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Les étudiants basculent dans la précarité, alertent les syndicats



Éducation Une pauvreté qui augmente, une santé mentale qui se dégrade, des inégalités genrées en forte hausse : des constats alarmants partagés par les syndicats étudiants de l’Unef et de la Fage, qui publient leur rapport annuel sur le coût de la vie à l’université.




Un coût de la vie à l’université qui bondit de 6,49 % : c’est le constat amer de l’étude annuelle du premier syndicat étudiant, l’Unef, qui vient de paraître. Soit une dépense supplémentaire de 428,22 euros cette année pour chaque étudiant. Des chiffres confirmés par la Fage, l’autre grand syndicat étudiant, qui publie également son indicateur du coût de la rentrée universitaire ce mardi.

« La précarité étudiante s’est considérablement dégradée », explique Anne-Laure Syrieix, vice-présidente de la Fage. Principales explications, la hausse des loyers et des denrées alimentaires, secteurs les plus touchés par l’inflation et « premiers postes de dépense chez les étudiants », indique Paul Mayaux, président de la Fage. Les prix de l’alimentation ont augmenté de 6,7 %. Selon l’Unef, cela engendrera une hausse des dépenses étudiantes de 145,50 euros durant la prochaine année universitaire. Et tant pis pour les non-boursiers, soit 73 % des étudiants, qui, depuis juillet, ne peuvent plus accéder aux « tickets à 1 euro » mis en place pendant le confinement dans les restaurants universitaires. Augmentation des loyers, de l’assurance logement et des transports : « On va avoir des étudiants qui, dès la rentrée, ne pourront pas manger. Ils devront choisir entre payer leur logement, s’acheter à manger ou se payer leur livres. On a une précarité de plus en plus structurelle », explique Imane Ouelhadj, la présidente de l’Unef.
« Ces aides , c’est de la communication »

Face à une inflation record de 6,1 % en 2022, Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur, annonçait début juillet une revalorisation des bourses de 4 %. « Ces aides, c’est de la communication », s’insurge Paul Mayaux. À cette augmentation se rajoutera un chèque « alimentaire d’urgence » de rentrée de 100 euros pour les étudiants boursiers ou bénéficiaires des APL (aide personnalisée au logement). Une mesure temporaire pour Paul Mayaux, qui exige « des aides durables ».

La fin du régime étudiant de Sécurité sociale en 2018 et la hausse des coûts de la vie ont eu des répercussions préoccupantes sur la santé des jeunes. La création de la grande mutuelle Heyme a engendré une augmentation drastique des prix : une complémentaire santé qui valait en moyenne 306,80 euros, en 2021, atteint désormais 411,13 euros selon la Fage. Résultat, 40 % des étudiants renoncent à des soins, près de la moitié d’entre eux pour des raisons financières. Or, l’épidémie de Covid a impacté fortement la santé mentale des étudiants. Le 1er février 2021, le gouvernement réagissait en lançant le « chèque psy » pour permettre aux étudiants en situation de mal-être de pouvoir consulter un professionnel. On compte actuellement un psychologue pour 15 000 étudiants au sein des universités. « Bien trop faible », selon Anne-Laure Syrieix, pour qui « il faudrait multiplier ce chiffre par 10 pour permettre aux étudiants de consulter et d’améliorer leur santé psychique ».

L’étude de l’Unef révèle aussi une inquiétante augmentation des inégalités de genre. En 2022, un étudiant dépense chaque mois 38,20 euros. Mais la somme est trois fois plus importante pour les femmes. Une différence atteignant 834,19 euros sur l’année. Cet écart est principalement dû aux « diktats de beauté, selon Imane Ouelhadj, qui contraignent les étudiantes à des dépenses supplémentaires ». Épilation, maquillage, vêtements aux prix supérieurs à ceux des hommes… S’ajoutent à ces dépenses les pilules contraceptives, les protections hygiéniques, les médicaments contre les douleurs et le suivi gynécologique, qui s’élèvent à 305,76 euros par an. Pour 70 euros ­dépensés chez le gynécologue, seulement 30 euros sont pris en charge par la Sécurité sociale. Afin de lutter contre la précarité menstruelle, le gouvernement avait annoncé, en 2020, la mise en place de distributeurs de protections périodiques . « La grande majorité des universités ne sont toujours pas équipées », dénonce Imane Ouelhadj. Aujourd’hui, la précarité menstruelle touche encore 2 millions de personnes en France.

Cette première rentrée 100 % en présentiel depuis le début de la crise sanitaire s’annonce difficile. La précarité étudiante est en constante augmentation depuis vingt ans, selon la Fage, alors que l’inflation a atteint un niveau record cette année. Les deux syndicats étudiants dénoncent une absence de réelle volonté politique de la part du gouvernement pour s’y attaquer. « La véritable question à se poser est : quelle est la place des jeunes en France aujourd’hui ? » résume Imane Ouelhadj.

“Pour que jeunesse se fasse” bientôt en librairie et en vente militante !


https://www.pcf.fr/pour_que_jeunesse_se_fasse_bientot_en_librairie_et_en_vente_militante

“Pour que jeunesse se fasse” bientôt en librairie et en vente militante !

Léon Deffontaines sort son premier livre « Pour que jeunesse se fasse » : un portrait sans fard de la jeunesse, un appel au combat.

Le livre du secrétaire général du MJCF sortira lors de la Fête de l’Humanité. Léon le présentera lors de l’université d’été du PCF fin août où il sera disponible en avant-première.

« C’est dur d’avoir 20 ans en 2020 ». Prononcée dans une allocution lors de la crise sanitaire par Emmanuel Macron, cette phrase résumait amèrement le ressenti de millions de jeunes. Confinés, empêchés d’étudier, de voir leurs amis ou de faire du sport, les jeunes ont payé le prix fort de la COVID 19 et de ses conséquences.

Pourtant, la jeunesse n’a pas attendu 2020 pour que sa situation se dégrade. Dans cet ouvrage, Léon Deffontaines montre comment le capitalisme hypothèque l’avenir de la jeunesse dans tous les domaines : éducation, emploi, loisirs, accès à la santé …

Écrites à partir de rencontres faites dans toute la France, ces pages donnent la parole à Maxime, ouvrier intérimaire de Picardie, Sarah, étudiante en droit à Gennevilliers ou encore Myriam, lycéenne à Tourcoing. De la réforme du baccalauréat à Parcoursup, en passant par les Contrats d’engagement jeunes ou la baisse des APL, chaque attaque des libéraux contre la jeunesse est passée au peigne fin et est illustrée par des témoignages des premiers concernés.

Au-delà du constat, il s’agit de mettre en avant les propositions révolutionnaires du MJCF pour permettre à la jeunesse de s’émanciper.

Sortie officielle à la Fête de l’Humanité, puis dans les librairies à travers toute la France.




Manque de Canadairs ? : En France on préfère les avions de chasse et les jets privés !





Face aux multiples incendies qui ravagent les forêts françaises, le pays ne dispose que de 12 Canadairs alors qu'on dénombre 211 avions de combat et plus de 550 jets privés.

C'est une démonstration évidente de la nature destructrice et totalement irrationnelle de la production entre les mains du capital à l'heure où l'urgence climatique prend de plus en plus d'ampleur.

Cet été, sous la sécheresse et la canicule, l’Europe est en proie à des incendies historiques. La surface totale partie en fumée en Europe depuis le début de l’année atteignait 450 000 hectares soit quatre fois la moyenne à cette date entre les années 2006 et 2021.

Le producteur de Canadairs à l’arrêt depuis 10 ans !

Malgré cela, le constructeur des Canadairs, hydravion capable de larguer des tonnes d’eau sur des incendies, est à l’arrêt depuis plusieurs années : « Cela fait presque dix ans qu’aucun Canadair n’a été vendu ou livré ». Pour s’assurer une activité rentable, le groupe a en effet attendu que son carnet de commandes se remplisse pour relancer la production, et ne sera en mesure de livrer qu’à partir de 2026.

La suspension de la production de ce constructeur est dès lors très significative de l’incompatibilité entre la recherche de profit qui régit l’activité des industriels et la nécessité, en plus de celle de réduire drastiquement les émissions, de résister aux conséquences du réchauffement climatique dont les incendies font partie.

Les priorités françaises sont éclairées par les chiffres suivants : 12 Canadairs contre 211 avions de combat et 550 jets privés !!!

En France, l’armée de l’air dispose de 211 avions de combat pour plus de 500 aéronefs. La France compte également la troisième flotte de jets privés d’Europe, avec plus de 550 appareils prêts à répondre aux caprices d’excursions du patronat.

La comparaison avec la flotte de lutte contre les incendies est frappante : celle-ci compte seulement 12 Canadairs pour 26 avions au total. Ces appareils sont vieillissants : les deux tiers de la flotte sont en fin de vie. Et une partie se retrouve régulièrement clouée au sol pour entretien et maintenance.

En plus de ça, la flotte manque de pilotes, et souffre d’une forte concentration à Nîmes, où se trouve le centre de maintenance. Face à cette situation et aux violents incendies, l’UE a mobilisé des avions de la flotte grecque pour venir colmater les trous de la flotte française.

L’état de la flotte reflète le manque de moyens dont sont victimes les pompiers de manière générale :

« Nous disposons en France d’une force de frappe conséquente toutefois mise à mal ces deux dernières décennies à cause de logiques financières qui ont réduit la voilure dans certains départements. Certaines casernes se sont dotées de véhicules polyvalents, ce qui les empêche de venir en renfort dans d’autres régions quand la situation l’exige. Nous sommes passés de 7 500 casernes il y a quinze ans à 6 800 aujourd’hui et avons des ressources humaines limitées, qui ne sont pas toutes formées aux feux de forêts »

explique Gregory Allione, président de la fédération nationale des sapeurs-pompiers.

Un manque de moyens contre lequel les pompiers se mobilisent depuis 2019, face au mépris et aux matraques du gouvernement.


Blé et céréales ukrainiens et russes, c'est le capital qui a la main !

 Blé et céréales ukrainiens et russes, c'est le capîtal qui a la main !

par Front de Gauche Pierre Bénite

L'actualité rappelle que la Russie et l'Ukraine sont deux acteurs majeurs de la production de céréales et de protéagineux dans le monde. À eux deux, ils représentent 28% des exportations de blé et ils figurent dans les cinq premiers exportateurs mondiaux avec le Canada, les USA et la France.

L'apport que représente la Russie et l'Ukraine à l'alimentation mondiale est donc de première importance avec l’impossibilité pour eux de les exporter du fait du blocage des ports ukrainiens de la mer noire. Les sanctions contre la Russie ont fait craindre, avec une augmentation importante des prix, aujourd'hui à 380 dollars la tonne, à une aggravation de la situation alimentaire des pays les plus pauvres.

L'accord signé le 23 juillet sous l'égide de l'ONU et de la Turquie, valable 120 jours, a permis de débloquer la situation et de reprendre les exportations transitant sous contrôle international par le Bosphore.

Si jusqu'à présent aucun bateau n'a eu pour destination les pays les plus demandeurs, c'est que, comme sur le reste des matières premières, le marché est réglé par la loi capitaliste de l'offre et de la demande et donc des propositions que font les acheteurs potentiels pour alimenter leur marché. Notons de ce point de vue que le plus déterminant pour le marché du blé et des céréales, ce ne sont, ni la guerre en Ukraine pas plus que les pays les pauvres mais les énormes besoins de la Chine.

Mais à qui profite en Ukraine et en Russie le commerce des céréales? Répondre à cette question, nécessite de faire un détour sur les questions foncières et sur qui est propriétaire des terres et les exploite.

Le droit soviétique n’a jamais reconnu un droit individuel sur la terre. Les personnes pouvaient obtenir l’usage d’un terrain pour une durée indéterminée mais aucun droit n’y était attaché. Le droit de propriété était détenu par la coopérative, seule compétente pour attribuer et disposer des parcelles.

Dès la fin de l'URSS, la question foncière est posée car il ne pouvait pas y avoir de développement du capitalisme sans un marché foncier. En Russie devant l'opposition de la paysannerie, il faudra attendre 2001 et enfin 2002 avec la loi sur la privatisation des terres agricoles pour que le processus de transformation de la propriété englobe tous les secteurs. C’est quand Poutine accède au pouvoir que l’on note une accélération du processus de privatisation des terres agricoles.

En Ukraine, l'objectif de la privatisation a été effectif dès la fin de l'Ukraine socialiste. S’en est suivie une courte période pendant laquelle ont été autorisées des transactions, c’est-à-dire la vente et l’achat des terres. Mais, pour finir, dès 2001, un moratoire a été décrété mettant un terme à toute transaction. Cet état des choses a perduré jusqu’en 2021.

Tout au long du débat sur la question foncière, l'opposition de la paysannerie ukrainienne a été vigoureuse. Finalement, la pression du Fond Monétaire International, le plus important créditeur de l’Ukraine, a réussi à emporter la décision en faisant de l’abolition du moratoire sur les ventes des terres comme condition sine qua non à l’attribution d’un nouveau paquet de crédits à l’Ukraine.

Et le gouvernement ukrainien s'est exécuté contre l’avis très largement majoritaire de son opinion publique. Dès lors les « opérateurs » avaient les mains libres pour transmettre les terres qu’ils avaient en gestion aux « investisseurs étrangers ». C'est si vrai qu’aujourd’hui les grands trusts agroalimentaires US on fait main basse sur un tiers des terres ukrainiennes et tout particulièrement les plus productives pour la culture des céréales.

En Russie de manière différente et à la suite des sanctions prises par les occidentaux en 2014 après l'annexion de la Crimée, les capitalistes russes se sont retournés vers des investissements dans l'agroalimentaire et avec une aide massive de l'État ont constitué de vastes ensembles dont certains recouvrent plus de 100.000 hectares. Cette politique a conduit à une augmentation très sensible des capacités de la Russie dans le domaine des grandes cultures, même si par ailleurs de nombreux déficits existent dans les productions alimentaires de base.

Ainsi, en Ukraine comme en Russie, le capital a mis la main sur la production de ressources vitales pour l'humanité.

La monétisation des RTT contre le modèle social français !





La monétisation des RTT, adoptée dans la loi de finances rectificative, aura une portée limitée mais contribuera à affaiblir le système social français, à individualiser les relations de travail et à répondre au besoin du capital de limiter l'emploi pour les profits.

Se faire racheter ses RTT non prises peut paraître séduisant. Face à l’inflation, devant le refus du pouvoir et du capital de revaloriser les salaires, vendre à son employeur ses RTT non prises permet d'améliorer son revenu mais en disant adieu à ses jours de repos gagnés parfois durement. On peut donc se laisser tenter par cette mesure adoptée le 4 août.

La monétisation de ces journées était déjà permise par accord collectif, pour les salariés en forfait jours, les titulaires d’un compte épargne-temps ou encore dans les rares cas où ils ne pouvaient les prendre du fait de l’employeur. Désormais, les salariés du secteur privé – les fonctionnaires en sont exclus – pourront demander le paiement de tout ou partie de leurs RTT acquises en 2022, et ce jusqu’en 2025.

Qui est concerné ?

Cette mesure va concerner que peu de travailleurs. En effet, il faut disposer de ces journées négociées en contrepartie d’une durée du travail excédant 35 heures par semaine… En 2011, un peu moins de la moitié des salariés (45 %) en avait. Et seuls 15 % d’entre eux sont en forfait jours, des cadres de grandes entreprises et des salariés dits « autonomes ». Ce sont eux qui en seront les bénéficiaires.

Les cadres et professions intermédiaires affichaient, en 2015, 33 jours de congés payés et de RTT par an au compteur (sachant que tout salarié a droit au minimum à 25 jours de congés payés) quand les employés et ouvriers non qualifiés n’en comptaient que 26. Ils seront privés de cette possibilité ainsi que les indépendants, agriculteurs et autres professions qui ne disposent pas de RTT.

L’accord de l’employeur est obligatoire pour monétiser les RTT. Beaucoup de patrons ne sont pas prêts à débourser ces heures majorées de 10 % a minima. Les entreprises sans un accord leur permettant d’abaisser la majoration des heures supplémentaires jusqu’à ce seuil plancher prévu par la loi – loi El Khomri de 2016 et ordonnances Macron de 2017 – doivent toujours payer les 8 premières heures supplémentaires majorées de 25 % (50 % pour les suivantes).

Pour d’autres entreprises, le patronat sera gagnant à tous les coups : car rien n’empêchera les salariés de travailler plus en renonçant à la fois à leurs jours de congé et en faisant des heures supplémentaires dont le quota reste inchangé à 220 heures par an au maximum. Tant pis pour les risques psychosociaux et l'emploi.

Nouveau coup tordu contre les 35 heures

En l’absence de syndicats et de négociation collective, les accords de gré à gré risquent de se multiplier, la monétisation des RTT faisant alors office de hausse de salaire, au même titre que la prime Macron. Cela conduira à fragiliser notre système de protection sociale dont le financement repose sur les cotisations sociales. L'Etat cherchant toujours à le fiscaliser par des taxes diverses (CSG et autres).

Avec les possibilités de monétisation antérieures, le rachat de RTT est en effet désocialisé (salariés et employeurs ne paient pas de cotisation) et défiscalisé (il n’est pas soumis à l’impôt sur le revenu) dans la limite de 7 500 euros. Cette fois, la défiscalisation des heures supplémentaires passe de 5 000 à 7 500 euros. La perte de recettes pour l’Etat et la Sécurité sociale provoquée par les rachats de RTT serait compensée par une taxe additionnelle liée aux tabacs.

Au final, il s'agit d'une arnaque qui fait le jeu du patronat et porte un nouveau coup aux 35h, à la protection sociale et à l'emploi. Rappelons que les premiers coups portés aux 35h ont commencé par un accroissement du contingent d’heures supplémentaires. Nous sommes bel et bien face à un libéralisme pur et dur qui ravit aussi bien les macronistes que la droite et l'extrême droite. Le capital en rêvait, ils l'ont fait !

La durée du travail (à la semaine, à l'année et sur une carrière) est devenue le terrain sur lequel les libéraux partisans d’un code du travail assoupli se déchaînent. Il s'agit pour eux de créer les conditions pour que le patronat puisse allonger la durée du travail, que cela lui coûte le moins cher possible et lui évite de passer par l'embauche !

Remise en cause des congés légaux ou acquis, heures supplémentaires sans limite et défiscalisées, report de l'âge de la retraite à 65 voire 67 ans, fiscalisation de la protection sociale, nous sommes en présence du « travailler plus pour gagner plus » cher aux sarkozystes et au patronat.

On risque ainsi de voir se multiplier les tentatives de négociations pour tenter d'avoir une durée du travail et l'organisation du travail à la main des entreprises et de leur objectif de rentabilité. Les accords de performance collectifs sont de cette veine, ils permettent d’augmenter les heures mais pas les salaires.

C'est une grave offensive libérale aux objectifs multiples et dont l'ensemble cohérent vise à détruire notre système social.

S'appuyant sur la faiblesse des salaires, cette mesure est un leurre qui va permettre de faire travailler gratuitement pour quelques miettes et surtout d'éviter la question centrale posée à la France dans chaque entreprise, l'urgence de revaloriser les salaires bruts avec des augmentations pérennes.

Tel est l'enjeu des semaines à venir.


Cadres de la fonction publique et idéologie managériale

Alcide CARTON

Comme à l'accoutumée, notre conseiller d'état parle juste.

Cependant, il ne faudrait pas prendre son article comme l'analyse d'une
évolution nouvelle. Ce qu'il décrit a commencé, du moins pour ce qui
concerne l'éducation nationale, mais aussi pour les trois fonctions
publiques, dans les années 1990 et même avant. Nous avions connu une
avancée remarquable avec la réforme du statut dont ALP est à l'origine,
puis dès les mesures de décentralisation, déconcentration du
gouvernement Maurois, en réaction, la mise en œuvre de stratégies
managériales inspirées du privé et théorisées dans les universités
anglo-saxonnes.

En 1990 lorsque Jospin fait adopter "sa loi d'orientation" pour l'EN ,
celle-ci s'accompagne de modifications importantes des missions et de
modalités de recrutement de ses cadres d'inspection (je ne parle pas des
chefs d'établissements, c'était déjà en route depuis le gouvernement
Chirac voire Haby dès 1975, substituant à la dimension pédagogique la
compétence gestionnaire) . Projets, contrats d'objectifs, évaluation
sont devenus les maîtres mots d'un pilotage vertical, ignorant les
règles collectives d'animation des équipes et surtout le rôle essentiel
des politiques d'inspection: "rendre compte" pour éclairer les décisions
politiques locales ou nationales.

En 2013-2015, sous l'impulsion des gouvernements Hollande, le comble a
été atteint avec la réforme de l'évaluation des personnels. Honte à
celles et ceux, aux syndicats qui l'ont soutenue ! Les chefs
d'établissements, les inspecteurs sont désormais les contre-maîtres d'un
système éducatif plus napoléonien que jamais dans lesquels les
personnels sont mis en compétition individuelle là où devrait compter
l'intérêt général et la gestion démocratique. Macron et Blanquer ont
joué avec cela sur du velours. Le second ne vient-il pas du sérail, et
le premier des collèges et établissements privés ?

Le système est-il plus efficace pour autant ? Au vu des démissions qui
n'ont jamais été si nombreuses dans le corps enseignant, les problèmes
récurrents de recrutement et surtout les effets sur les élèves même ceux
mesurés par des critères capitalistes des "évaluations internationales"
on peut légitimement en douter.

Merci à Dominique pour l'envoi de ce lien.



À gauche, les partis ont-ils un avenir ?

Extrait de : Rémi Lefebvre, Faut-il désespérer de la gauche ?, Textuel, coll. « Petite encyclopédie critique », 2022.


La gauche peut-elle faire l’économie de la forme partisane ?

Le « parti » est né sous sa forme moderne à gauche à la fin du xixe siècle. Selon l’un des premiers spécialistes des partis politiques, Roberto Michels[1], la forme partisane constitue une arme « contre les forts aux mains de faibles ». Ceux qui n’ont pas de capitaux économiques n’ont que leur unité et leur discipline pour force. Le parti de masse permet d’accumuler et de collectiviser des ressources : de la main-d’œuvre (la force militante), des financements, des visions du monde idéologiques (doctrine et programme…). Il s’agit de concurrencer les notables et les élites dominantes sur le terrain électoral. Le parti n’a cependant pas qu’une fonction électorale. Il vise à éduquer, conscientiser, encadrer, intégrer socialement la classe ouvrière. Le syndicaliste Fernand Pelloutier a eu cette belle formule : les organisations donnent aux ouvriers « la science de leur malheur ». Le Parti socialiste (dans certaines fédérations et dans les années 1970) et le Parti communiste durant son âge d’or (des années 1950 aux années 1970), véritables milieux de vie, ont rempli ces diverses fonctions électorales, idéologiques, sociales, identitaires. Les partis constituent alors un outil central d’un « pluralisme radical ». Ils permettent « la visibilisation des groupes sociaux unis par une expérience, une identité, un intérêt irréductiblement particulier » et apportent ainsi une contribution décisive à la démocratie si elle signifie « politisation des distinctions existant dans la société »[2].

Le parti n’est pas bien sûr le seul acteur du changement social. Les mouvements sociaux et les syndicats ont contribué aussi à politiser les milieux populaires. La forme partisane connaît un épuisement et un affaiblissement général des partis à partir des années 1990, lié notamment aux reculs des classes sociales[3]. Pierre Rosanvallon déclare au journal Le Monde (3 mars 2017), non sans arguments : « Le parti ne produit plus ni culture politique, ni programme, ni projets de loi. Il est devenu un rameau mort. » L’heure serait désormais à la démocratie du « public » qui substituerait à la démocratie des partis un régime d’opinion fondé sur la personnalisation et la médiatisation de la vie politique, le poids des sondages et la volatilité électorale. Les partis ne parviennent plus à organiser la vie politique à partir de la vie sociale, à donner une expression politique aux groupes qui composent la société et à produire une représentation de celle-ci[4].

Ces phénomènes sont davantage un problème pour la gauche que pour la droite qui a d’autres ressources et capitaux (les médias, la haute fonction publique, les institutions d’État, la proximité avec le monde économique…). La gauche manque peut-être moins d’idées que de médiations (partisane, syndicale…) pour les promouvoir et construire une majorité sociale qui pourrait s’y rallier et de manière plus générale politiser la société. La capacité de mobilisation des appareils partisans, anémiés, est devenue très faible. Plus ils se nécrosent plus ils défendent leurs intérêts (locaux principalement). Le sort électoral de gauche à l’élection présidentielle de 2022 dépend de corporatismes d’appareil. En se révélant incapable de réinventer la forme partisane, même sous une forme « gazeuse », la gauche s’est désarmée. La rétraction des partis n’est pas pour rien dans le dépérissement de la culture de gauche. La tentation est par ailleurs grande de renoncer à la forme partisane à mesure que décline le militantisme et que l’idée s’impose que la politique se joue dans les médias et sur les réseaux sociaux (que pèse un tractage face à une conversation avec Jean-Luc Mélenchon diffusée sur YouTube ?). S’est développée aussi une grande méfiance à l’égard de la bureaucratisation (pente naturelle des partis) et des mécanismes de délégation politique. Les partis sont une forme politique ambiguë : ayant contribué à l’entrée des masses dans la politique, ils ont été un outil de démocratisation, mais ils ont aussi assuré la captation du pouvoir par les élites et la professionnalisation de la politique qui s’est accentuée ces dernières décennies (la tendance oligarchique).

L’action durablement organisée (sous la forme de partis à réinventer) n’a pourtant rien perdu de sa nécessité politique et structurelle. La gauche ne peut se passer du parti, entendu comme lieu d’élaboration démocratique où se tranchent des débats d’orientation idéologique et stratégique mais aussi comme lieu de mémoire et de transmission, qui permettent à une génération de transmettre à la suivante son savoir pratique des luttes (victorieuses ou perdues)[5]. En dépit des opportunités offertes par les réseaux sociaux et Internet et de la progression du niveau d’éducation, la gauche ne peut faire l’impasse sur la continuité dans l’action et donc sur les organisations. L’incapacité de Nuit debout ou des Gilets jaunes à construire une dynamique dans la durée l’a bien illustré[6]. L’horizontalité totale est une illusion, elle ne peut être un horizon durable de transformation des rapports sociaux et politiques. Mais comme il est illusoire de restaurer la classe ouvrière, il est vain de réhabiliter le parti de masse. Que sont devenus les partis politiques de gauche et comment réinvestir et réinventer la forme partisane ?


Ce que sont devenus les partis de gauche

Les partis traditionnels de gauche (Parti socialiste, Parti communiste et, dans une moindre mesure, écologiste) se sont largement évidés et électoralisés[7]. La fonction électorale y prend le pas sur la fonction agrégatrice et canalisatrice des intérêts sociaux. Leur capacité de rayonnement social s’est considérablement affaiblie. Le déclin de leurs effectifs militants en est la manifestation le plus criante. Vingt mille militants ont participé au congrès du PS à Villeurbanne (le nombre de militants a été divisé par dix en dix ans). À Lille, bastion historique socialiste qui comptait plus d’un millier de militants au début des années 2000, les seuls militants présents sur le terrain lors des élections municipales de 2020 sont les colistiers de Martine Aubry. Trente mille militants ont voté lors du dernier congrès du PC. EELV compte à peine 10 000 adhérents (ce qui a fortement incité EELV à organiser des primaires ouvertes en octobre 2021). La sociabilité militante (fêtes de section…) a quasiment disparu. La matrice du militantisme est devenue principalement familiale (on est socialisé à l’engagement par des parents militants). Le poly-engagement (associatif, syndical…) s’est lui aussi beaucoup affaibli. On observe une rétraction générale de ces milieux partisans : les « mondes » de la gauche (associatif, syndical, intellectuel, culturel, enseignant, ouvrier…) se sont largement désarticulés depuis les années 1970. Les partis de gauche ne sont plus le creuset de rapprochements sociaux ou d’alliances (de fractions) de classes populaires et moyennes intellectuelles.

Les processus de formation et de promotion des militants d’origine populaire qui existaient au PCF n’existent plus dans aucun parti. Le Parti socialiste, même dans ses fédérations les plus populaires (Nord, Pas-de-Calais), s’est éloigné des milieux modestes et a perdu une large part de son audience dans un monde enseignant qui s’est lui-même beaucoup transformé[8]. Les partis de gauche (le PS, EELV mais aussi dans une large mesure le PCF) sont devenus le lieu d’un entre-soi de professionnels de la politique ou d’aspirants à l’élection, le plus souvent issus des catégories sociales diplômées[9]. Le PS avant sa débâcle de 2017 était un agrégat d’écuries présidentielles. Les courants n’y étaient plus depuis les années 2000 des creusets idéologiques. Les partis réunissent désormais surtout des agents directement « intéressés » à l’obtention de profits électoraux ou professionnels. Leur rationalité électorale prend le pas sur d’autres logiques (intégration sociale, sociabilité, construction idéologique, politisation de la société). Les élections locales constituent le principal horizon électoral.

Ce qu’il reste du PS c’est avant tout des réseaux d’élus locaux (dans les grandes villes de France : Marseille, Lille, Nantes, Rennes… et dans cinq régions). Le PCF s’est rétracté sur ses réseaux d’élus qui contribuent à son maintien dans quelques territoires désormais bien circonscrits. Julian Mischi a montré que la socialisation des cadres du PCF passe désormais bien moins par les réseaux syndicaux et le monde du travail que par les institutions liées au parti (municipalités, réseaux des professionnels de la gestion locale, cabinets, le quotidien L’Humanité…)[10]. EELV, avant de s’effondrer lors des derniers scrutins, était devenu ce que Noël Mamère a qualifié de « syndicat d’élus » et de « firme »[11]. Depuis 2017, aux élections européennes, municipales et régionales, il a accru la part de ses élus.

Ce poids des élus a de multiples conséquences sur les partis. Il y fait prévaloir les intérêts électoraux et professionnels des élus qui vivent de et pour leurs mandats. L’économie morale des partis s’en trouve affectée, marquée par des luttes de pouvoir qui mettent à distance les militants les plus « désintéressés ». Les élus cherchent à se démarquer de partis dont le discrédit national est renforcé. On l’a vu aux dernières municipales de 2017 où les candidats ont très peu mis en avant leur étiquette partisane[12]. Les réseaux d’élus contribuent ainsi à gauche à une forme de dépolitisation partisane par le bas alors que, dans le modèle du socialisme municipal ou du communisme municipal, les positions locales, à l’avant-garde du « progrès social », étaient censées constituer des laboratoires de changement social et des éléments de politisation des milieux populaires. Machines électorales professionnalisées, dominés par un électoralisme local pragmatique, les partis désinvestissent leur fonction idéologique. L’activité programmatique se technicise, accélérant un processus de désintellectualisation des organisations.


L’impasse du « gazeux »

C’est contre le modèle organisationnel du Parti socialiste que Jean-Luc Mélenchon crée La France insoumise (LFI) en 2016. Au départ il s’agit d’un mouvement tourné vers la campagne de l’élection présidentielle. Laissant de fortes capacités d’initiative au terrain, et profitant de la mobilisation que favorise la dynamique présidentielle, LFI rassemble rapidement plus de 400 000 adhérents (un simple clic sans cotisation permet d’adhérer via une plateforme numérique). Mais l’élection passée, Jean-Luc Mélenchon refuse de normaliser l’organisation et cherche à conserver son caractère mouvementiste. Il théorise le caractère « gazeux » d’une organisation qui n’a ni statuts, ni direction formelle, ni forme de démocratie interne classique (congrès où des textes d’orientation sont tranchés par des votes), ni structures locales bien identifiées (pas d’échelons départementaux, des groupes non municipalisés, au moins au départ). Il s’agit d’être « tourné vers l’action » et d’éviter la bureaucratisation et le « nombrilisme » (les débats internes « stériles » qui épuisent les énergies militantes) et de favoriser l’auto-organisation locale (dans les quartiers notamment).

Le mouvement (qui est juridiquement un parti[13]) est cependant rapidement confronté à des épreuves et des difficultés[14]. On observe une forte démobilisation militante à la base. Les « insoumis » venus principalement par la campagne présidentielle désinvestissent le mouvement mais le phénomène affecte aussi les adhérents aux plus fortes appétences d’engagement. Les groupes locaux ont très peu de moyens financiers (ils sont centralisés et en partie épargnés pour préparer la prochaine élection présidentielle). Des expériences militantes innovantes sont expérimentées comme le community organizing (à Marseille notamment) mais très vite elles se heurtent à l’absence de structures formelles du mouvement pouvant servir de points d’appui. LFI ne prend pas dans les « quartiers ». La « tyrannie de l’absence de structure[15] », qui permet au leader de verrouiller l’organisation et qui entraîne des phénomènes de cour autour de lui[16], emporte des effets censitaires puissants. Elle favorise les cadres du mouvement qui ont accumulé du capital militant[17] (ceux qui sont issus du Parti de gauche) et/ou qui possèdent un fort capital scolaire ou universitaire ou du temps (les étudiants de sciences politiques sont surreprésentés à Paris, Lille, Rennes, Brest, Annecy…). Le « gazeux » permet d’être réactif et « efficace » mais il génère des hiérarchies informelles sans permettre au pluralisme de s’organiser. La sociologie du mouvement populiste n’est absolument pas populaire (la formation des militants a été une préoccupation rapidement abandonnée). Les élections locales sont un échec cuisant pour LFI dont l’ancrage territorial est très faible. LFI a essayé sans grand résultat de constituer des listes citoyennes tournées vers les milieux populaires. L’échec des élections locales est aussi lié à l’absence de démocratie interne[18]. Cette dernière n’est pas problématique tant qu’il n’y a pas de candidats à désigner. Elle le devient lorsqu’il faut distribuer des investitures aux élections. Or les procédures sont à la fois centralisées et relativement opaques[19]. Elles suscitent beaucoup de mécontentement et de désengagement militant[20].

L’absence de démocratie interne provoque aussi des exit liés aux évolutions de la ligne du mouvement. Cette dernière est fixée lors des réunions du groupe parlementaire (« bureau politique improvisé », selon l’expression de Jean-Luc Mélenchon) et surtout par le leader du parti (même s’il n’en a pas le titre officiel…) qui n’a de comptes à rendre à personne. Immanquablement des désaccords sur l’orientation du mouvement surgissent (ce qui est la routine dans les partis). C’est le cas notamment autour de la question de l’Europe et de la laïcité. L’absence de lieux de débat et de vote (outre des consultations en ligne sur des sujets consensuels qui prennent souvent la forme de plébiscites) nuit à l’ouverture de débats sereins entre des stratégies contradictoires. De nombreux partisans de la ligne souverainiste et populiste, cadres très expérimentés, quittent le parti au moment des élections européennes (Charlotte Girard[21], responsable du programme en 2017, Manon Le Bretton, François Cocq…). D’autres départs sont liés à l’évolution sur le rapport à la laïcité qui n’a pas fait l’objet de débats internes. Alors que le mot « islamophobie » était proscrit à LFI en 2017 et 2018, il devient d’usage courant en 2019. La question des discriminations occupe une place nouvelle, ce qui suscite la désaffection des militants « laïcards ».

Le mouvement est confronté à une dernière difficulté : la baisse du crédit politique de son leader, Jean-Luc Mélenchon, dans l’opinion que l’on a déjà évoquée. LFI s’apparente à ce que les politistes appellent un « parti personnel[22] ». Il a été créé pour et par une personnalité qui y joue un rôle central, concentre la communication et l’attention et qui est tourné vers un objectif central (la conquête du trophée présidentiel). LFI est une communauté charismatique même si, lors de la campagne présidentielle de 2022, les jeunes députés qui ont fait leurs armes à l’Assemblée sont mis en avant (Adrien Quatennens ou Mathilde Panot). Les partis personnels sont très vulnérables en ce sens qu’ils dépendent fortement du capital politique de leur leader. Or il s’est démonétisé après le scandale des perquisitions et une série de déclarations controversées jugées outrancières par de nombreux commentateurs politiques. « Comme la forme-parti a son problème bureaucratique, la forme-mouvement a, structurellement, son problème charismatique[23]. » Jean-Luc Mélenchon est un atout en 2017. Sa stature est plus fragile en 2022.

Les cadres de LFI sont largement conscients des défauts de l’organisation qu’ils assument. Le mouvement est présenté comme le meilleur rapport « coûts-avantages » lors d’un entretien avec Adrien Quatennens, coordinateur du mouvement à partir des élections européennes[24]. Des dizaines d’entretiens que nous avons réalisés, il ressort la volonté de « voyager léger », de ne pas s’embarrasser d’une organisation qui risque d’échapper à ses dirigeants, la faible importance accordée au niveau local, la place centrale dévolue au mouvement et à la parole de son leader dans les médias ou les réseaux sociaux. C’est sans doute une des limites du « populisme ». Il accorde un rôle prépondérant au discours du leader dont la puissance performative conduit à faire l’économie des mobilisations partisanes et populaires par le bas. Si Jean-Luc Mélenchon n’a pas voulu construire une organisation durable, c’est qu’elle est indexée sur son temps politique (2022 est sa dernière candidature à l’élection présidentielle). La France insoumise a d’ailleurs quasiment disparu lors de la campagne de 2022. Une autre marque est mise en avant, l’Union populaire. Serait-on entré dans l’ère des partis intermittents et kleenex ?


Quelle forme partisane ?

Comment réinvestir et réinventer la forme partisane sans la fétichiser et céder à une forme de nostalgie pour le modèle du parti de masse qui ne peut plus constituer un horizon réaliste ? Comment réencastrer les partis dans les milieux populaires pour les politiser ? La tâche est immense, ardue, peut-être hors de portée. Entre le « gazeux » non démocratique et le parti professionnalisé et notabilisé, il y a sans doute néanmoins d’autres options possibles, plus démocratiques, et la place pour un parti renforçant son ancrage dans la société. Peut-il y avoir une politique émancipatrice ou démocratique sans manière démocratique et émancipée de faire de la politique ? Gramsci écrivait du « parti des opprimés » qu’il avait trois fonctions essentielles : organiser, éduquer, expérimenter. Cette réflexion est toujours d’actualité mais plus que jamais les partis doivent innover, sortir de leurs routines, conjurer leur pente oligarchique, faire preuve d’imagination politique pour se régénérer.

Une première piste tient à leur désélectoralisation. Les partis ne sont principalement que des machines électorales, on l’a vu, y compris à LFI (Jean-Luc Mélenchon a théorisé « la révolution par les urnes »). La gauche ne se situe plus au-delà de l’expression électorale (tropisme localiste pour les uns, en bas, obsession présidentialiste pour les autres, en haut). LFI est hostile à la présidentialisation mais son ethos en est fortement imprégné. Or l’élection est devenue un moment privilégié de reproduction de l’oligarchie gouvernante. Le surinvestissement dans le jeu électoral se fait au détriment de la construction pas à pas d’une contre-culture, de réseaux de sociabilité, de solidarités concrètes, bref, de bouts de contre-société. Toutes les énergies militantes sont absorbées par la conquête du pouvoir par les élections. Certes la gauche ne doit pas renoncer à la conquête du pouvoir et elle se joue (en partie) dans les urnes. Mais la victoire électorale ne peut advenir sans doute qu’au terme d’une construction politique de plus grande envergure. Il faut revenir aussi à la distinction que faisait Léon Blum entre exercice et conquête du pouvoir. La conquête du pouvoir ne découle pas forcément de la victoire électorale. Obtenir 25 % des voix au premier tour donne l’illusion de prendre le pouvoir alors que cela ne conduit pas nécessairement à bouleverser l’ordre social…

Désélectoraliser, c’est accorder moins d’importance aux élections et s’inscrire dans le temps de la construction idéologique ou de l’ancrage social, c’est aussi déprofessionnaliser la politique en interne (limiter le cumul des mandats dans le temps par des règles internes, développer plus de diversité sociale dans le profil des candidats…). Des leviers législatifs existent (dès lors que la gauche accède aux responsabilités) en jouant sur le financement public des partis. On peut conditionner celui-ci à la sélection de candidats issus des milieux populaires ou à des obligations de formation politique par les partis[25]. Refaire des partis des lieux de débat, réinvestir la question de la « doctrine » en associant les intellectuels autrement que comme des cautions est une autre piste.

Une deuxième piste, liée à la première, est la construction d’« utopies concrètes », comme nous y invite Erik Olin Wright. Face à l’impuissance de la gauche, le sociologue ne croit plus au grand soir. Il propose des « stratégies d’érosion du capitalisme », par le haut et par le bas, en investissant toutes les zones et pratiques déjà existantes où la vie et la production s’organisent de manière non capitaliste (l’entreprise, la famille, les associations…). Ce n’est pas le retour à une stratégie platement sociale-démocrate mais une dissémination « possibiliste » (retour salutaire aux utopies socialistes du xixe) de toutes les perspectives de changement là où elles peuvent trouver prise. Cette stratégie de la brèche et de l’auto-organisation que l’on trouve chez les convivialistes suppose de former des acteurs collectifs ayant une capacité de lutte et d’action suffisante pour l’inscrire dans la durée (les partis notamment). Le (néo)municipalisme constitue ainsi un laboratoire que les partis politiques peuvent réinvestir[26]. Les partis peuvent aussi de manière plus modeste reconstruire des formes de solidarité concrètes qui n’ont en rien perdu de leur légitimité (soutien scolaire, aide juridique aux plus démunis, collectes…). Renouer avec un « parti de services » marqué par l’esprit coopératif est une voie intéressante[27].

La troisième piste est d’ouvrir les partis sur la société civile et de sortir d’une logique d’entre-soi. La tâche n’est pas simple. Les partis ne peuvent plus susciter des loyautés comme celle qui caractérisait les partis de masse. Mais doivent-ils renoncer à enrôler et mobiliser des militants ? Il ne faut pas sous-estimer l’appétence pour le militantisme dans la société. Il y a des exemples à suivre à gauche comme le Parti du travail de Belgique (PTB) qui est passé de 1 000 membres au début des années 2000 à 24 000 aujourd’hui[28]. Tout se passe comme si les partis ont organisé et assumé leur propre « démilitantisation ». L’engagement apparaît moins distancié (individualiste, labile…) que mis à distance par les partis parce que jugé inutile, inefficace ou encombrant (les militants sont souvent considérés par leurs dirigeants comme trop radicaux politiquement). Les partis semblent avoir abandonné toute politique significative d’adhésion et clairement l’ambition d’être des organisations de masse. Ils pratiquent une forme d’auto-restriction des répertoires d’action militante qu’ils proposent. Renouer avec le volontarisme en matière de recrutement militant n’est pas une cause perdue.

La difficulté est de revaloriser le militantisme sans négliger l’ouverture aux sympathisants. Les primaires ouvertes ont montré qu’elles pouvaient être mobilisatrices et régénératrices mais aussi périlleuses et dévaluer le militantisme (à quoi bon adhérer dans les partis ?). La formule de primaires plus délibératives et procéduralisées est une piste. Les partis peuvent offrir une palette d’implications différentes, un engagement à multiples vitesses comme l’a théorisé la politiste américaine Susan Scarrow (donner de nouveaux droits aux sympathisants sans brader ceux des adhérents, accorder le statut de volontaires au moment des campagnes électorales…). La déterritorialisation du militantisme est aussi une manière de régénérer les partis (favoriser des bases d’adhésion par des entrées thématiques : liées à des causes, des secteurs de la société…). Le parti peut enfin jouer le rôle de facilitateur et d’incubateur de participation démocratique pour renforcer le pouvoir d’agir des citoyens (promouvoir et outiller des formes de community organizing). Il viendrait ainsi en appui de causes diverses (conflits du travail locaux…), de mouvements sociaux, de mobilisations et pourrait appuyer leur rôle de contre-pouvoir (ce qui suppose une nouvelle relation avec les élus locaux et de rompre avec une méfiance à l’égard des milieux populaires)[29].

Une coupure entre les partis de gauche et les mouvements sociaux (dont on a analysé pourtant la vitalité) s’est installée. L’impasse stratégique et organisationnelle de la gauche officielle nourrit la croyance dans la gauche mouvementiste qu’il n’y a rien à attendre de la démocratie représentative et des élections. Se creuse ainsi un autre fossé, entre le mouvement social et la politique électorale. Un des enjeux pour la gauche est la construction de convergences des luttes et une meilleure articulation entre les divers pôles et composantes de la gauche (partis, intellectuels, syndicats, mouvements sociaux…). L’idée de « luttes sociales » qui devraient trouver leur « débouché politique » est problématique. Certes, ces luttes doivent se chercher un prolongement institutionnel et partisan mais cette idée de « débouché politique » laisse faussement penser que les luttes en question ne seraient pas politiques… et que les partis ont le monopole de la politique. Aurélie Trouvé propose de construire un nouveau « bloc arc-en-ciel[30] » en s’appuyant sur trois leviers et chantiers : la planification écologique et sociale, la relocalisation solidaire et la socialisation démocratique pour reprendre le contrôle, étatique ou collectif, de services d’intérêt général comme le système bancaire, l’énergie ou les transports. Encore faut-il déjouer les méfiances réciproques et les suspicions d’instrumentalisation. Dans les mouvements sociaux liés à la gauche, la prise de conscience s’est affirmée de la nécessité de faire alliance pour être efficace. Mais perdure la méfiance vis-à-vis d’une « convergence des luttes », potentiellement source d’occultation des divergences entre militants et revendications, ainsi que des hiérarchies et luttes pour l’hégémonie[31].


Illustration : Ilya Repine, « Quelle liberté ! », 1903. Musée russe de Saint-Petersbourg.


Notes

[1] Robert Michels, Sociologie du parti dans la démocratie moderne. Enquête sur les tendances oligarchiques de la vie des groupes, traduit de l’allemand, présenté et annoté par Jean-Christophe Angaut, Paris, Gallimard, « Folio essais », 2015 (1re éd. 1925).

[2] Samuel Hayat, Démocratie, Paris, Anamosa, 2020.

[3] Rémi Lefebvre et Frédéric Sawicki, La Société des socialistes…, op. cit., et Igor Martinache et Frédéric Sawicki (dir.), La Fin des partis ?, Paris, PUF, « La Vie des idées », 2020.

[4] Rémi Lefebvre, Les Mots des partis, Toulouse, Presses universitaires de Toulouse, 2022.

[5] « Anticapitalistes, comment rebondir ? », Contretemps, 15 avril 2021.

[6] Rémi Lefebvre, « Les Gilets jaunes et les exigences de la représentation politique », La Vie des idées, 10 septembre 2019.

[7] Rémi Lefebvre, « Des partis en apesanteur sociale ? », in Igor Martinache et Frédéric Sawicki (dir.), La Fin des partis ?, op. cit.

[8] Rémi Lefebvre et Frédéric Sawicki, « Pourquoi les enseignants français tournent-ils aujourd’hui le dos à l’engagement politique ? », in Lorenzo Barrault-Stella, Brigitte Gaïti et Patrick Lehingue (dir.), La Politique désenchantée ? Perspectives sociologiques autour des travaux de Daniel Gaxie, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Res publica », 2019.

[9] Par exemple, Rémi Lefebvre et Frédéric Sawicki, La Société des socialistes…, op. cit.

[10] Julian Mischi, Le Communisme désarmé. Le PCF et les classes populaires depuis les années 1970, Marseille, Agone, 2014.

[11] Le Monde, 26 septembre 2013.

[12] Rémi Lefebvre, « Municipales 2020 : les partis politiques, invisibles et omniprésents », La Vie des idées, 23 juin 2020.

[13] En 2018, la formation politique a perçu 4,5 millions d’euros de dotation publique, ce qui représente alors 83 % de ses ressources.

[14] On s’appuie ici sur une enquête sur LFI menée depuis 2017. Pour une première présentation des résultats, Rémi Lefebvre, « Vers une dé-démocratisation partisane ? Une approche comparée de La France insoumise et de La République en marche », Politiques et Sociétés, à paraître, 2022.

[15] Jo Freeman, « The Tyranny of Structurelessness », Jofreeman.com, 1971-73.

[16] Manuel Cervera-Marzal, Le Populisme de gauche. Sociologie de la France insoumise, Paris, La Découverte, 2021.

[17] Frédérique Matonti et Franck Poupeau, « Le capital militant. Essai de définition », Actes de la recherche en sciences sociales, 155, 2004.

[18] Il est difficile et hasardeux de donner des droits à des adhérents qui peuvent intégrer le mouvement sans filtre…

[19] Rémi Lefebvre, « Enjamber le scrutin local. La France insoumise et les élections municipales de 2020 », in Arthur Delaporte, Anne-Sophie Petitfils et Sébastien Ségas (dir.), Les partis font-ils encore la campagne ? La place des organisations partisanes durant les élections municipales de 2020, Lille, Septentrion, 2022.

[20] Manuel Cervera-Marzal estime à 20 000 le nombre de militants ou d’adhérents actifs.

[21] Selon elle, « on ne peut pas ne pas être d’accord à LFI » (entretien, 15 avril 2019).

[22] Glenn Kefford et Duncan McDonnell, « Inside the personal party: Leader-owners, light organizations and limited lifespans », The British Journal of Politics and International Relations, 20(2), 2018.

[23] Jacques Bidet, « Eux » et « nous » ? Une alternative au populisme de gauche, Paris, Kimé, 2018.

[24] Le 11 mars 2019.

[25] Julia Cagé, Libres et égaux en voix, Paris, Fayard, 2020.

[26] Marion Carrel, Paula Cossart, Guillaume Gourgues et al., « Éditorial. La révolution commence-t-elle par le local ? Expérimentations communales et dilemmes stratégiques », Mouvements, 2020/1 (no 101), p. 7-11, et Rémi Lefebvre, « Quelles leçons historiques et politiques tirer du municipalisme ouvrier ? », ibid., p. 106-115.

[27] Voir les propositions de Gaël Brustier et David Djaïz, « Les outils du combat culturel. Dix propositions pour le parti socialiste », Fondation Jean Jaurès, 12 septembre 2013.

[28] Actuellement, sur les douze élus à la Chambre des députés, quatre sont ouvriers/ouvrières.

[29] Antonio Delfini, Julien Talpin et Janoé Vulbeau (dir.), Démobiliser les quartiers. Enquêtes sur les pratiques de gouvernement en milieu populaire, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2021.

[30] Aurélie Trouvé, Le Bloc arc-en-ciel. Pour une stratégie politique radicale et inclusive, Paris, La Découverte, 2021.

[31] Réjane Sénac, Radicales et fluides. Les mobilisations contemporaines, Presses de Sciences Po, « Essai », 2021.
CONTRETEMPS:  REVUE DE CRITIQUE COMMUNISTE