à l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN en 2008. Mais sous la pression des États-Unis, elle a été maintenue à l’ordre du jour. Et l’OTAN, c’est-à-dire les États-Unis, a pris des mesures pour accélérer l’intégration de facto de l’Ukraine dans le commandement militaire de l’OTAN.

En 2019, Volodymyr Zelensky a été élu avec une majorité écrasante – je pense environ 70 % des voix – sur base d’un programme de paix avec un plan pour mettre en œuvre la paix avec l’Ukraine orientale et la Russie, un plan pour régler le problème. Il a commencé à avancer dans ce sens. En fait, il a même essayé de se rendre dans le Donbass, la région orientale tournée vers la Russie, pour mettre en œuvre ce que l’on appelle l’accord de Minsk II. Cela aurait impliqué une sorte de fédéralisation de l’Ukraine avec un degré d’autonomie pour le Donbass, ce que la région demandait. Cela aurait donné quelque chose comme la Suisse ou la Belgique. Mais Zelensky a été bloqué par des milices d’extrême droite qui ont menacé de l’assassiner s’il persistait dans sa démarche.

C’est un homme courageux. Il aurait pu aller de l’avant s’il avait eu le soutien des États-Unis. Mais les États-Unis ont refusé. Pas de soutien, rien. Ce qui signifie qu’il a été laissé pour compte et qu’il a dû faire marche arrière. Les États-Unis étaient déterminés à appliquer cette politique d’intégration progressive de l’Ukraine dans le commandement militaire de l’OTAN. Cela s’est encore accéléré lorsque le président Biden a été élu. En septembre 2021, on pouvait même le lire sur le site Internet de la Maison-Blanche. Ça n’a pas fait la une des journaux, mais, bien sûr, les Russes le savaient. Biden a annoncé un programme, une déclaration commune pour accélérer le processus de formation militaire, les exercices militaires, plus d’armes dans le cadre de ce que son administration a appelé un « programme amélioré » de préparation à l’adhésion à l’OTAN.

Ça s’est encore accéléré en novembre. Et tout cela s’est passé avant l’invasion. Le secrétaire d’État Antony Blinken a signé ce qu’on a appelé une charte qui a essentiellement formalisé et étendu cet arrangement. Un porte-parole du département d’État a admis qu’avant l’invasion, les États-Unis refusaient de discuter de toute préoccupation russe en matière de sécurité. Tout cela fait partie du contexte.

Le 24 février, Poutine a commis une invasion, une invasion criminelle. Ces graves provocations ne la justifient en rien. Si Poutine avait été un homme d’État, il aurait fait quelque chose de tout à fait différent. Il serait retourné voir le président français Emmanuel Macron, il aurait saisi ses propositions provisoires et il aurait tenté de trouver un compromis avec l’Europe, il aurait tenté de prendre des mesures en faveur d’une maison commune européenne.

Évidemment, les États-Unis ont toujours été opposés à ce projet. Cela remonte loin dans l’histoire de la guerre froide, aux initiatives du président français de Gaulle visant à établir une Europe indépendante. Selon son expression « de l’Atlantique à l’Oural », il s’agissait d’intégrer la Russie à l’Occident, ce qui apparaissait comme une solution naturelle pour des raisons commerciales, mais aussi pour des raisons de sécurité évidemment. Ainsi, s’il y avait eu des hommes d’État dans le cercle étroit de Poutine, ils auraient saisi les initiatives de Macron et il auraient tenté de voir s’ils pouvaient en fait s’intégrer à l’Europe et éviter la crise. Au lieu de cela, ce qu’il a choisi est une politique qui, du point de vue russe, est une imbécillité totale. Outre le caractère criminel de l’invasion, il a choisi une politique qui a poussé l’Europe dans le creux de la main des États-Unis. En fait, il incite même la Suède et la Finlande à rejoindre l’OTAN. C’est le pire résultat possible du point de vue russe, indépendamment de la criminalité de l’invasion et des pertes très sérieuses que la Russie subit à cause de cela.

Donc, criminalité et stupidité du côté du Kremlin, grave provocation du côté des États-Unis. Voilà le contexte qui a conduit à cela. Pouvons-nous essayer de mettre un terme à cette horreur ? Ou devons-nous essayer de la perpétuer ? Ce sont les choix à faire.

Il n’y a qu’un seul moyen d’y mettre un terme. C’est la diplomatie. Mais par définition, il faut que les deux parties en conflit acceptent la diplomatie. Même quand elles n’aiment pas cela, elles l’acceptent comme la moins mauvaise solution. Cela offrirait à Poutine une sorte de porte de sortie. C’est une possibilité. L’autre possibilité est de faire traîner les choses en longueur et de voir combien tout le monde va souffrir, combien d’Ukrainiens vont mourir, combien la Russie va souffrir, combien de millions de personnes vont mourir de faim en Asie et en Afrique, combien nous allons progresser vers le réchauffement climatique jusqu’au point où il n’y aura plus aucune possibilité d’existence humaine vivable. Ce sont les options. Eh bien, avec une unanimité proche de 100%, les États-Unis et la plupart de l’Europe veulent choisir l’option de la non-diplomatie. C’est explicite. Nous devons continuer à faire du mal à la Russie.

Vous pouvez lire des articles dans le New York Times, le Financial Times de Londres et d’autres partout en Europe. Un refrain commun est : nous devons nous assurer que la Russie souffre. Peu importe ce qui arrive à l’Ukraine ou à qui que ce soit d’autre. Bien sûr, ce pari suppose que si Poutine est poussé à bout, sans échappatoire, forcé d’admettre sa défaite, il l’acceptera et n’utilisera pas les armes dont il dispose pour dévaster l’Ukraine.

Il y a beaucoup de choses que la Russie n’a pas faites. Les analystes occidentaux en sont plutôt surpris. Par exemple, elle n’a pas attaqué les lignes d’approvisionnement de la Pologne qui déversent des armes en Ukraine. Les Russes pourraient certainement le faire. Cela les amènerait très vite à une confrontation directe avec l’OTAN, c’est-à-dire avec les États-Unis. Et vous pouvez deviner ce qui se passera ensuite. Quiconque a déjà regardé des jeux de guerre sait où cela va aller – vers le haut de l’échelle de l’escalade, vers une guerre nucléaire terminale.

Voilà donc les jeux auxquels nous jouons avec les vies des Ukrainiens, des Asiatiques et des Africains, l’avenir de la civilisation. Tout ça pour affaiblir la Russie et s’assurer qu’elle souffre suffisamment. Eh bien, si vous voulez jouer à ce jeu, soyez honnête à ce sujet. Il n’y a aucune base morale pour cela. En fait, c’est moralement horrible. Et les gens qui montent sur leurs grands chevaux en disant que nous défendons des principes sont des imbéciles moraux quand on réfléchit à ce que cela implique.

Barsamian : Dans les médias, et au sein de la classe politique aux États-Unis, et probablement en Europe, il y a beaucoup d’indignation morale à propos de la barbarie, des crimes de guerre et des atrocités russes. Il ne fait aucun doute qu’ils se produisent comme dans toute guerre. Mais ne trouvez-vous pas cette indignation morale un peu sélective ?

Chomsky : L’indignation morale est tout à fait appropriée. Il doit y avoir une indignation morale. Mais si vous allez dans les pays du Sud, ils peinent à croire ce qu’ils voient. Ils condamnent la guerre, bien sûr. C’est un crime d’agression déplorable. Puis ils regardent l’Occident et disent : de quoi parlez-vous ? C’est ce que vous nous faites tout le temps!

C’est assez étonnant de voir la différence dans les commentaires. Vous lisez le New York Times et leur grand penseur, Thomas Friedman. Il a écrit une tribune il y a quelques semaines dans laquelle il a levé les mains en signe de désespoir. Il disait [en substance]: « Que pouvons-nous faire ? Comment pouvons-nous vivre dans ce monde avec un criminel de guerre ? Nous n’avons jamais connu cela depuis Hitler. Il y a un criminel de guerre en Russie. Nous ne savons pas comment agir. Nous n’avons jamais imaginé l’idée qu’il puisse y avoir un criminel de guerre n’importe où. »

Lorsque les gens du Sud entendent cela, ils ne savent pas s’ils doivent rire ou pleurer. Nous avons des criminels de guerre qui se promènent partout dans Washington. En fait, nous savons comment nous occuper de nos criminels de guerre. C’est arrivé le jour du vingtième anniversaire de l’invasion de l’Afghanistan. Rappelez-vous, il s’agissait d’une invasion injustifiée à laquelle l’opinion mondiale était fortement opposée. Pour le vingtième anniversaire, l’auteur de cette invasion, George W. Bush, un grand criminel de guerre qui a ensuite envahi l’Irak, a été interviewé dans la rubrique « lifestyle » du Washington Post. Dans cette interview, ils ont présenté un adorable grand-père loufoque qui joue avec ses petits-enfants, fait de blagues, montre les portraits qu’il a peints des personnes célèbres qu’il a rencontrées… Juste un cadre magnifique et amical.

Vous voyez, nous savons comment y faire avec les criminels de guerre. Thomas Friedman a tort. Nous les traitons très bien.

Ou prenez celui qui est probablement le plus grand criminel de guerre de la période moderne, Henry Kissinger. Nous le traitons non seulement poliment, mais aussi avec une grande admiration. Après tout, c’est cet homme qui a transmis l’ordre à l’armée de l’air de bombarder massivement le Cambodge – « tout ce qui vole sur tout ce qui bouge », c’était ses mots. Dans les archives, je ne connais pas d’exemple comparable à un tel appel au génocide de masse. Et cela a été mis en œuvre par un bombardement très intensif du Cambodge. Nous n’en savons pas grand-chose, car nous n’enquêtons pas sur nos propres crimes. Mais Taylor Owen et Ben Kiernan, deux historiens spécialistes du Cambodge, l’ont décrit. Il y a aussi notre rôle dans le renversement du gouvernement de Salvador Allende au Chili et l’instauration d’une dictature vicieuse dans ce pays, et ainsi de suite. Nous savons donc comment traiter nos criminels de guerre.

Pourtant, Thomas Friedman n’arrive pas à imaginer qu’il existe d’autres choses comme l’Ukraine. Et ce qu’il a écrit n’a pas fait de remous, ce qui veut dire que c’est considéré comme tout à fait raisonnable. On peut difficilement parler de sélectivité. C’est plus qu’étonnant. Donc, oui, l’indignation morale est parfaitement justifiée. C’est bien que les Américains commencent enfin à montrer de l’indignation à propos de crimes de guerre majeurs… commis par quelqu’un d’autre.

Barsamian : J’ai une petite devinette pour vous. C’est en deux parties. L’armée russe est inepte et incompétente. Ses soldats ont le moral très bas et sont mal dirigés. Son économie est comparable à celle de l’Italie et de l’Espagne. C’est la première partie de la devinette . L’autre partie, c’est que la Russie est un colosse militaire qui menace de nous submerger. Donc, nous avons besoin de plus d’armes. Élargissons l’OTAN. Comment conciliez-vous ces deux pensées contradictoires ?

Chomsky : Ces deux pensées constituent la norme partout en Occident. Je viens d’avoir une longue interview en Suède sur leurs projets d’adhésion à l’OTAN. J’ai fait remarquer que les dirigeants suédois nourrissent deux idées contradictoires, les deux que vous avez mentionnées. La première consiste à se réjouir du fait que la Russie a prouvé qu’elle était un tigre de papier incapable de conquérir des villes situées à quelques kilomètres de sa frontière et défendues par une armée essentiellement composée de citoyens. Donc, ils sont complètement incompétents sur le plan militaire. L’autre idée est qu’ils sont prêts à conquérir l’Occident et à nous détruire.

George Orwell avait un nom pour ça. Il appelait ça la double pensée, la capacité d’avoir deux idées contradictoires dans son esprit et de les croire toutes les deux. Orwell pensait à tort que c’était quelque chose que l’on ne pouvait trouver que dans l’État ultra-totalitaire dont il faisait la satire dans « 1984 ». Il avait tort. C’est possible dans les sociétés démocratiques libres. Nous en voyons un exemple dramatique en ce moment même. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois.

Cette double pensée est notamment caractéristique de la pensée de la guerre froide. Il faut remonter au principal document de la guerre froide de cette époque, le NSC-68 de 1950. Si vous l’examinez attentivement, il montre que l’Europe seule, sans compter les États-Unis, était militairement à égalité avec la Russie. Pourtant, nous avions encore besoin d’un énorme programme de réarmement pour contrer le projet de conquête mondiale du Kremlin.

C’est consigné dans un document, c’était une approche consciente. Dean Acheson, l’un des auteurs, a déclaré plus tard qu’il était nécessaire selon ses propres mots, d’être « plus clair que la vérité » afin de matraquer les esprits au sein du gouvernement. Nous voulons faire passer cet énorme budget militaire, alors nous devons être « plus clairs que la vérité » en inventant un État esclavagiste sur le point de conquérir le monde. Ce type de pensée a traversé toute la guerre froide. Je pourrais vous donner de nombreux autres exemples, mais nous le constatons à nouveau aujourd’hui de manière assez spectaculaire. Et la façon dont vous le dites est tout à fait correcte : ces deux idées sont en train de consumer l’Occident.

Barsamian : Il est également intéressant de noter que le diplomate George Kennan a prévu le danger que représente le déplacement des frontières de l’OTAN vers l’est dans une carte blanche très prémonitoire parue dans le New York Times en 1997.

Chomsky : Kennan s’était également opposé à la NSC-68. En fait, il avait été le directeur du Policy Planning Staff du département d’État. Il a été mis à la porte et remplacé par Paul Nitze. Il était considéré comme trop doux pour un monde aussi dur. C’était pourtant un faucon, radicalement anticommuniste, assez brutal lui-même à l’égard des positions américaines. Mais il s’est rendu compte que la confrontation militaire avec la Russie n’avait aucun sens.

Kennan pensait que la Russie finirait par s’effondrer à cause de ses contradictions internes, ce qui s’est avéré exact. Mais il a été considéré comme une colombe tout au long de son parcours. En 1952, il s’est montré favorable à l’unification de l’Allemagne en dehors de l’alliance militaire de l’OTAN. C’était également la proposition du dirigeant soviétique Joseph Staline. Kennan était alors ambassadeur en Union soviétique et un spécialiste de la Russie.

L’initiative venait de Staline, la proposition de Kennan. Certains Européens l’ont soutenue. Cela aurait mis fin à la guerre froide. Cela aurait débouché sur une Allemagne neutralisée, non-militarisée et ne faisant partie d’aucun bloc militaire. Mais la proposition a été presque totalement ignorée à Washington.

Un spécialiste de la politique étrangère, un homme respecté, James Warburg, a écrit un livre à ce sujet. Il vaut la peine d’être lu. Ça s’appelle « Germany: Key to Place ». Il y insistait pour que cette idée soit prise au sérieux, mais il avait été méprisé, ignoré, ridiculisé. Je l’ai mentionné plusieurs fois et on m’a traité de fou, moi aussi. Comment aurait-on pu faire confiance à Staline ? Eh bien, les archives sont sorties. Il s’avère qu’il était apparemment sérieux. Vous lisez maintenant les principaux historiens de la guerre froide, des gens comme Melvin Leffler. Et ils reconnaissent qu’il y avait une réelle opportunité pour un règlement pacifique à l’époque, une opportunité qui a été écartée au profit de la militarisation et d’une énorme expansion du budget militaire.

Passons maintenant au gouvernement Kennedy. Lorsque John Kennedy est entré en fonction, Nikita Khrouchtchev, dirigeant russe de l’époque, a fait une offre très importante pour procéder à des réductions mutuelles et à grande échelle des armes militaires offensives. Cela aurait débouché sur un fort apaisement des tensions. Les États-Unis étaient alors très en avance sur le plan militaire. Khrouchtchev voulait s’orienter vers le développement économique de la Russie et comprenait que cela était impossible dans le contexte d’une confrontation militaire avec un adversaire beaucoup plus riche. Il a donc d’abord fait cette offre au président Dwight Eisenhower, qui n’y a pas prêté attention. Elle a ensuite été proposée à Kennedy. Et même s’il savait que les États-Unis avaient déjà une fameuse longueur d’avance, son gouvernement a répondu par ce qui constitue le plus grand renforcement de la force militaire jamais vu dans l’Histoire en temps de paix.

Les États-Unis ont inventé cette histoire de « fossé de missiles » qu’il fallait combler. La Russie était soi-disant sur le point de nous écraser avec son avantage en matière de missiles. La Russie avait peut-être quatre missiles exposés sur une base aérienne quelque part.

Vous pouvez continuer encore et encore comme ça. La sécurité de la population n’est tout simplement pas une préoccupation des décideurs politiques. La sécurité des privilégiés, des riches, des entreprises, des fabricants d’armes, oui, mais pas celle du reste d’entre nous. Cette double pensée est constante, parfois consciente, parfois non. C’est exactement ce que décrivait Orwell, nous avons un hypertotalitarisme dans une société libre.

Barsamian : Dans un article de Truthout, vous citez le discours de 1953 d’Eisenhower sur la « Croix de fer ». Qu’y avez-vous trouvé d’intéressant ?

Chomsky : Vous devriez le lire et vous verrez pourquoi c’est intéressant. C’est le meilleur discours qu’il ait jamais prononcé. C’était en 1953, alors qu’il venait de prendre ses fonctions. En gros, ce qu’il a souligné, c’est que la militarisation était une attaque énorme contre notre propre société. Il – ou celui qui a écrit le discours – l’a exprimé avec beaucoup d’éloquence. Un avion à réaction signifie autant d’écoles et d’hôpitaux en moins. Chaque fois que nous augmentons notre budget militaire, nous nous attaquons à nous-mêmes.

Il l’a expliqué en détail, appelant à une baisse du budget militaire. Il avait lui-même un bilan assez terrible, mais à cet égard, il était dans le mille. Et ces mots devraient être gravés dans la mémoire de tous. Récemment, Biden a proposé un énorme budget militaire. Le Congrès l’a étendu au-delà même de ses souhaits, ce qui représente une attaque majeure contre notre société, exactement comme Eisenhower l’a expliqué il y a tant d’années.

Le prétexte? Nous sommes censés devoir nous défendre contre ce tigre de papier, si incompétent militairement qu’il ne peut pas se déplacer de quelques kilomètres au-delà de sa frontière sans s’effondrer. En réalité, avec un budget militaire aussi monstrueux, nous sommes amenés à nous nuire gravement et à mettre le monde entier en danger, nous allons gaspiller des ressources énormes qui seraient plus utiles pour affronter les crises existentielles auxquelles nous sommes confrontés. Pendant ce temps, nous versons l’argent des contribuables dans les poches des producteurs de combustibles fossiles afin qu’ils puissent continuer à détruire le monde le plus rapidement possible. C’est ce à quoi nous assistons avec la vaste expansion de la production de combustibles fossiles et l’augmentation des dépenses militaires. Il y a des gens qui s’en réjouissent. Allez dans les bureaux de direction de Lockheed Martin ou d’ExxonMobil, ils sont en extase. C’est une aubaine pour eux. Ils en tirent même du prestige. À présent, ils sont félicités pour avoir sauvé la civilisation… en détruisant la possibilité de vie sur Terre. Oubliez les peuples du Sud dont nous parlions plus haut. Imaginez des extraterrestres. S’ils existaient, ils penseraient que nous sommes tous complètement fous. Et ils auraient raison.