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ENTRETIEN AVEC BERTRAND PÉRICAUD: « IL FAUT SAVOIR CONSTRUIRE DE NOUVEAUX RÉSEAUX


 

Menaces publiques de coup d’État militaire : la CGT appelle à la vigilance et exige une enquête approfondie




Menaces publiques de coup d’État militaire : la CGT appelle à la vigilance et exige une enquête approfondie

Le 21 avril dernier, date anniversaire de la tentative de putsch des généraux pendant la guerre d’Algérie et de la première qualification de l’extrême droite au second tour de la présidentielle, le site du journal d’extrême droite Valeurs actuelles a publié un texte, signé par 20 anciens généraux, concluant sur une menace de coup d’État militaire.

Enjoignant le gouvernement à faire preuve de plus de fermeté à l’égard d’ « un certain antiracisme », « de l’islamisme et des hordes de banlieue », cet appel décrit un pays qui serait au bord de la guerre civile et se termine sur une menace d’intervention des forces armées « dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles et de sauvegarde de nos compatriotes sur le territoire national ».

Ce texte est cosigné par plus d’un millier d’autres personnes dont les noms ont été publiés avec leurs grades militaires.

Vendredi 23 avril, la présidente du Rassemblement national (RN) a salué le « courage » des auteurs de cette lettre ouverte et les a appelés à la rejoindre, dans le cadre de sa campagne présidentielle.

Ce n’est que le dimanche 25 avril, dans la soirée, que la ministre de la Défense a réagi, qualifiant ce texte séditieux d’ « irresponsable » et en minimisant sa portée, au motif que cette initiative serait limitée à des militaires retraités.

Pour la CGT, cette menace publique de putsch revêt un caractère d’une exceptionnelle gravité.

La neutralité de l’armée et sa subordination au pouvoir civil sont des principes républicains avec lesquels il ne peut être question de transiger. Les forces armées ont un rôle de défense et de maintien de la paix et ne doivent, en aucun cas, intervenir dans la vie politique.

La réaction de la présidente du RN confirme d’ailleurs combien son idéologie est antinomique des fondements de notre République. Le développement des thèses d’extrême droite au sein des forces armées appelle une réaction forte.

Cette affaire confirme la nécessité de renforcer le contrôle citoyen des domaines touchant à la défense. La CGT souligne, à ce propos, que le Conseil supérieur de la réserve militaire, au sein duquel elle siège, n’est plus réuni à la fréquence prévue par les textes. Il s’agit pourtant d’un lieu essentiel d’intervention citoyenne et de l’indispensable lien Armée-Nation. C’est à ce même titre que la CGT se prononce pour que le droit à la
syndicalisation dans un cadre confédéré soit reconnu pour les militaires.

Les autorités exécutives et judiciaires doivent d’urgence diligenter les enquêtes et procédures qui s’imposent concernant ce réseau subversif d’extrême droite, ses possibles ramifications au sein des forces armées et ses liens avec des forces politiques, au premier rang desquelles le Rassemblement national.

Fidèle à son combat pour la démocratie, indissociable de la lutte pour la défense des intérêts des travailleuses et travailleurs, la CGT appelle à la vigilance et à poursuivre les mobilisations contre le racisme et les idées d’extrême droite.

Montreuil, le 26 avril 2021






La crise (ou pas) de l’atome




L’atome c’est mort. Fini. Terminé. Obsolète. Trop cher. Trop dangereux. Plus personne n’en veut. C’est le message lancé, une fois de plus, par des experts auto-proclamés, en particulier Mycle Schneider et son rapport World Nuclear Industry 2020. Traduction journalistique courante : c’est «l’hiver nucléaire» pour cette industrie, assène dans Libération mon collègue Jean-Christophe Féraud. Mais un élément met la puce à l’oreille, cette citation de Mycle Schneider recueillie par Féraud : «Globalement, c’était une industrie qui était déjà en crise grave avant les événements de Fukushima».

Autrement dit, avant et après l’accident japonais, c’est pareil, l’atome vit ses derniers instants. Quand on se rappelle l’euphorie malsaine qui a sévi dans l’industrie nucléaire française durant les années 2000, en partie à l’origine de gestions désastreuses, comme celle d’Areva par Anne Lauvergeon, on se dit que, pour certains experts, le message doit être toujours le même, même quand la réalité change.

Expert critique 

Jean-Christophe Féraud, pas dupe, qualifie d’ailleurs Mycle Schneider «d’expert critique». Là, je perds mon latin journalistique. Je sais ce qu’est un expert scientifique, un expert judiciaire, et surtout un expert participant à une structure collective pérenne ou temporaire d’expertise publique créée en général par une autorité politique (voir les multiples agences d’expertise des risques technologiques, sanitaires, environnementaux dont… l‘Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et l‘Autorité de Sûreté Nucléaire). Mais un « expert critique », je ne vois pas. Critique de ses pairs, eux-aussi experts ? Alors, il y faut la « disputatio » académique, fondée sur des arguments rationnels et réfutables, où l’honnêteté intellectuelle et la rigueur des raisonnement sont de règle. Mais chacun dans son coin, où est la « disputatio » ?

Appétit médiatique

Essayons le contraire. Un expert non-critique ? Donc dénué de capacité d’analyse ? Ou aveuglé par son idéologie (voire corrompu) ? Il y aurait donc surtout des expertises non-critiques incompétentes ou corrompues ? On en trouve en effet de multiples exemples lorsque des puissances industrielles achètent des consciences, de scientifiques notamment, pour tromper l’opinion publique sur le tabac, les perturbateurs endocriniens ou le changement climatique (voir l’excellent documentaire « La fabrique de l’ignorance » sur ARTE). Mais où serait l’expertise corrompue sur l’état de l’industrie nucléaire civile ? Tromper sur le nombre de réacteurs existants ou en construction, leur production d’électricité, les bilans comptables de cette activité, tout cela est dénué d’intérêt pour quiconque.

Le rapport de Mycle Schneider est pour l’essentiel constitué d’informations factuelles non contestables, bien sourcées, exhaustives. Donc, ce n’est pas là le problème, la « critique ». Elle porte plutôt sur les conclusions qui en sont tirées. Et notamment sous la forme d’un discours destiné au grand public. Celui de Mycle Schneider veut à tout prix vendre la chute finale de l’atome pour l’électricité au niveau mondial. Parce que c’est son souhait. Il rencontre l’appétit médiatique pour le simplisme. Et c’est parti. Dommage pour l’information, comme très souvent lorsque la réalité est fortement contrastée et ne peut donc s’analyser et se présenter que sous une forme nuancée.

Avis au lecteur : cet article ne comporte aucun argument « pour » ou « contre » l’énergie nucléaire. Il peut donc être lu sans crainte par les militants des deux camps. Il ne contribuera qu’à leur niveau d’information sur ce qui existe.

Sans baratin

Mais commençons par régler son compte à « l’hiver nucléaire ». Sans baratin. Juste une liste de faits récents qui contredisent l’affirmation.Les deux réacteurs chinois Hualong One de Karachi, l’un est déjà relié au réseau électrique, l’autre (premier plan) est en phase finale de construction. (Image: CNNC)

Le 18 mars dernier, à 21h37 heure locale, le réacteur Kanupp-2, à Karachi au Pakistan, avait sa première connexion au réseau électrique du pays. Un réacteur dont la construction avait commencé en août 2015. De 1100 MW de puissance électrique. De technologie chinoise, développée à partir des réacteurs français de 900 MW, c’est le premier réacteur de 3ème génération baptisé Hualong-One construit hors de Chine. Il devrait être le cheval de bataille des industriels chinois pour les décennies à venir. Pour l’accélération de la construction de réacteurs en Chine, qui deviendra en quelques années le plus gros producteur d’électricité d’origine nucléaire au monde. Le premier Hualong One, Fuqing-5, a été connecté au réseau novembre 2020. Mais aussi pour l’exportation. C’est ce réacteur qui est ainsi proposé par China General Nuclear et EDF pour le site de Bradwell en Grande-Bretagne.

Kakrapar

Les reacteurs Kakrapar-3 et Kakrapar-4 en Inde. (Image: NPCIL)

Le 10 janvier 2021, c’était Kakrapar-3, un réacteur à eau lourde de conception indienne de 630 MWe, qui était relié au réseau électrique, après un premier béton coulé en 2010. Il se trouve dans le district de Surat (Gujarat). A sa mise en service, le gouvernement indien a salué cet exemple de «make in India». L’Inde prévoit de construire 21 nouveaux réacteurs, dont 10 du type de Kakrapar, d’ici 2031.

Le 22 mars dernier, le réacteur VVER-1200 Leningrad II-2 est entré en service commercial. Ce réacteur de 3ème génération remplace un vieux RBMK arrêté après 45 ans de fonctionnement. Rosatom s’est lancé à l’exportation avec le VVER-1200 et construit une centrale de quatre réacteurs à Akkuyu en Turquie dont le premier béton date de 2018 pour le premier, le chantier du dernier devant démarrer en 2022. Le temps moyen de construction est estimé à 5 ans et les mises en service devrait s’étaler de 2023 à 2026. Au Bélarus (ex Biélorussie), un VVER-1200 amélioré est entré en service en novembre 2020 et atteint sa pleine puissance en janvier dernier, un deuxième est sur le point d’être couplé au réseau.

A cette occasion, Rosatom souligne ses projets en Egypte, Finlande et Hongrie. Pour sortir du charbon et remplacer ses vieux réacteurs, la Hongrie, dont l’électricité est nucléaire à près de 50%, prévoit en effet la construction de deux réacteurs VVER-1200 à Paks, à 100 km de Budapest. En Russie, ce réacteur sera un des moyens d’atteindre l’objectif gouvernemental de hisser la part du nucléaire de 20% – avec 38 réacteurs en opération – à 25% d’ici 2045 (15% en 2000). D’où la perspective de construire 24 nouveaux réacteurs, en plus des trois en construction, annonce Rosatom.

BarakahLe réacteur n°2 de la centrale de Barakah aux Emirats Arabes Unis. (Image: ENEC)

En août 2020, aux Emirat Arabes Unis, le premier des quatre réacteurs prévus à la centrale de Barakah a été mis en service. Cette centrale est construite par les industriels coréens (Kepco). Le deuxième réacteur a été chargé en combustible nucléaire le 15 mars dernier.

En Europe, la construction des deux réacteurs EPR de la centrale de Hinkley Point, par EDF, se poursuit malgré les ralentissements dus à l’épidémie de Covid-19. En contraste avec les chantiers cauchemardesques des EPR d’Olkiluoto et de Flamanville. L’EPR finlandais vient toutefois de recevoir l’autorisation de charger son combustible nucléaire et devrait démarrer début 2022. Le démarrage de Flamanville est prévu pour 2023 aprèsle feu vert de l’Autorité de Sûreté Nucléaire pour la réparation des soudures non conformes par un système robotisé.Salle de commande du réacteur à neutrons rapides chinois CEFR. (Image: CIAE)

Il serait possible de continuer cette liste de faits encore longtemps, avec des investissements, des recherches sur des nouveaux types de réacteurs (les SMR, Small modular reactor, qui font l’objet d’une forte mobilisation aux Etats-Unis (ici aussi avec Nuscale), au Canada, et en Grande-Bretagne, les réacteurs à neutrons rapides en fonctionnement ou en construction en Russie et en Chine). Mais arrêtons là, et considérons que ces faits suffisent : non il n’y a pas de glaciation mondiale de l’industrie électronucléaire.

Se porte t-elle bien pour autant ? La seule réponse correcte et sincère à cette question est celle d’un normand : ça dépend. De qui et de quoi vous parlez.

situation indécise

Car la réalité actuelle de l’industrie nucléaire mondiale est la juxtaposition de trajectoires divergentes, stables ici, en suspens de décisions là, en chute libre là, et en croissance vigoureuse ailleurs. Et comme les lieux de chute libre et de croissance vigoureuse ne sont pas de même importance – dans les deux cas petits ou grands pays – le bilan final n’est pas aisé à décrire. Surtout lorsqu’il faut soigneusement distinguer le présent et le futur.
La répartition des réacteurs nucléaires dans le monde (source).

Le présent, c’est la production d’électricité nucléaire : au plan mondial, elle est stable depuis longtemps, les arrêts de réacteurs étant compensés par les mises en service. Donc, pas « d’hiver nucléaire » là non plus. Pas de croissance itou.


L’évolution de la production d’électricité d’origine nucléaire dans le monde, par régions, depuis le début. Noter la courbe d’Asie qui montre que les arrêts des réacteurs japonais après l’accident de Fukushima Dai Ichi en 2011 ont été totalement compensés par les mises en service en Chine qui a multiplié par 5 sa production depuis 2011. Source ; PRIS

Le futur ce sont les arrêts inéluctables des réacteurs actuels, même si aux Etats-Unis des autorisations pour 60 ans de fonctionnement, voire plus, sont accordées, et la construction de nouveaux. Les seconds seront-ils plus nombreux, ou leur production plus importante, que les premiers ? Mycle Schneider prétend savoir que non. Il suffit de jeter un œil sur les projections de l’Agence internationale de l’énergie atomique pour vérifier qu’il s’agit d’une prétention sans fondement.

Les scénarios de l’AIEA pour le futur de l’électronucléaire mondial.

Aujourd’hui, personne ne sait si, dans 30 ans, la production électronucléaire sera égale, moindre ou supérieure à l’actuelle. Et cette incertitude est encore plus grande pour la suite. Mais on sait déjà que les gouvernements de pays comportant près de la moitié de l’Humanité – Chine, Inde, Russie – ont décidé de faire croître vigoureusement leurs parcs de réacteurs nucléaires et s’en donnent les moyens. Opiner que, malgré cela, le nucléaire va inéluctablement décliner, voire disparaître, est donc très imprudent.

Technologies vertesEn Pologne, la centrale de Belchatow, qui émet près de 40 millions de tonnes de CO2 par an en brulant du charbon.

La situation de l’Europe est très illustrative de cette situation indécise. L’Union Européenne discute en ce moment même pour savoir si l’électronucléaire doit faire partie des technologies « vertes », favorables au climat, encouragées par des mécanismes de soutien communautaire. Certains pays, ceux qui n’ont pas ou ont abandonné cette technologie (Allemagne, Italie, Espagne…) le refusent logiquement. Ils sont majoritaires. Mais sept chefs d’Etat et de gouvernement – France, Pologne, République Tchèque, Hongrie, Slovénie, Roumanie, Slovaquie – viennent d’écrire à la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen pour réclamer l’inclusion du nucléaire dans les technologies climato-compatibles à soutenir. Sans le Brexit, il faudrait y ajouter la Grande-Bretagne.

Cette situation contrastée implique que celle des entreprises l’est également. Qu’il s’agisse des électriciens – ceux qui exploitent les réacteurs et vendent l’électricité. Ou des constructeurs. Pour les premières, c’est l’état de leur parc de production, mais surtout les politiques publiques de la gestion du secteur électrique qui déterminent leur situation (comme l’obligation faite à EDF de vendre le quart de son électricité nucléaire à ses concurrents à un prix fixé par l’Etat et stagnant depuis des années). Les entreprises constructeurs dépendent bien sûr des carnets de commandes. Celles des pays où le nucléaire croît sont évidemment en pleine forme. Celle des pays où il décroît ou qui ne peuvent s’appuyer que sur des carnet riquiqui ou imprévisibles sont à la peine. Soulignons le décalage entre les deux activités : dans les années 1990/2000, EDF est en pleine forme en exploitant son parc nucléaire tout neuf construit entre 1973 et 1991, mais la fin de la période de construction a condamné les constructeurs, privés de commandes, à faire faillite.

bas-carbone

Mycle Schneider utilise abondamment la comparaison avec la croissance mondiale vigoureuse des énergies renouvelables, asséné comme la « preuve » de l’hiver atomique. Il est peu pertinent. Tout simplement parce qu’il y a la place pour une croissance mondiale extrêmement vigoureuse à l’avenir aussi bien du nucléaire que des ENRI – les énergies nouvelles renouvelables intermittentes comme le photovoltaïque et l’éolien – et de l’hydraulique.
Des centaines de millions de personnes n’ont toujours pas l’électricité chez elles, et des régions entières n’ont qu’un accès rare et cher. Graphique piqué sur le site d’Alternatives économiques ici.

Trois raisons justifient cette affirmation. D’abord, l’objectif de substituer de l’électricité bas-carbone à celle obtenue à partir de charbon et de gaz est si gigantesque que le nucléaire peut se développer très fortement… même en ne captant qu’une part modeste de cette substitution dans les prochaines décennies. Ensuite, la part de l’électricité (bas carbone !) dans l’énergie utilisée doit augmenter afin de décarboner les transports, les processus industriels ou le contrôle thermique des bâtiments si l’on veut atteindre les objectifs climatiques de l’Accord de Paris. Enfin, à plus long terme, le même raisonnement s’applique à la satisfaction des besoins immenses en électricité des pays et des populations encore peu alimentés (voire pas du tout pour des centaines de millions de personnes, en Afrique notamment). L’essor des ENR n’est donc pas incompatible avec une augmentation considérable de l’électronucléaire. Le printemps ou l’été de l’un ne signifie pas l’hiver de l’autre.

Sylvestre Huet

Énième expulsion à Calais : un harcèlement étatique à défaut d’une politique humanitaire



Hier 6 avril, entre 15h et 18h, six opérations d’expulsion de grande ampleur se sont déroulées à Calais. Sans aucune opération de mise à l’abri concomitante, les personnes exilées ont été expulsées de leur lieu de vie. Les équipes HRO ont dénombré au moins 126 tentes, 170 bâches et 77 couvertures prises aux personnes exilées par les forces de l’ordre. Au moins 76 de ces tentes contenaient des affaires personnelles qui n’ont pas pu être récupérées. Les personnes expulsées indiquent avoir notamment perdu dans cette opération de nombreux objets de valeur tels que des documents d’identité, des médicaments, des téléphones portables ou encore de l’argent. Ces expulsions sont intervenues alors que les températures sont tombées hier à 3°c. Les autorités ont choisi de ne pas activer le Plan Grand Froid tout en enlevant à près de 300 personnes leurs abris de fortune, les laissant ainsi sans protection contre la grêle et la neige.

Le Commissaire central de Calais, présent au moment de ces opérations, a justifié ces expulsions sur la base du flagrant délit d’occupation de terrain, et ce alors même que la flagrance ne peut pas être une base pour expulser. Il est particulièrement éloquent qu’une de ces opérations d’expulsion intervienne onze jours seulement après une décision de justice favorable aux habitants d’un de ces terrains. En effet, par une ordonnance du 26 mars 2021, le tribunal administratif de Lille avait rejeté la requête en référé mesure utile de la commune de Calais visant à faire expulser le terrain habité par la communauté Erythréenne. Le juge avait notamment relevé que, sur ce terrain, « les services de l’Etat ont érigé, au profit des migrants, des installations sanitaires, et où l’association la Vie active, mandatée à cet effet, distribue des vivres et de l’eau potable deux fois par jour ».

Alors que le juge administratif a rejeté la demande d’expulsion d’un de ces terrains, l’utilisation du régime pénal de l’enquête de flagrance pour parvenir à cette fin apparait alors d’autant plus abusive. Cette manœuvre de contournement des voies légales est au service d’une politique répressive de harcèlement des personnes exilées à Calais.

Ces expulsions constituent de la part des autorités un pas de plus dans l’inhumanité et le détournement du droit à Calais.



Communiqué de presse Human Rights Observers

Signataires :

Human Rights Observers

L’Auberge des Migrants

La Cabane juridique

Project Play

Collective Aid

Utopia 56 Calais

Salam Nord/Pas-de-Calasi

Refugee InfoBus




Courrier de Fabien Roussel à notre camarade Dominique Belmer


LUTTER ET OUVRIR ENSEMBLE UN CHEMIN D'ESPOIR 

( FABIEN ROUSSEL)



Bonjour Dominique,


Comme vous, je suis en colère contre les choix qui sont faits, en petit comité, par le président de la République et par l’absence d’une campagne massive de vaccination.

En décidant de ne pas suivre les avis du conseil scientifique dès le mois de janvier, le président de la République a pris le risque d’un pic épidémique qui arrive aujourd’hui et dont le coût humain est très élevé. Avec 300 à 400 morts par jour depuis début février et des hôpitaux saturés, contraints à déprogrammer des soins, le gouvernement est obligé de fermer les écoles et de restreindre nos déplacements dans toute la France.

Et nous sommes toujours en panne de vaccins !

Cela fait pourtant un an que nous subissons cette crise. Et les vaccins sont disponibles depuis le mois de décembre. Mais rien n’a été fait pour les produire en France, pour renforcer notre système de santé, pour embaucher dans nos hôpitaux publics, nos écoles, pour donner des moyens à nos communes, pour empêcher les plans de licenciements des multinationales.

Le gouvernement maintient ses réformes telles que le démantèlement d’EDF-Enedis avec le projet Hercule, ou encore la privatisation des TER dans les régions. Il fait le choix aussi de soutenir les projets de délocalisations de nos activités industrielles dans l’aéronautique, la sidérurgie, l’automobile. Des plans de suppressions d’emplois continuent de tomber de la part de groupes comme Danone, Renault, Flunch... Des choix sans vision d'avenir pour le pays, entièrement guidés par l'objectif de rentabilité du capital, au détriment de l'humain et de la planète, alors que la crise impose une transformation sociale et écologique de nos modes de production.

Le gouvernement profite de cette pandémie pour faire passer des réformes, en espérant que le monde du travail et les syndicats n’opposeront aucune résistance. N’espère-t-il pas que les syndicats ou des forces politiques comme la notre soient paralysés, tétanisés par la peur du virus, par les nombreux décès qui frappent nos familles, nos collègues, nos camarades ?

Il se trompe ! Car, même si la pandémie nous fait peur et la douleur des pertes est immense, elles ne nous empêcheront pas de lutter, de résister, de manifester, d'ouvrir avec le plus grand nombre un chemin d'espoir.

C’est ainsi que nous avons été présents ces dernières semaines dans toutes les luttes qui se sont tenues, dans les mobilisations pour la culture, pour le climat, pour l’emploi, contre la fermeture de lits dans des hôpitaux.

C’est pourquoi j’appelle à participer massivement aux mobilisations à venir, dont celle du 8 avril, avec les syndicats de la santé, d’EDF, de la SNCF, de Renault, du commerce, avec le monde de la culture, avec la jeunesse. De même, poursuivons nos opérations de solidarité en direction des familles et des étudiant e s. Et préparons-nous à réussir les élections régionales et départementales en faisant progresser et gagner la gauche dans le maximum de régions et de départements avec une présence renforcée du PCF dans les assemblées.

C’est dans cet état d’esprit que nous organisons notre conférence nationale les 10 et 11 avril prochains qui portera sur les échéances présidentielle et législatives 2022. Cette rencontre de 1 000 délégué e-s du PCF, dans un contexte sanitaire dégradé avec un protocole strict pour éviter toute contamination, doit nous servir à organiser la riposte à Macron et au gouvernement. Cette assemblée, qui se tiendra en visioconférence, sera un temps fort de la mobilisation pour construire une alternative politique. Nous montrerons qu’il est possible d’organiser la résistance aux choix du pouvoir et de reconstruire l'espoir. Tu trouveras le programme de ces deux journées

sur le site du parti : https://www.pcf.fr/conference_nationale_du_pcf



Toutes et tous unis, nous y arriverons !

Restons solidaires, combatifs et déterminés face à cette crise. Très fraternellement,

Fabien ROUSSEL


PCF: VLOG épisode 7avec Fabien Roussel : Génération COVID

 

« Traités pire que des chiens » : l'évêque d'Arras dénonce le sort des migrants de Calais



L’évêque d’Arras et les chrétiens du Calaisis poussent un virulent coup de gueule contre la situation des migrants à Calais


L'évêque d'Arras a co-signé une déclaration avec le Secours catholique sur le sort des migrants à Calais. Les chrétiens de Calais le soutiennent avec une lettre ouverte au préfet.

Après la rencontre de Mgr Leborgne, évêque d’Arras, auprès des migrants, les chrétiens de Calais (Pas-de-Calais) ont écrit au préfet du Pas-de-Calais une lettre ouverte. Le but : faire évoluer la manière dont sont traités les demandeurs d’asile par les autorités. Avec des mots forts à la suite de ceux de l’évêque d’Arras : les exilés sont « traités pire que des chiens ».
Coup de gueule

Le 3 mars 2021, Olivier Leborgne, évêque du diocèse d’Arras et Véronique Fayet, présidente du Secours Catholique – Caritas France, ont fait une déclaration commune sur la situation des exilés à Calais. Ce texte espérait une réponse des autorités publiques. Mais ce sont les catholiques de Calais qui s’en sont emparés, pour appuyer les dénonciations et défendre la dignité de l’homme mise terriblement à mal à Calais depuis de nombreuses années.

Mercredi 3 mars, Véronique Fayet, présidente du Secours Catholique, et Mgr Leborgne, évêque d’Arras, se sont rendus à Calais, à la rencontre des exilés. Un texte puissant est sorti de cette visite avec deux axes : une dénonciation sans fard de la maltraitance quotidienne infligée aux migrants ; et des propositions pour sortir de ce marasme humanitaire.

On pourrait appeler cela un coup de gueule comme de temps en temps il est nécessaire de la faire devant l’injustice et l’immobilisme. Ces dernières années, il y en a eu plusieurs, venant de tous les bords, de toutes les associations présentes sur place. Des députés sont montés au créneau, la commission des droits de l’homme et même les experts des Nations Unies aussi. Rien n’y fait.


À Calais, les migrants continuent d’être « expulsés » systématiquement dès qu’un moindre point de fixation, une tente, trois planches, ou même seulement un duvet pointent le bout de leur nez dans un terrain vague, un bois, une parcelle de trottoir.

« Expulsés », c’est le mot gentil pour décrire la réalité que toutes les associations expliquent, qui ressemble plus à du harcèlement, policier et institutionnel. Alors, y’en a marre. Cette fois, ce sont les chrétiens qui se mouillent, et au premier chef leurs représentants.

« Notre conviction est forte : rien ne justifie que ces personnes soient ainsi maltraitées, exclues de l’accès à des besoins essentiels, humiliées dans le plus profond de leur être » : voilà un extrait de cette déclaration.Les mots du Secours catholique et de Mgr Leborgne sont forts, sont durs. « Mais c’est à la hauteur de ce qu’on fait subir à ces personnes dont les autorités nient les souffrances », confie Juliette Delaplace.
Bâtons dans les roues aux associations

Chargée de mission littoral du Secours Catholique, elle confirme l’horreur vécue tous les jours sur place, avec des décisions officielles aberrantes, qui « en plus d’être inefficaces sont inhumaines ».

Car si les migrants sont traqués, les associations sont aussi empêchées de faire leur travail, si petit soit-il, si nécessaire soit-il pour nourrir, réchauffer, soigner. « On nous a obligés en février 2020 à fermer notre lieu de répit dit La Crèche, qui malgré nos tentatives de réouverture, reste fermé. Et nous en sommes au huitième arrêté de la mairie de Calais interdisant la distribution de nourriture gratuite à Calais ».

Le lieu dit la Crèche n’est autre que la Maison du doyenné, rue de Croy à Calais, devenue en décembre 2020 la halte de nuit d’une poignée de migrants. La commission de sécurité l’a estimée dangereuse pour l’accueil, obligeant sa fermeture deux mois plus tard.
Bras-de-fer ?

Un bras de fer entre les chrétiens, la mairie et la préfecture est-il en train de pointer son nez ? En tout cas, les chrétiens de Calais ne veulent plus se taire. Ils ont décidé de faire front avec leur évêque. Une lettre ouverte circule depuis le 22 mars 2021, pour interpeller massivement le préfet.

Là encore, pas de politiquement correct. Soupçonnera-t-on les chrétiens de mentir et d’exagérer ?

Les chrétiens du Calaisis diffusent depuis lundi 22 mars 2021 une lettre ouverte qui ne mâche pas ses mots. Ils invitent tous les chrétiens du Calaisis à signer cette lettre et à l’envoyer au préfet.

Dans cette lettre, ils listent les atteintes manifestes aux droits de l’Homme.

« Avec notre évêque, nous constatons qu’il s’agit d’une politique de maltraitance indigne de notre humanité : faire la file dehors dans le froid ou la pluie pour manger, marcher 3km pour aller aux toilettes ou pour se rendre au point de passage de la navette pour prendre une douche, cacher ses effets personnels dans un bosquet. Garder, nuit et jour, sur soi ses papiers, poser sa tente dans la boue, s’y poser quelques heures pour dormir, protéger cette même tente et son sac de couchage contre une confiscation par les forces de l’ordre, courir, se cacher, dormir quelques heures en sachant que le lendemain comme l’avant-veille et comme toutes les 48 heures les jours précédents, la police viendra vous déloger… Est-il concevable de faire vivre cela à des enfants, des femmes et des hommes, en France, en 2021 ? »

« Pire que des chiens »

L’émotion est palpable : « Nous ne pouvons rester indifférents à ce qui se passe. C’est pourquoi, nous voulions vous faire part de notre désarroi. Aujourd’hui, ces personnes sont ‘traitées pire que des chiens’. Aucun être humain ne peut accepter ça. Or, la fraternité est inscrite dans notre devise nationale ; par conséquent et légitimement nous nous posons la question, sommes-nous en train de nous en éloigner ? »

Ils proposent aussi de rencontrer les services institutionnels compétents : « À travers nos prêtres et leurs conseils paroissiaux, nous proposons une réflexion pour conduire à l’amélioration de la situation. Nous nous en remettons à vos disponibilités pour échanger à ce propos ».


Ce ne sont pas des objets. Or, on les traite pire que des chiensMgr Leborgneévêque d'Arras
Signe d’espoir

Cette mobilisation catholique « est un signe d’espoir », selon Juliette Delaplace. « Cela montre que cette situation ne concerne pas que les associations. La violation des droits humains et la dignité reniée concernent les catholiques, et aussi les habitants de Calais. Cela montre que les Calaisiens ne sont pas tous d’accord avec la politique de la mairie ».

Si on pense que les déclarations et lettre ouverte ne servent à rien, elles ont au moins le mérite d’attirer les projecteurs à nouveau sur la situation. Et les associations ne se contentent pas de parler et de subir.

Plusieurs, dont le Secours catholique, en sont venues à multiplier les démarches juridiques contre l’autorité publique. Les arrêtés municipaux d’interdiction de distribution alimentaire sont contestés par voie pénale. Même le préfet du Pas-de-Calais est assigné en justice pour le démantèlement d’un camp de migrants en septembre 2020.

Mais tout cela n’arrête pas le rouleau compresseur d’une politique sans âme ; qui a en plus son inefficacité contre elle, puisqu’aucune des mesures de harcèlement ne stoppe l’arrivée des migrants.

S’il est beau de dénoncer, on ne peut pas reprocher au Secours catholique de critiquer sans proposer. Des solutions existent selon l’association.
Un moratoire sur les expulsions

L’appel du Secours catholique repose sur trois points simples, demandés depuis des années par les associations du Calaisis :
décréter un moratoire immédiat sur les expulsions de lieux de vie (campements, bidonvilles, squats),
ouvrir des lieux couverts d’accès aux services de base (alimentation, hygiène, recharge électrique, information sur les droits). Ces lieux, adaptés au nombre de personnes présentes, peuvent être répartis sur plusieurs endroits du littoral,
ouvrir immédiatement des dispositifs de mise à l’abri.

Le but est de construire un plan d’action, et non comme actuellement des destructions de campements systématiques et des mises à l’abri occasionnelles.
Ouvrir le dialogue ?

L’appel se conclut ainsi : « C’est pourquoi, au-delà des mesures d’urgence attendues, nous attendons des pouvoirs publics l’ouverture d’un large espace de dialogue qui, en écoutant les personnes exilées et en s’appuyant sur les initiatives de solidarité, pourra trouver avec tous les acteurs concernés les voies de solutions acceptables par tous ».

Depuis trois semaines, quel retour le Secours catholique a eu de ce texte, de la mairie, de la préfecture, des autorités ? Aucun. Silence radio. Nada.

Elections régionales de juin 2021 : communiqué des fédérations communistes des Hauts-de-France suite à la consultation des adhérents


 



Lors de sa venue à Rodez ce vendredi 19 mars, Agnès Pannier-Runacher, la ministre de l'Industrie a été prise à partie par plusieurs manifestants venus protester contre les suppressions de postes annoncées chez Bosch.

Ce vendredi, juste après la table-ronde en préfecture à Rodez, Agnès Pannier-Runacher est venue au contact des manifestants rassemblés pour protester contre ce chiffre annoncé il y a deux semaines : 750 postes supprimés sur le site d'Onet-le-Château, seulement 500 emplois conservés d'ici 2027. La ministre a été huée et invectivée.
"Vous voulez qu'on crève !"




Juste avant de se rendre au comité de suivi de Bosch France à la mairie, Agnès Pannier-Runacher assistait en préfecture à une table-ronde avec les représentants syndicaux et la direction de Bosch France. En sortant de la préfecture, la ministre a souhaité s'adresser aux quelques 200 manifestants amassés derrière les barrières. Elle a tenté pendant plusieurs minutes de prendre la parole au micro mais a très vite été prise à part. En voici la version complète, ci-dessous.
: C'est quoi le projet industriel en France ? Aucun, ce gouvernement n'apporte rien. Et la relocalisation que vous promettez ? Pour Michelin, pour Renault ? Que dalle

"Je ne veux pas que vous "creviez" (NDLR : elle reprend une invective) , je comprends votre colère. Si je voulais vous abandonner, je ne serais pas devant vous. Nous devons nous battre ensemble", a essayé de répondre Agnès Pannier-Runacher qui a promis qu'elle se battrait pour sauver le maximum d'emplois. "Il n'est pas trop tard", a t-elle essayé de tempérer en évoquant la piste de la diversification avec l'hydrogène.
Après le comité de suivi, "le compte n'y est pas" pour l'Etat

Après le comité de suivi à la mairie, Agnès Pannier-Runacher s'est montrée déçue. "Le projet proposé n'est pas assez crédible. Il n'y a pas de projet industriel pour les 500 emplois restants".

Bosch doit prendre ses responsabilités et engagé la diversification. Je ne laisserai pas ce fleuron du territoire disparaitre. Il faut passer en mode commando.

La ministre a évoqué les trois pistes de diversification possible pour le site ruthénois sur lesquelles travaille Bosch : la production de certaines parties du power-train, des procédés hydrogène pour des camions frigorifiques, ou implanter un incubateur pour accueillir d'autres entreprises. "Ce sont des pistes qui ont du sens, mais nous avons besoin d'éléments concernant le calendrier, les investissements, des notions de clients et du nombre d'emplois apportés", a insisté Agnès Pannier-Runacher. Elle s'est engagée à revenir à Rodez dans les trois mois, avec une situation "qui aura dû avancer".

Bosch aurait proposé ce vendredi de sauver 30 emplois supplémentaires, via la diversification envisagée dans l'aéronautique. L'Etat en espérait 300.

Cauchemar en cuisine ! SODEXO: de la grande restauration chic étoilé, à la cantine de TF1.


Traiteurs, cantines, cuisines étoilées, la justice se met à table
Un fournisseur de main d'œuvre - du plongeur à la serveuse - à de grands noms de la restauration est accusé de travail dissimulé et d ubérisation du métier…


LE POINT COMMUN entre le pâtissier star Pierre Henné, le restaurant parisien étoilé Apicius, les Bateaux-Mouches de la Seine et lu cantine de TF1, gérée par Sodexo ?

Toutes ces boîtes ont suivi, ces dernières années, un régime al­légé en frais de personnel. A la place de salariés, elles faisaient discrète­ment travailler dans leurs locaux des autoentrepreneurs, bombardés plon­geurs, serveurs, commis, etc. Mais lu justice ne goûte pas la recette. Au printemps 2019, un juge parisien a donc ouvert une information judi­ciaire concernant cette pratique.

Pour dénicher des travailleurs pas chers (et aux cotisations sociales al­légées), nos restaurateurs adressent - adressaient, vu le contexte - leur demande ù des start-up qui, ensuite, relayaient l’offre à des micro-entre-preneurs enregistrés auprès d’elles.

le secteur de la restauration dispose pourtant déjà d’une farandole de dis­positifs - du CDI à l'intérim en passant par les extras - pour recruter du personnel à titre permanent ou temporaire.





Factures gastronomiques

Et qui dit contrat de travail dit, en théorie, respect du Code du même nom, que ce soit en matière de salaire, de durée ou de conditions de travail. Avec Brigad, l’une de ces start-up fournisseuses, tout est sim­plifié ! Comme le claironne son site, «vous évitez la paperasse : pas de dé­marches administratives (contrat, déclarations) puisque notre plate­forme repose sur la prestation de services ».

En pratique, la personne envoyée par Brigad dans un restaurant, une cantine ou chez un traiteur n'est pas un salarié mais - à lui seul - une société commerciale, baptisée « Brigader », qui vient effectuer une pres­tation. La start-up fixe le tarif ho­raire, rédige la facture pour le Brigader, l’envoie au resto puis en­caisse le montant avant de le lui reverser, non sans avoir gardé 25 % pour elle. Gourmande, va !

Avec de tels arguments, Brigad (17 millions d’euros de chiffre d’af­faires en 2019) suscite rapidement l’intérêt des taverniers : depuis 2017, plus de 10 000 sociétés issues du sec­teur des hôtels, des cafés et des res­taurants y ont déjà recouru. Et cer­taines, qui utilisent des Brigaders pour remplacer des salariés en arrêt maladie ou en congés payés, voire de façon permanente, frôlent l’indiges­tion.

Le géant de la restauration col­lective Sodexo et ses filiales, notam­ment, ont opté pour la formule « buffet à volonté » : ils ont affecté plusieurs centaines de Brigaders à plus de 250 sites, parmi lesquels des Ehpad, des hôpitaux et des cantines d’entreprise - dont celle de TF1.

Pas top, chef !

Le groupe Châteauform’, leader français du séminaire haut de gamme, a préféré le menu « dégus­tation » et a englouti 350 Brigaders dans ses établissements. Fauchon Traiteur, Maison Pradier, restau­rants branchés du Palais de Chaillot ou de l’opéra Garnier... la liste des utilisateurs est copieuse, mais aucun d’eux n’a voulu s’exprimer sur le sujet. Pudiques, avec ça...

Cette boulimie n'est pas du goût de tous. Spécialisée dans le secteur, la boîte d’intérim Staffmatch à déposé, en 2018, une plainte contre Brigad. Le syndicat patronal du travail temporaire Prism'emploi s’y est associé, pour « complicité de travail dissimulé pur dissimulation d’em­plois salariés, travail dissimulé par dissimulation d’Activité, prêt illicite de main-d’œuvre et marchandage ».

Ils estiment que les Brigaders, qui n’ont aucune autonomie, ne sont pas de vrais travailleurs indépendants. De fait, ils ne fixent pus leur tarif, travaillent dans les locaux de l’en­treprise utilisatrice, sont souvent in­tégrés dans une équipe de salariés et toujours placés sous la direction d’un supérieur. Pire encore, certains turbinent sept jours sur sept, plu­sieurs semaines durant. Cauchemar en cuisine !

La plainte a entraîné l’ouverture de l'information judiciaire de 2019, et les découvertes des enquêteurs ac­créditent l’idée d'un système fai­sandé... Dans cette hypothèse, des milliers d'entreprises ayant eu re­cours à des Brigaders pourraient se voir renvoyées devant le tribunal cor­rectionnel pour travail dissimulé.

Stop, chef! « Si la justice ne met pas un terme à tout cela, des pans entiers du salariat disparaîtront au prorit de faux micro-entrepreneurs et des plateformes qui les exploitent », pré­vient M‘ Bellaiche. l’avocat de Staffmatch. Côté Brigad, on se veut serein depuis qu’une action en référé a été lancée - et perdue - par Staffmatch, en novembre dernier. Du reste, la start-up a survécu aux fermetures de restaurants en étendant son ac­tivité au domaine de la santé privée. Elle propose des Brigaders aides-soignants, auxiliaires de vie ou même infirmiers.

Rien qu’en février dernier, 4 000 missions ont été réalisées dans ce secteur, assurément en plein boom !

Jérôme Canard du canard enchaîné

Débat : L'obligation vaccinale, une exigence éthique et politique

Des soignants attendent leur tour pour se faire vacciner au centre de vaccination Covid de l'hôpital Ambroise Pare (AP-HP), à Boulogne-Billancourt, le 6 janvier 2021. Thomas Samson / AFP

Un an après le début de la pandémie, il serait temps d’acquérir une culture de la concertation, d’assumer les arbitrages courageux qui s’imposent à nous, y compris lorsque nos principes sont soumis à l’épreuve du réel.

Cette crise sanitaire interroge profondément notre système de référence, la pertinence de nos modes d’approche et de discussion. Elle déstabilise bien des aspects quotidiens de la vie en société. Le risque serait de ne pas le comprendre et de différer certains débats difficiles, au motif qu’ils provoqueraient des controverses insurmontables dans un contexte politique fragilisé par des mois d’incertitudes, de contraintes, d’équivoques, de renoncements, et aussi de deuils.

Nous avions évoqué dès le 14 février 2020 certains points de vigilance qui s’imposaient au regard de la pandémie annoncée, pour donner à comprendre que nombre de réflexions permettaient d’anticiper les dilemmes éthiques auxquels nous serions confrontés.

S’il n’était pas possible, en mars 2020, de nous concerter à propos de l’opportunité d’accorder une priorité à certains malades au détriment d’autres, du bien-fondé du 1er confinement et des modalités de sa mise en œuvre, il n’en est pas de même aujourd’hui en ce qui concerne la stratégie de vaccination. Nous aurions pu débattre de ses multiples enjeux dès l’annonce de l’étude clinique de phase 2/3 du vaccin à ARNm de Pfizer-BioNTech, le 29 juillet 2020.

Passeport vaccinal : créer des « apatrides sanitaires » ?

En dépit de certaines vicissitudes actuelles (difficultés d’approvisionnement, souci de pharmacovigilance à propos d’un vaccin), la campagne vaccinale commence à présenter des résultats encourageants. Ils sont pour beaucoup liés à une acceptation sociale qui s’est renforcée alors que la défiance prédominait avant les premières injections fin décembre 2020. 

Avant d’évoquer le délicat sujet de l’obligation vaccinale, constatons qu’il est plus question en ce moment des controverses portant sur l’indication d’un « passeport sanitaire » ou d’un « pass sanitaire ». Ce document permettant à ses détenteurs de retrouver des droits restreints pour des raisons de santé publique se voit conférer la valeur symbolique d’un droit à la liberté. 

L’impatience de retrouver une vie sociale limitant les risques de contamination est compréhensible, comme celle qui nous était promise à la sortie du 1er confinement le 11 mai. Qu’en avons-nous fait, alors que notre pays doit se résoudre à retrouver le chemin du confinement anticipé par les couvre-feux ? Afin d’honorer la promesse d’une sortie de crise encadrée par des mesures appropriées de liberté de circulation, le 17 février une consultation intitulée « Que pensez-vous du passeport vaccinal ? » a été menée sous l’égide du Conseil économique, social et environnemental. Elle s’est achevée le 7 mars. Les résultats ont été rendus public le 16 mars. Sur 110 507 participants, 67,1 % d'entre eux se sont déclarés «très défavorables», contre 20,2 % «très favorables». Les motifs d'opposition sont les atteintes aux libertés privées, les incertitudes pesant sur l'efficacité et la sûreté du vaccin et le risque de discrimination, entre les citoyens.

Il n'est toutefois pas certain que cette consultation relevait comme certains voudraient le croire d'une urgence nationale, en dépit de l'annonce d'une proposition législative relative au «passeport vaccinal» par la Commission européenne courant mars. Au 14 mars, en effet seuls 5 135 616 Français avaient bénéficié d'au moins une dose de vaccin, selon Santé Publique France.

Dans une tribune, je me suis autorisé à discuter l’opportunité d’un tel document à visée sanitaire, qui aboutirait à admettre au plan international qu’il y ait désormais des « apatrides sanitaires ». 

Au-delà de ce statut discriminatoire qui fragiliserait davantage encore l’existence de personnes en situation de vulnérabilité, cette évolution contredirait les principes érigés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Son article 13 précise que « toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays », tandis que l’article 28 rappelle que « Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet ».

Le 17 février 2021, au cours d’une réunion du Conseil de sécurité, le Secrétaire général de l’Unesco constatait d’une part que « 10 pays ont injecté 75 % de tous les vaccins disponibles, de l’autre, plus de 130 États n’ont même pas reçu une dose ». Les « apatrides sanitaires » sont ceux qui n’auront pas bénéficié du droit d’être vaccinés, ceux qui ne bénéficieront pas de la possibilité d’aménagements permettant de leur reconnaître des droits qu’ils se verraient contester. Il n’est pas certain que l’exigence d’équité n’impose pas au projet d’autres considérations que les enjeux de tourisme, au demeurant fort respectables.

L’universalité du droit d’accéder à la vaccination devrait contribuer, mieux qu’une autorisation administrative délivrée à certains reconnus dans la dignité du vacciné, au respect de la liberté d’aller et de venir.

Obligation vaccinale et personnels soignants

Dans un domaine aussi sensible et complexe en termes de conséquences éthiques et politiques, une autre question se pose. Elle est selon moi d’une véritable urgence. Dès lors que les vaccins seraient accessibles à tous, la vaccination ne deviendrait-elle pas de fait obligatoire ? La norme serait en effet d’être vacciné, la liberté d’aller et venir ou le droit d’accéder à certains lieux publics étant conditionnés par l’obtention de ce document sanitaire. 

On le constate, en dépit de quelques controverses feutrées, évoquer toute obligation de cette nature semble incompatible avec une certaine bienséance qui semble déterminer les choix gouvernementaux. Une même retenue n’est pas de mise dans la décision des règles du confinement ou du couvre-feu qui limitent, sans qu’on s’y oppose vraiment, une part de nos libertés.

S’il avait nécessité demain d’aborder avec circonspection les modalités de déploiement d’un document sanitaire octroyant une liberté de circulation, aujourd’hui l’urgence serait plutôt de fixer les règles de l’obligation vaccinale des professionnels qu’elle concerne. Notamment ceux qui dans leur exercice sont exposés au risque de transmission du virus.

Rappelons que pour les protéger, nombre de pays ont considéré prioritaire de mettre à la disposition des professionnels de santé et du médico-social les premières doses disponibles. Réciproquement, n’ont-ils pas le devoir d’être vaccinés afin de protéger ceux dont ils sont responsables ?

Dans sa « résolution sur la profession de médecin et la Covid-19 », en octobre 2020, l’Association médicale mondiale attirait l’attention sur le risque élevé que courent les personnels de santé et les populations vulnérables dans une situation de pandémie. Elle exhortait à ce titre les autorités à faire en sorte que ces personnes soient considérées prioritaires pour recevoir un vaccin sûr et efficace.

En France, l’article L 1 111-4 du Code de la Santé Publique si souvent invoqué à propos des premières vaccinations en Ehpad, affirme

« Aucun acte médical, ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut-être retiré à tout moment ». Chacun est en droit de refuser un traitement. Un vaccin est-il considéré comme un traitement, alors qu’il est injecté à des personnes qui ne sont pas malades, à titre de prévention et même de précaution ?

Si la question justifiait d’être posée, les professionnels de santé ont cependant l’obligation d’être vaccinés contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. Le SARS-CoV-2 est-il d’une autre nature que ces risques de santé publique ? D’un point de vue déontologique, l’article R.4127-2 du Code de la Santé Publique rappelle les missions du médecin « au service de l’individu et de la santé publique […] », et l’article 2 des Principes d’éthique médicale européenne précise qu’il « s’engage à donner la priorité aux intérêts de santé du malade ».

La tension est évidente entre la liberté d’appréciation du médecin pour ce qui le concerne à titre personnel, et ses responsabilités et missions à l’égard d’autrui. Son libre choix est conditionné en l’occurrence par les conditions d’acceptabilité éthique de son exercice, dès lors qu’il serait susceptible d’exposer à un risque inacceptable des personnes qui doivent en être protégées. Évoquer ici les règles de bonnes pratiques professionnelles est aussi pertinent que de se référer aux principes éthiques de responsabilité, de loyauté et de bienfaisance.

L’obligation de réciprocité

En situation de crise sanitaire, le « devoir de réciprocité » est convoqué pour rappeler que les personnes les plus exposées, parmi lesquelles les professionnels assumant des fonctions essentielles à la vie publique, doivent bénéficier de manière prioritaire des moyens permettant de sauvegarder leurs droits et leurs intérêts.

Cet engagement réciproque peut inclure les obligations de tout professionnel « au service de l’individu et de la santé publique », dont celle d’être vacciné tant pour se protéger lui-même que pour limiter la contamination de tiers, parmi lesquels les membres de sa famille ou ses collègues. S’y ajoute la valeur d’exemplarité, dès lors qu’il est peu soutenable de prescrire à des personnes une vaccination à laquelle on est opposé à titre individuel.

Le 14 septembre 2020, l’Organisation mondiale de la santé a publié un document très élaboré présentant dans deux de ses composantes cette « obligation de réciprocité » : tant à l’égard du professionnel que des personnes qu’il soigne ou qu’il accompagne. On peut y lire que

« Proposer le vaccin à ceux qui prennent ou supportent des risques exceptionnels pendant une pandémie, souvent en raison de leur profession, est une façon d’honorer les obligations de réciprocité et d’exprimer de la gratitude. »**

Et plus loin :

« Une autre raison de proposer le vaccin aux professionnels du secteur sanitaire et social de première ligne est qu’ils sont souvent en contact étroit avec les personnes qui sont, sur le plan biologique, les plus susceptibles de contracter une forme grave de Covid-19 en cas d’infection et qui pourraient bénéficier d’un certain niveau de protection si ces professionnels étaient vaccinés »

Le 6 mars, le Conseil national de l’ordre des médecins rendait publique une position, affirmant que « la vaccination des soignants est une exigence éthique ».

L’instance ordinale prolonge et renforce la position de l’OMS :

« Alors que l’ensemble des soignants est aujourd’hui éligible à la vaccination contre la Covid-19, se faire vacciner est par conséquent une exigence éthique qui s’impose à tous, la vaccination diminuant considérablement les chaînes de transmission du virus. Cette exigence s’impose d’autant plus que les soignants, à qui les Français vouent une confiance importante, ont plus que jamais un devoir d’exemplarité qui leur incombe. »

Le Conseil national de l’ordre des médecins a été rejoint le 7 mars 2021 par les 7 ordres des professions de santé qui « appellent d’une seule voix l’ensemble des soignants à se faire vacciner ».

Le devoir éthique d’être vacciné

L’article R.4127-22 du Code de la santé publique éclaire davantage encore la nécessaire approche d’une obligation vaccinale : « le médecin doit apporter son concours à l’action entreprise par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé et de l’éducation sanitaire. »

Ce devoir de « protection de la santé » doit se comprendre, en l’occurrence, dans l’exigence d’intégrer la vaccination aux bonnes pratiques professionnelles, au même titre que d’autres contraintes qui imposent des règles spécifiques justifiées et proportionnées.

Entre le 1er mars 2020 et le 8 février 2021, Santé Publique France a recensé 67 871 professionnels en établissements de santé infectés par la SARS-CoV-2). 19 décès sont déplorés. Les chiffres ne disent rien de ces parcours difficiles dans la maladie avec ses séquelles, de ces tragédies humaines (333 décès en France le 15 mars 2021 ; 90 762 depuis le début de la pandémie).

Invoquer la « clause de conscience » ?

L’argumentation éthique pourrait être approfondie. Néanmoins elle ne saurait se substituer à la responsabilité individuelle et donc au jugement critique tenant compte à la fois d’un souci de l’autre ainsi que de données scientifiques probantes. On ne saurait donc invoquer une quelconque « clause de conscience » pour justifier une décision qui engage à l’égard de tiers et qui pourrait ruiner la relation de confiance. Dans un contexte de suspicion et de défiance parfois renforcées par les positions publiques impromptues de certains médecins, la clarté et la rigueur sont indispensables.

Responsabiliser est préférable à l’exercice d’un contrôle qui en pratique s’avérerait difficile à mettre en œuvre. Une déclaration de vaccination serait-elle requise pour intervenir dans les contextes les plus exposants à une contamination ou auprès des personnes considérées comme les plus vulnérables ?

Au regard de la liberté d’appréciation du professionnel, qu’en est-il des droits et de l’intérêt supérieur des personnes qui consultent, sont hospitalisées ou vivent dans des établissements médico-sociaux ? Alors que la Haute Autorité de Santé a fait le choix, dès le 27 novembre 2020, de rendre prioritaire la vaccination dans les contextes de vulnérabilité à une contamination, que penser d’une négligence à cet égard de la part des intervenants professionnels ?

L’article L. 1110-1 du Code de la Santé publique rappelle que « Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne ». En termes de vaccination, ce « droit fondamental à la protection de la santé » est celui de bénéficier du vaccin, tout en étant également assuré que des mesures strictes sont adoptées pour éviter un risque de contamination évitable et indu.

L’obligation vaccinale doit être arbitrée par la politique de vaccination

Dans son « point épidémiologique du 4 février 2021, Santé Publique France indique que « entre le 1er janvier 2020 et le 31 janvier 2021, 3 312 signalements de Covid-19 nosocomiaux ont impliqué 39 085 cas : 23 528 patients (172 décès liés), 15 547 professionnels et 10 visiteurs ». Les drames éprouvés par les personnes malades et leurs familles doivent être considérés comme un des arguments justifiant de ne pas reporter plus longtemps les clarifications attendues.

Si les instances ordinales de déontologie ont une mission d’analyse, d’alerte, de sensibilisation, de pédagogie et de proposition, l’article L3111-1 du Code de la santé publique précise cependant que « la politique de vaccination est élaborée par le ministre chargé de la santé qui fixe les conditions d’immunisation, énonce les recommandations nécessaires et rend public le calendrier des vaccinations après avis de la Haute Autorité de santé. »

Au-delà du formalisme d’un texte de loi, les notions de responsabilité, de loyauté et de confiance sont engagées dès lors qu’il est évident, en situation de crise sanitaire, que la politique de vaccination doit intégrer un arbitrage relatif à l’obligation vaccinale.

Le temps de la réévaluation

Le 4 décembre 2020, au cours de son entretien avec les journalistes de Brut, le président de la République affirmait : « je ne crois pas à la vaccination obligatoire pour ce vaccin parce que d’abord il faut être très honnête et très transparent : on ne sait pas tout sur ce vaccin comme on ne sait pas tout sur ce virus. »

Sa position initiale de prudence devrait évoluer dès lors que des publications scientifiques attestent des effets favorables de la vaccination évaluée en population ? Cette option était du reste évoquée par la Haute Autorité de Santé.

En effet, dans sa recommandation « Stratégie de vaccination contre le SARS-CoV-2 » du 10 décembre 2020, la Haute Autorité de santé considérait « qu’il serait inopportun, de rendre obligatoire la vaccination contre la Covid-19, que ce soit pour la population générale ou pour les professionnels de santé. »

Toutefois, dans cette même analyse, l’instance nationale précisait : « la décision de rendre obligatoire une vaccination est d’autant plus justifiée sur le plan éthique que les connaissances sur les futurs vaccins et leur capacité à limiter la contagion du virus sont étendues, ce qui ne sera pas le cas avant un certain temps pour les vaccins contre la Covid-19. »

Dès lors que nous disposons d’arguments scientifiques dans le cadre d’une expertise internationale pour estimer éthique de « rendre obligatoire une vaccination » dès lors que son efficacité est avérée, le temps n’est-il pas venu de se prononcer à ce propos ?

Il s’agit d’assumer une responsabilité politique dans un contexte plus favorable à la vaccination que ce fut le cas avant qu’elle ne débute. Les Français ont compris, eux aussi, qu’une politique vaccinale menée selon des règles de pharmacovigilance rigoureuse et de justesse dans la stratégie, permettait d’envisager l’amélioration globale de la situation sanitaire et un retour à une certaine la vie publique moins contrainte.

Mais dans la perspective d’une immunité collective considérée comme un objectif à atteindre, il est nécessaire d’avoir le courage de poser en des termes explicites l’exigence d’une réciprocité dans l’acceptation de la vaccination. On pourrait peut-être arguer d’une notion inédite, celle de médicovigilance.

Le vaccin, un « bien public mondial »

Revenons pour conclure au « passeport sanitaire » évoqué précédemment. « Je pense que nous n’envisageons pas que des pays créent un mandat obligatoire pour les vaccinations », affirmait Kate O’Brien au cours d’une conférence de presse, le 8 décembre dernier. La directrice du département des vaccins à l’OMS admettait cependant qu’« il peut y avoir certains pays ou certaines situations dans des pays où les circonstances professionnelles l’exigent ou recommandent fortement de se faire vacciner ».

Depuis un an, les multiples conséquences de la pandémie nous soumettent à des dilemmes qu’il nous faut assumer dans le cadre de concertations publiques, d’arbitrages politiques responsables et courageux.

En santé publique, ce qui est obligatoire ou systématique s’oppose au respect de la personne dans son autonomie, dans sa liberté d’appréciation. Ne pas adhérer volontairement à une mesure qui apparaîtrait injuste, disproportionnée et de nature à accentuer les discriminations, en compromet l’efficacité. Il ne faudrait pas pour autant renoncer à oser envisager, dans un cadre strict, les dispositifs qui contribueraient à atténuer de manière significative les contraintes qui altèrent la vie sociale et permettraient de retrouver les essentiels de l’existence.

L’article L. 1111-1 du Code de la Santé publique nous rappelle que « les droits reconnus aux usagers s’accompagnent des responsabilités de nature à garantir la pérennité du système de santé et des principes sur lesquels il repose ». C’est nous donner à comprendre cette « obligation de réciprocité » déjà mentionnée renvoie aux valeurs du contrat social, à ce qui nous engage mutuellement, solidairement.

Au cours de la session extraordinaire Covid-19 de l’Assemblée générale de l’ONU du 3 décembre 2020, son Secrétaire général António Guterres affirmait que le vaccin doit être considéré comme « un bien public mondial accessible à tous, partout ». Nous bénéficions en France du privilège d’une vaccination dont la couverture nationale est annoncée d’ici l’été. Le souci du « bien public » comme celui du « bien commun » justifient le courage de débattre d’une de ses exigences : le devoir éthique d’être vacciné.

Réciproquement il convient de considérer comme de l’ordre d’une obligation éthique, l’exigence de justice nous imposant les décisions nécessaires afin que l’accès aux vaccins soit une réalité tangible au plan international. Dès lors, s’interroger comme nous le faisons aujourd’hui sur le bien-fondé à statuer sur une autorisation sanitaire de circulation internationale, nous apparaît comme une stratégie très individuelle bien contestable, entre vaccinés, nous évitant d’assumer nos responsabilités au regard de devoirs universels, là où ils sont engagés.