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EDF embauche des soudeurs étasuniens pour réparer ses réacteurs

En mal de manoeuvre qualifiée et compétente et de technicité : EDF vient d’embaucher une centaine de soudeurs étrangers pour réparer ses problèmes de corrosion sur ses réacteurs nucléaires. Ils viennent des Etats-Unis, de chez Westinghouse, la société à qui EDF a acheté voici soixante ans les plans des réacteurs dit tricolores. Avec ce bel exploit le mythe vendu aux français par la propagande d’Etat sur la pseudo indépendance de la France grâce au nucléaire s’effondre publiquement.

Incapable de maîtriser ses monstrueux joujoux atomiques touchés par la corrosion de leurs tuyauteries et bien mal en point en d’autres endroits, EDF en manque de main d’œuvre qualifiée appelle au secours en urgence une centaine de soudeurs étasuniens.

Ces ouvriers de Westinghouse, qui débarquent par dizaines par avions depuis début octobre, sont spécialisés dans les soudures de haute précision que la nucléocratie française ne possède pas, ni la technique de soudage ni les outils. Tous les experts s’accordent là-dessus. Les soudures à réaliser sur des tuyaux du système de sécurité sont si complexes que la répétition des gestes et l’attention à porter exténuent. D’autant que le cadre d’exécution n’est pas parfumé au gaz hilarant.

Les tronçons à réparer avaient été découpés sur la plupart des réacteurs nucléaires suite à la découverte en début d’année de corrosions sur les deux réacteurs atomiques de Civaux (Vienne) et Chooz (Ardennes) puis à Penly (Normandie). Découpes et prélèvements visant à contrôler que ces graves problèmes n’affectaient pas aussi tous les autres réacteurs disséminés sur le territoire. A présent, il faut tous les remettre en place au fur et à mesure des contrôles et que les soudures tiennent le coup. Un travail titanesque de plusieurs mois pour plusieurs centaines de milliers d’euros au bas mot que les usagers paieront d’une manière ou d’une autre.

Mais les ouvriers étasuniens doivent s’adapter aux modifications apportées au fil des années par les ingénieurs d’EDF sur les plans et schémas initiaux (1) achetés à Westinghouse et pour lesquels la France a payées des royalties pendant quatre décennies. Aussi EDF a du ouvrir un centre d’adaptation-formation pour jouer carte sur table et tenter de retrouver la mémoire des bricolages effectués. C’est que les soudeurs de Westinghouse vont devoir travailler plusieurs mois sur le parc nucléaire vétuste français et ne veulent pas être impliqués dans une catastrophe.

Si EDF fait déjà appel à des travailleurs sous-traités, notamment de la société "Endel" (2), qui sont à l’oeuvre sur les réacteurs de Tricastin (Drôme-Vaucluse), Bugey (Ain), Cattenom (Moselle) ou rien ne semble avoir été détecté, à Chinon (Indre-et-Loire) ce n’est pas la même histoire et des corrosions (3) y ont été mises au jour. Alors une question taraude les champions du nucléaire : on change les tronçons ou bien on change toutes les tuyauteries ? Les chantiers ne sont évidemment pas de la même ampleur, sauf à dissimuler la réalité.

De toute façon le compte n’y est pas en spécialistes (3) pour remettre en service ces vieilles casseroles mortelles amputées. Même si EDF s’est associé au constructeur des sous-marins nucléaires "Naval Group" et à Areva-Orano pour mettre sur pied une école de formation aux métiers de soudeurs : ils ne seront pas opérationnels avant plusieurs années. Et les planning farfelus d’EDF ne pourront être tenus : le nucléariste annonçait que la centrale de Chooz devait être relancée en plein coeur de l’hiver en décembre 2022 et celle de Civaux en janvier 2023. On sait que les délais auront du mal à être tenus sauf à prendre des risques supplémentaires avec la sécurité et à forcer la main de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) qui doit donner son feu vert au redémarrage.

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(1) technologie de Réacteur à Eau Pressurisée (REP)

(2) Endel est une filiale de "Engie" qui se désengage du nucléaire et s’oriente vers les énergies renouvelables. Engie a vendue en avril dernier Endel à la société Altrad du milliardaire Mohed Altrad qui dirige également le club Montpellier-Hérault-Rugby.

(3) la corrosion est une fissuration des matériaux. Ces défauts se traduisent sous forme de microfissures (amorcées en surface du matériau) se propageant dans l’épaisseur de la pièce. Le mécanisme à l’origine de la fissuration est appelé « corrosion sous contrainte » (CSC). Le matériau est soumis non seulement à une contrainte mécanique (cas de la fissuration simple), mais aussi à un milieu aqueux (ici le milieu primaire contenant du bore) qui permet d’amorcer la microfissuration sous une contrainte mécanique moindre que si le matériau n’était exposé qu’à l’air. voir :
https://www.irsn.fr/FR/Actualites_presse/Actualites/Pages/20220120_NI-...

(4) Le PDG de EDF, Jean-Bernard Levy, estimait encore début septembre 2022 (avant que le gouvernement et Emmanuel Macron ne le remplace par un nouvel homme-lige ) que son entreprise manquait de soudeurs depuis plusieurs années et que leur formation ne pouvait pas être relancée sans perspective ... d’un nouveau parc nucléaire en France.


Indisponibilité des réacteurs : surprenantes lectures, surprenantes postures

par Gérard Petit:


Injonctions, contrôles, reporting serré, l’Exécutif veut reprendre la main, l’opérateur EDF, jugé défaillant, est désormais sous surveillance rapprochée. Une analyse orientée, mal fondée, qui redistribue sans vergogne les cartes et les responsabilités, au risque fort de la confusion des rôles et de l’inefficacité.

Si aux yeux des opinions, le nombre de réacteurs nucléaires actuellement à l’arrêt (26 sur 56) est inquiétant, il l’est aussi pour les professionnels de la filière qui doivent relever un défi d’importance pour l’économie du pays et de ses citoyens, et pour la crédibilité de leur outil industriel.

Certes, c’est une conjonction de contingences adverses qui a conduit la flotte actuelle de réacteurs à ce niveau d’indisponibilité, et si aucune des difficultés rencontrées n’est rédhibitoire, en soi, leurs effets se potentialisent pour déboucher sur la situation critique que nous connaissons.

Détracteurs durables

Surfant sur la vague créée par ce contexte inédit, les adversaires du nucléaire ont vu leurs carquois se remplir de nombre et variétés de flèches qu’ils peuvent décocher sur ce grand corps malade qu’est actuellement la flotte française de réacteurs.

Les premières visent le caractère systémique que peut prendre tout ennui ou avarie, soit parce que plusieurs réacteurs sont touchés, soit parce qu’on considère qu’ils pourraient l’être, et que, par application du principe de précaution, on doit les arrêter pour investiguer, quitte à les mettre parfois durablement en panne.

Autre dimension de ce même aspect systémique, les contraintes liées au refroidissement des réacteurs (en bord de rivière, ou d’estuaire) en période de fortes chaleurs, lesquelles ont de beaux étés devant elles, avec l’évolution climatique.

La seconde bordée vise à assimiler ennuis techniques et vieillissement incontrôlé des installations, même si les faits démentent absolument ces assertions. Ainsi, la corrosion sous contrainte (CSC[1]) qui affecte certains réacteurs (à des degrés très divers d’ailleurs) concerne les unités les plus récentes du parc.

Troisième volée, les indisponibilités actuelles seraient dues à l’accumulation de laxismes, de reports et d’impasses dans la maintenance des réacteurs au fil des années, de telles inconséquences finissant par l’impossibilité physique de continuer à les exploiter.

C’est un propos qui se répand et dans cette veine, la pression exercée par le gouvernement sur EDF pour le redémarrage de tous les réacteurs est parfois vue comme irresponsable, la crainte sous-jacente étant qu’on redémarre, à tout prix, des réacteurs peu sûrs.

Tout au contraire, le parc de réacteurs d’EDF est toujours resté exploité avec sérieux et professionnalisme, quant aux contrôles auquel il est soumis, c’est faire bien peu de cas du rôle capital de l’ASN, autorité administrative indépendante, omniprésente, compétente et reconnue partout comme telle.

Déterminants durables

Pour les opinions, il n’est pas aisé de démêler le vrai du faux, de peser la réalité des dangers agités, ni de distribuer les responsabilités.

Il est clair, pourtant, que la situation est sans précédent et que les interrogations sont pleinement légitimes, d’autant qu’elles viennent percuter les arguments habituels des partisans du nucléaire qu’ils présentent comme l’outil de l’indépendance énergétique et du courant disponible et peu cher.

Certes ces opinions ont été travaillées de longue date, avec des discours réitérés sur le risque encouru d’avoir mis « tous les œufs dans le même panier », un argument des pro-EnRs, comme si l’intermittence de leurs champions pouvait garantir une continuité de fourniture. L’argument vaut pour l’étoffement d’une flotte de CCGgaz[2], mais on touche là les limites de l’alternative, avec les événements géopolitiques actuels.

De fait, c’est l’ampleur et le calendrier de réalisation du programme de modification des installations demandées par l’ASN, afin de permettre une exploitation des réacteurs au-delà de quarante années de fonctionnement (et pour dix années supplémentaires, au moins), qui est l’une des causes principales de la situation.

La raison de ce programme, qui n’existe nulle part ailleurs par son ampleur et sa profondeur, ne tient nullement à un niveau de sûreté de conception et d‘exploitation des réacteurs français qui se serait décalé des standards mondiaux (il en constitue au contraire le fleuron), mais bien à un degré d’exigence de l’ASN, qui a mis la barre très haut.

Se superposent à ces contraintes celles résultant des modifications dites « post-Fukushima » avec en particulier la mise en place d’un important « noyau dur[3] » pour chaque réacteur, dont ceux candidats au franchissement du cap 40 ans.

La réalisation de ce programme est une condition nécessaire (mais pas forcément suffisante), pour que l’ASN puisse autoriser la poursuite de l’exploitation, sachant qu’aucune limite physique au prolongement du fonctionnement des réacteurs (vieillissement des équipements non remplaçables, les cuves en particulier) n’a été identifiée. Pour donner une idée de l’importance des travaux afférents, chaque réacteur est arrêté six mois (en ordre de grandeur) pour pouvoir les réaliser.

Actuellement, sept réacteurs de 900 MWe sur 32 ont achevé cette séquence et une dizaine sont en chantier, il y a donc encore du travail en longue perspective, une dimension qui semble incompatible avec les injonctions martiales du temps présent.

Une fois encore, on ne peut séparer les efforts à réaliser pour requalifier les réacteurs aux nouvelles exigences de l’ASN de la richesse énorme qu’ils pourront produire dans la décennie qui vient et très probablement au-delà. Mais ces outils, à forte intensité en capital, ne pourront donner leur mesure économique que si leur exploitation n’est pas inféodée à la seule compensation des intermittences de flottes éoliennes et solaires, qu’on s’apprête parallèlement à hypertrophier.

Il n’y aura pas de place rentable pour tous les acteurs si les conditions d‘accès au réseau ne sont pas profondément transformées. Il est donc à craindre que les conditions d’une pleine valorisation de l’énorme effort entrepris pour pérenniser le parc nucléaire, à un haut degré de sûreté, ne soient jamais réunies.

Insuffisances durables

Comme expliqué par EDF, les effectifs compétents des entreprises en charge de la réalisation des modifications ont tous été mobilisés, mais le planning global était très serré et enchâssé dans celui des arrêts fatals pour rechargement du combustible, le tout à la merci du moindre bouleversement.

Or le Covid a d’emblée désorganisé cette horlogerie sans jeu. Des réacteurs se sont ainsi trouvés arrêtés sans qu’on puisse y réaliser les travaux prévus, à cause de l’allongement des chantiers sous Covid sur d’autres réacteurs, qui mobilisaient les compétences requises, non duplicables. Une réaction en chaine, implacable.

La corrosion sous contrainte (CSC) s’est ensuite superposée à une situation déjà très compliquée, rendant la gestion de l’ensemble inextricable, d’autant que les options de sûreté prises par EDF en face de ces désordres inattendus (de la CSC affectant l’inox forgé, c’est une surprise industrielle !), ont été conservatoires, avec mises à l’arrêt de réacteurs affectés, ou pouvant l’être, et découpe des tuyauteries suspectes, parfois à raison, mais parfois pas. Or les réparations (remplacement des tronçons affectés) sont particulièrement lourdes (approvisionnement spécifiques longs et délicats, puis soudages par des maîtres qualifiés et contrôles pointus, le tout en ambiance radioactive).

Phobies durables

Des marges raisonnables dans le dimensionnement de notre parc de production électrique n’auraient certes pas tout réglé, mais elles auraient au moins permis de pallier, en ordre de grandeur, l’effacement des réacteurs concernés par la CSC.

Mais ces marges, qui existaient, étaient essentiellement composées de centrales thermiques classiques (charbon, fioul) et les Verts aux portes du pouvoir, puis au pouvoir, n’ont eu de cesse que dénoncer ces pollueuses émettrices de CO2 (même si elles n’étaient presque jamais utilisées) et face à la galerie européenne, il n’était pas question de présenter un parc de production national possédant encore ces stigmates d’autres temps idéologiques, surtout quand il s’agit de montrer le chemin !

La loi dite « Energie-climat » de 2019 a d’ailleurs scellé le sort de ces centrales, toutes devaient être arrêtées en 2022 et leur fonctionnement strictement limité dans l’intervalle. Des décisions bien imprudentes, mais les décideurs avisés d’alors sont toujours au pouvoir, mieux, sur les mêmes créneaux.

Cette ultra-phobie des centrales « classiques » charbon, que nos voisins allemands redémarrent par dizaines, contraints par les carences en gaz russe, ne s’est pourtant pas éteinte en France, malgré le dur choc avec le réel.

Dans sa philippique pointant la responsabilité d’EDF dans la crise actuelle, notre première ministre presse l’opérateur de tenir les délais affichés de redémarrage des réacteurs afin, surtout, que le pays ne soit pas contraint à redémarrer l’unité charbon de Saint-Avold. Une déclaration surréaliste, on imaginait le péril sous la forme de coupures, voire de black-out, mais nous voilà décillés, c’est une alerte au feu de cheminée !

Avec l’arrêt des deux réacteurs de Fessenheim, c’est au total plus de 10 GW, soit une capacité équivalente à 12 réacteurs nucléaires, qui ont été retirés du jeu en quelques années (dit déjà, 12 réacteurs sont affectés par la CSC…, magie des chiffres ?).

Les 1650 MW de l’EPR de Flamanville manquent cruellement. Mais s’interroger sur les déboires du projet fait immanquablement repasser par ces mêmes déterminants qui plombent actuellement la maintenance de la flotte en exploitation : manque de perspectives pour une filière exigeante et donc, manque d’une masse critique de compétences.

Impasse durable

Le gouvernement veut mettre l’activité nucléaire d’EDF sous une tutelle incompétente, un choix politique qui pourrait bien se révéler imprudent, un appareil aussi inertiel que la filière nucléaire ne pouvant se conformer, sans délais, aux souhaits du politique, surtout quand ceux-ci sont clairement contradictoires.

Vouloir dénoncer devant l’opinion l’incurie d’EDF, incapable de respecter les dates de redémarrage des réacteurs, en mettant l’entreprise sous tutelle de ministres, est un mépris ostensible des salariés et de tous les sous-traitants impliqués, lesquels ont fait de leur mieux, dans des conditions sanitaires (Covid) ou météorologique (canicule) souvent éprouvantes, pour exécuter des tâches difficiles.

Une telle attitude est un déni de réalité, et illustre bien le pilotage hors sol du dossier par des responsables politiques, au plus haut niveau, qui conduisent sans rétroviseur, mais aussi sans vision.

[1]. La corrosion sous contrainte (CSC) résulte de l’action conjuguée d’une contrainte mécanique et d’un milieu agressif. Cette dégradation conduit à l’amorçage d’une ou plusieurs fissures puis à leur propagation au sein du matériau.

[2]. CCGaz : centrale thermique à cycle combiné gaz, une centrale électrique brûlant du gaz naturel et utilisant le principe du cycle combiné (turbine à gaz + turbine à vapeur).

[3]. Création d’un “noyau dur” constituant une ligne de défense supplémentaire pour faire face aux agressions extrêmes afin de limiter les rejets radioactifs massifs et d’éviter les effets durables dans l’environnement. Entre autres, une source électrique autonome supplémentaire permettant le refroidissement du réacteur est créée (DUS, pour diesel d’ultime secours).

Gérard Petit Article publié sur le Blog Telos et sur Linkedin


Gérard Petit est ingénieur en génie atomique - Retraité d'EDF

CRISE énergétique : comment le nucléaire a été saccagé !

 Video à écouter entièrement, entretien passionnant.
 


Comment la France peut-elle être menacée par des problèmes d'approvisionnement d'électricité et une inflation galopante avec le parc nucléaire qu'elle possède ? Maxime Amblard est ingénieur en physique des réacteurs nucléaires et l'auteur du livre "Abondance et pénurie". Il répond aujourd'hui à cette question importante

Science, Travail & Environnement Le nucléaire, l’OPECST et le calendrier électoral, Gilles Cohen-Tannoudji*


Gilles Cohen-Tannoudji
       Revue Progressistes

 Physicien engagé, Gilles Cohen-Tanoudji se prononce pour    une inversion du calendrier électoral où les élections législatives précéderaient l’élection présidentielle. Il nous explique le rôle important qu’ont eu les deux parlements à travers l’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques) autour des enjeux du nucléaire, en particulier sur le réacteur de recherche ASTRID.

* Par Gilles Cohen-Tannoudji, physicien au CEA, conseiller scientifique auprès de la directrice de la recherche fondamentale au CEA.

En tant que membre du conseil scientifique de l’ONG Sauvons le climat, j’ai aidé le député communiste André Chassaigne à formuler la demande de saisine de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST) à propos de l’arrêt du programme ASTRID d’étude et construction d’un réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium. Dans son rapport, cet office qui, rappelons-le, comporte des parlementaires des deux chambres (l’Assemblée nationale et le Sénat) et de tous les groupes parlementaires désavoue clairement la politique gouvernementale en matière de nucléaire civil1, au point qu’il a probablement joué un rôle important dans le tête-à-queue qu’a opéré l’exécutif en matière de politique nucléaire : même si elle n’est pas suffisante, la décision de relancer la filière nucléaire française récemment annoncée tourne franchement le dos aux orientations affichées en début de quinquennat.

Or cette question est un enjeu majeur qui, lors des élections présidentielle et législatives du printemps prochain, divise les forces de gauche : alors que le candidat du PCF, Fabien Roussel, proposait une forte relance du nucléaire, les candidats de la France insoumise et de EELV se prononcaient pour une sortie plus ou moins rapide du nucléaire. Les arguments qu’ils opposaient à Fabien Roussel (un référendum au début du quinquennat pour la France insoumise et le prétexte que l’extrême droite est favorable au nucléaire) manquent totalement de sérieux.

Ce désaccord est un obstacle sérieux à l’union des forces de gauche dans le cas d’une élection présidentielle, alors qu’il ne serait pas insurmontable dans le cas d’élections législatives. J’en prends pour exemple ce qui s’est passé au début des années 2000, pendant la cohabitation entre le président Chirac et le gouvernement de la gauche plurielle. Le ministre de l’Éducation nationale et de la Recherche de l’époque, Claude Allègre, du Parti socialiste, avait décidé qu’il ne fallait pas construire le synchrotron SOLEIL, que la communauté scientifique avait proposé pour remplacer l’installation LURE d’Orsay, laquelle se révélait insuffisante pour répondre aux nombreux besoins en recherche fondamentale (en physique et en biologie) et pour des applications technologiques. Il lui préférait un instrument en collaboration européenne. L’opposition à ce choix avait conduit le PCF à demander une saisine de l’OPECST. Et après un très important travail comportant de très nombreuses auditions de personnalités politiques mais aussi scientifiques, auquel j’ai participé comme conseiller d’un des deux rapporteurs, le député PCF Christian Cuvilliez, le rapport de l’OPECST a abouti à la décision de construire SOLEIL, et à la démission du ministre. Cet épisode n’a pas abouti à la rupture de la majorité de la gauche plurielle.

De cet exemple je tire la conclusion que, comme je le soutiens depuis la décision du premier ministre de l’époque, Lionel Jospin, d’inverser le calendrier électoral – lequel, compte tenu de la dissolution de l’Assemblée nationale intervenue en 1997, aurait dû faire précéder l’élection présidentielle par les élections législatives – et comme le pensent toutes les personnes à qui j’en ai parlé, il serait hautement souhaitable que les élections législatives précèdent l’élection présidentielle.

Voici, brièvement résumé mon argumentation. Avec des législatives avant la présidentielle, il est évident que les forces politiques en compétition devraient mettre l’enjeu législatif au moins aussi haut que l’enjeu présidentiel : elles devraient adapter leurs stratégies à l’ensemble des deux enjeux. Inévitablement, dès le premier tour, les élections législatives joueraient le rôle d’une sorte de primaire, au suffrage universel, pour l’élection présidentielle qui suivrait : au sein de chaque camp, elles départageraient les concurrents et permettraient d’éviter les candidatures de diversion. Pour assurer la cohérence entre les deux enjeux, on pourrait demander aux candidats et candidates aux élections législatives d’inclure dans leur bulletin un parrainage explicite à un candidat ou une candidate à l’élection présidentielle. On obtiendrait ainsi, dès le premier tour des législatives, grâce au suffrage universel et non grâce aux sondages, une visibilité des rapports des forces réels pour la présidentielle qui suivrait : on connaîtrait pour chaque candidat potentiel ou candidate potentielle le nombre de parrainages dont il ou elle aurait bénéficié, ainsi que sur quelle majorité il ou elle pourrait s’appuyer pour former un gouvernement si lui ou elle remportait l’élection. Il appartiendrait aux forces politiques en compétition de tenir compte de cette visibilité pour décider de l’investiture du candidat ou de la candidate à la présidence de la République dans la semaine suivant le premier tour des législatives. Se tiendrait ensuite une campagne électorale pour la présidentielle, où s’affronteraient ces personnalités démocratiquement investies dans des débats entièrement centrés sur les véritables enjeux de notre pays.

Je ne vois pas en quoi un tel calendrier serait en contradiction avec l’esprit et la lettre de la Constitution de la Ve République ; je pense au contraire que l’adopter serait une mesure très salutaire pour enrayer la montée, qui semble inexorable, du taux d’abstention aux élections décisives.

Je pense que Fabien Roussel, qui se prononce pour redonner tout son rôle au Parlement, gagnerait beaucoup à se prononcer pour qu’un tel calendrier électoral (qui d’après la Constitution ne dépend que du vote d’une loi) soit débattu à l’Assemblée nationale dès le début du quinquennat, quitte à ce qu’il soit ensuite inscrit dans le marbre de la Constitution après un référendum ou le vote par le congrès d’une réforme de la Constitution. 

Climat. Les dessous de l'accord France-Allemagne sur l'énergie




Aux termes de l’engagement entre Emmanuel Macron et l’Allemagne, la France doit fournir du gaz à son voisin en échange d’électricité, l’Hexagone pouvant se trouver dans l’incapacité de répondre à la demande cet hiver, en raison de son sous-investissement nucléaire. Le chancelier Scholz annonce, lui, la réouverture de 27 centrales au charbon très polluantes.


Face à la crise énergétique Emmanuel Macron a annoncé la conclusion d’un accord avec son homologue Olaf Scholz. D’un côté, Paris s’engage à livrer du gaz à l’Allemagne, qui risque d’en manquer cruellement cet hiver, quand, de l’autre, Berlin s’engage à fournir l’électricité qui pourrait venir à manquer à la France « dans des situations de pics de consommation ».

L’affaire est présentée par le président de la République française comme un moyen d’actionner une « solidarité européenne » face à des risques de pénurie d’énergie cet hiver. Un problème qui se fait d’autant plus lancinant que la compagnie russe Gazprom vient de prolonger sa décision de fermer le robinet du gaz qui arrive outre-Rhin par le biais du gazoduc Nord Stream 1.

Un sous-investissement dans la filière nucléaire

Le risque de manque d’énergie, accompagné de potentiels « black-out » – la suspension de fourniture de gaz et d’électricité pour des régions entières –, se pose des deux côtés du Rhin. Pour des raisons qui tiennent à chaque fois à des politiques publiques défaillantes parce que soumises au marché libre de l’énergie, promu de longue date à Paris, Berlin et à Bruxelles.

Pour la France, les difficultés tiennent à un sous-investissement dans sa filière nucléaire. Nombre de ses centrales atomiques ont été mises à l’arrêt ces dernières semaines pour cause de réparations et autres problèmes de maintenance. Le deal macronien s’en accommode, tout en cherchant à s’assurer que la France pourra importer de l’électricité allemande comme elle a commencé de le faire, mais vraisemblablement en bien plus grande quantité pour affronter toutes les rigueurs de l’hiver.

La France s’apprête ainsi à dépendre encore plus de l’électricité produite outre-Rhin à partir du charbon et du lignite, la principale composante (près de 28 % du mix électrique allemand, l’an dernier). L’opération devrait s’avérer d’autant plus calamiteuse pour le climat et les rejets de carbone du couple franco-allemand sur le continent que Berlin vient de décider de rouvrir, d’ici cet automne, quelque 27 centrales utilisant de la houille ou du lignite, le combustible fossile de loin le plus émetteur de CO2.

Un tournant à 180 degrés pour Berlin

Pour l’Allemagne, il s’agit de gérer un autre type d’erreur fondamentale en matière de gestion de l’énergie : celle qui l’a conduite à se placer dans une énorme dépendance au gaz russe (plus de 56 % de sa consommation avant la guerre de Poutine en Ukraine).

Les autorités berlinoises successives ont ainsi fait du gaz naturel, réputé moins polluant, un moyen d’impulser la transition énergétique afin de le substituer peu à peu au… charbon.

La prolongation ou la remise en service de plusieurs centrales a déjà contribué à faire revenir ou à accélérer le rythme de ces excavatrices, insectes de métal géants qui mangent les couches de houille brune dans les mines à ciel ouvert de la région de Cologne ou de l’est du pays, au grand dam des habitants des villages engloutis et des agriculteurs expulsés de leurs terres. Leur retour a fait bondir de 40 % depuis janvier la production d’électricité ultracarbonée outre-Rhin.

Le ministre de l’Économie et du Climat, le Vert Robert Habeck, éprouve les plus grandes peines à justifier ce tournant à 180 degrés alors que les écologistes n’ont cessé de dénoncer, à juste titre, durant la récente campagne des élections du Bundestag, il y a un an, les « dégâts du charbon sur le climat comme sur des forêts ravagées outre-Rhin par une recrudescence de pluies acides ».

Sur la défensive, Habeck fait valoir que la réouverture des centrales ultracarbonées est prévue jusqu’en mars 2024 et serait donc provisoire. Tout en clamant qu’il maintiendra l’objectif affiché par le gouvernement tripartite du chancelier Scholz (SPD, Verts, libéraux) de sortie du charbon d’ici à 2030. Avec une crédibilité voisine de zéro puisque les besoins énergétiques d’un pays ultra-industrialisé comme l’Allemagne devraient rester très élevés. Et le passage effectif à des ressources moins carbonées pourrait s’avérer long et difficile.

S’appuyer sur les potentiels d’EDF

Berlin fait certes déjà figure de champion européen des installations éoliennes et solaires. Mais ces énergies intermittentes ne peuvent fonctionner qu’en s’assurant d’un relais potentiel permanent par des centrales thermiques classiques pilotables, en cas d’absence de vent ou de soleil. D’où la place déjà peu enviable de l’Allemagne comme l’une des principales souffleries de gaz à effet de serre du continent avant même la guerre en Ukraine. D’autant que, insurmontable contradiction avec les objectifs de réduction de CO2, la loi du marché, si chère à la coalition gouvernementale berlinoise, permet à l’opérateur privé le plus compétitif de l’emporter, en l’occurrence celui utilisant du charbon ou du lignite.

Emmanuel Macron et les autorités françaises successives, qui ont impulsé elles-mêmes la mise en place d’un grand marché européen de l’électricité, subissent aujourd’hui tous les inconvénients de leur soumission à une organisation continentale largement inspirée du modèle allemand.


Au point de devoir se gaver d’électricité ultracarbonée en provenance d’outre-Rhin, plutôt que d’en prendre l’exact contrepied. Car, Paris pourrait s’appuyer sur tous les potentiels d’une grande entreprise publique comme EDF pour produire davantage d’électricité nucléaire décarbonée. Par son intermédiaire, pourraient être mis en place des services de salut public pour combattre la précarité énergétique – un fléau pareillement connu en France et en Allemagne – et impulser en grand la transition énergétique, indispensable au combat contre le réchauffement climatique.

Le gouvernement Macron tourne ouvertement le dos à ces objectifs en restant fixé sur des réformes destinées in fine à démanteler l’entreprise publique.

Au point qu’au nom de la bien mal nommée solidarité européenne, il ne lui vient même pas une remarque critique sur le dogmatisme antinucléaire qui conduit Berlin à refuser toujours de maintenir en service ses trois derniers réacteurs après la fin de l’année. Ce qui ne manquera pas d’être compensé par des livraisons françaises de gaz ou… une hausse du recours au charbon et au lignite.

Bruno Odent Article publié dans l'Humanité


VOITURE A HYDROGÈNE EN AUSTRALIE


Alors que chez nous on cherche les dernières gouttes de pétrole, la première voiture de série a hydrogène est commercialisée en Australie, avec beaucoup de stations de recharge en seulement 5 minutes, alors qu'en FRANCE on commercialise les voitures électrique et les bornes de rechargement en plus de 4 heures.
La voiture parcourt 900 miles avec un plein et se déplace en purifiant l'air, ne rejetant aucunes particules à part de .......... l'eau.
Pour la première fois, la technologie du fuel cell à hydrogène est appliquée de série sur une voiture commercialisée et qui permet surtout d'avoir une autonomie aussi significative, avec des temps de recharge très faibles.
Il s'agit de Hyundai Nexo une voiture de petite cylindrée qui bat tous les constructeurs automobiles mondiaux et établit un record de durabilité ; avec une charge de 6,27 kilogrammes d'hydrogène purifie 449.100 litres d'air pendant le trajet (autant que la consommation de Respiration de 33 personnes pendant une journée entière) et de son tuyau d'échappement n'émet que de l'eau.
Cette voiture ne produit pas de CO2, ni d'autres émissions polluantes ;
Il suffit de penser qu'un véhicule équivalent avec un moteur à combustion traditionnel sur la même distance émet environ 126 kg de CO2.
Le moteur à hydrogène entre ainsi sur le marché des voitures et vise à rejoindre l'électricité parmi les solutions de mobilité durable que le monde adopte.
Hyundai devient ainsi le premier constructeur automobile mondial à produire un véhicule à piles à combustible hydrogène pour le marché.
La voiture monte un système de piles à combustible hydrogène qui, pour générer de l'électricité, fait passer le gaz à travers une structure membraneuse où elle rencontre l'air pris par l'extérieur, un processus qui alimente un moteur électrique.
L ' excès d'électricité, y compris l'énergie accumulée pendant le freinage, est stockée dans une batterie lithium ionique.
L ' approvisionnement de Nexo prend 5 minutes.
La première nation où la voiture a été mise en vente est l'Australie, où les premières stations de ravitaillement ont également été construites.
Une vraie vision d'avenir durable.

Energie: Gaz de schiste : Engie signe un gros contrat en douce


Engie a récemment signé un important contrat d’achat de gaz de schiste avec le groupe US Cheniere Energie.

Engie a essayé de faire en sorte que le contrat passe inaperçu mais c’est loupé. Le groupe énergétique français a récemment conclu un important deal pour acheter et importer de généreuses quantités de gaz en France.

Sauf que le gaz en question est du gaz de schiste, un gaz non conventionnel dont la technique d’extraction engendre un véritable désastre environnemental.

Un peu plus tôt déjà, Engie avait essayé de signer un premier contrat de ce type avant que plusieurs ONG françaises fassent plier le groupe, dont l’Etat français est toujours actionnaire à hauteur de plus de 23%. Il s’agissait déjà d’importer du gaz de schiste en France.

Mais ce n’était que partie remise pour Engie. Et cette fois sans passer par la case validation de l’Etat puisque l’opération a été discrètement et rapidement validée par le comité exécutif de l’entreprise. Et apparemment sans qu’aucun représentant de l’Etat ne soit au courant.

Le contrat est désormais signé et paraphé. Il porte sur l’approvisionnement de GNL depuis le mois de septembre dernier jusqu’en 2032. Plus de dix années donc d’approvisionnement en gaz de schiste qui sera injecté dans le réseau français. Une mauvaise nouvelle pour l’environnement.


Ci-dessous l'intervention éclairante de Michel Katcha sur FB PCF L'Humain d'abord
 

L’ex-GDF Suez a conclu un contrat d’importation de gaz naturel liquéfié avec la société Cheniere Energy s’étirant jusqu’en 2032 !
Pour Noël vous nous pendrez aussi du gaz de schiste made in USA. 
Merci les alliés de l’OTAN et les idiots qui suivent..!
« Engie a essayé de faire en sorte que le contrat passe inaperçu mais c’est loupé. Le groupe énergétique français a récemment conclu un important deal pour acheter et importer de généreuses quantités de gaz en France.
Sauf que le gaz en question est du gaz de schiste, un gaz non conventionnel dont la technique d’extraction engendre un véritable désastre environnemental.
Un peu plus tôt déjà, Engie avait essayé de signer un premier contrat de ce type avant que plusieurs ONG françaises fassent plier le groupe, dont l’Etat français est toujours actionnaire à hauteur de plus de 23%. Il s’agissait déjà d’importer du gaz de schiste en France.
Mais ce n’était que partie remise pour Engie. Et cette fois sans passer par la case validation de l’Etat puisque l’opération a été discrètement et rapidement validée par le comité exécutif de l’entreprise. Et apparemment sans qu’aucun représentant de l’Etat ne soit au courant.
Le contrat est désormais signé et paraphé. Il porte sur l’approvisionnement de GNL depuis le mois de septembre dernier jusqu’en 2032. Plus de dix années donc d’approvisionnement en gaz de schiste qui sera injecté dans le réseau français. Une mauvaise nouvelle pour l’environnement. »


Rapport RTE : une programmation du futur électrique français, Serge Vidal*

 L’électricité décarbonée est appelée à jouer un rôle majeur pour atteindre les objectifs climatiques que s’est fixés la France d’ici à 2050. Dans son récent rapport « Futurs énergétiques 2050 », RTE (Réseau de transport d’électricité) explore différentes hypothèses de mix électrique, aux fortes conséquences économiques et sociales.

*SERGE VIDAL est syndicaliste CGT, ancien ingénieur-chercheur EDF.


DES PERSPECTIVES ANNUELLES AUX PRÉVISIONS SUR TRENTE ANS

RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité en France, a une mission légale de prospective relative aux moyens de production et de distribution électriques. Chaque année, RTE publie un bilan prévisionnel afin de vérifier que l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité sera assuré pour les années qui suivent. Il dispose pour ce faire des informations et des compétences. Sur ces bases, RTE a, à plusieurs reprises ces dernières années, alerté sur les tensions relatives au passage des hivers (risque de black-out long). Des craintes similaires existent aussi au niveau européen.

Cette fois, l’exercice demandé à RTE par le ministre de tutelle en 2019, et dont une version a été publiée le 25 octobre 2021, porte sur les trente à quarante prochaines années, ce qui est assez différent des exercices annuels et fait appel à de nombreuses hypothèses.

La sécurité d’approvisionnement électrique nécessite un équilibrage production/consommation quasi instantané, mais aussi une programmation de moyen et long terme afin d’être sûrs de disposer des installations de production suffisantes le moment venu. On voit en ce moment, sur le court terme, avec la forte augmentation des prix, que cette spécificité est particulièrement incompatible avec la libéralisation des marchés et peut entraîner toutes sortes de spéculations : la multiplication des opérateurs privés induit des captations financières à différents niveaux. De façon parallèle, la programmation sur le long terme est indispensable et demande une vision et des principes (sécurité d’approvisionnement, maîtrise des coûts, égalité de traitement, indépendance nationale…) que seule la puissance publique peut garantir.

L’ensemble des hypothèses technologiques, économiques, sociales, géopolitiques, environnementales…, leur mise en cohérence et les objectifs visés constituent des scénarios énergétiques qui permettent de fournir des prévisions en matière d’investissements. L’évolution du contexte et les décisions prises modifient ensuite les données du problème et ces scénarios, indispensables à la prise de décision, doivent être réajustés.

La crédibilité d’un scénario dépend de la transparence de toutes les étapes du calcul. D’autres organismes – des associations, des universités… –, produisent de tels scénarios, qui diffèrent surtout par leurs hypothèses et leurs objectifs, parfois par leur méthodologie et leur transparence. Hors du monde universitaire, les moteurs de cohérence de ces études sont rarement en accès public.

Le gouvernement retient un scénario de référence pour établir la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), votée tous les cinq ans au Parlement. Ce scénario prospectif est aujourd’hui dit d’AMS (« avec mesures supplémentaires »).
DES HYPOTHÈSES CONTRAIGNANTES

RTE a donc publié en octobre 2021 une mise à jour de ses scénarios et en a évalué leur coût de revient. Le cadrage considéré par RTE est celui de la stratégie nationale bas carbone (SNBC, réévaluée tous les cinq ans=, qui s’inscrit dans le cadre de la loi relative à la transition écologique pour la croissance verte (TECV) de 2015. Loi qui a, entre autres, pour objectif une diminution de 50 % de la consommation énergétique française finale entre 2012 et 2050 (avec – 30 % en 2030) et de réduire à 50 % la part de l’électronucléaire d’ici à 2035 et la limiter globalement à 63,2 GW en puissance. La loi prévoit aussi d’atteindre la neutralité carbone en 2050, d’assurer la sécurité d’approvisionnement et la cohésion sociale, la maîtrise des dépenses des consommateurs et le droit d’accès à l’énergie sans coût excessif, bref une gageure.

Pour prendre moins de risques de non-atteinte de tous ces objectifs, il faudrait desserrer certaines contraintes de cette loi. Déjà, à la suite d’une précédente étude de RTE, l’objectif initial de 50 % de nucléaire dans notre mix électrique a été reculé par le Parlement de 2025 à 2035. La présente étude montre que la date de 2035 n’est pas non plus tenable.

SIX SCÉNARIOS ÉTUDIÉS

Trois scénarios retenus portent exclusivement sur des investissements dans les énergies renouvelables (scénarios M) et trois scénarios sur une combinaison entre énergies renouvelables et nucléaire (scénarios N). Ces six scénarios sont accompagnés de six variantes se rapportant à la consommation ou au mix électrique ainsi que d’une quinzaine d’études de sensibilité relatives aux coûts. À partir de différents jeux d’hypothèses, les scénarios sont multipliables indépendamment de leur désirabilité.

La première observation de RTE, dans le cadre défini, est que l’objectif de neutralité carbone implique une transformation profonde de l’économie et des modes de vie, et une forte augmentation de la part de l’électricité décarbonée dans la consommation énergétique totale. Les énergies fossiles, dont il faut sortir, représentent actuellement environ 60 % de la consommation actuelle, et elles sont importées.

Côté consommation, la SNBC table sur de l’efficacité énergétique (assurer le même service avec moins d’énergie), des transferts d’usages (changer d’énergie pour un même service) et de la sobriété énergétique (se passer de certains biens et services).


L’étude RTE met en évidence le fait que les scénarios avec maintien de nucléaire sont complémentaires du développement des énergies renouvelables et que les scénarios de substitution ne permettent pas l’accélération de la baisse des gaz à effet de serre demandée par le pacte vert européen. Pour cela, il faudra, a minima, étaler la trajectoire de fermeture des réacteurs nucléaires actuels.

RTE montre aussi qu’une « sortie rapide du nucléaire » (comme le préconise notamment le scénario Négawatt) « conduit soit à accepter des pénuries, soit à renoncer au respect de la trajectoire climatique de la France ». RTE montre également qu’ « un moratoire sur les énergies renouvelables conduirait à placer la France dans une position critique par rapport à ses ambitions de réindustrialisation et à ses trajectoires climatiques ».

L’étude RTE démontre que les besoins de flexibilité (non-fourniture à certains moments, recours à des batteries) et les limitations d’usages augmentent fortement avec la part des énergies renouvelables intermittentes (solaire et éolien).

Même si RTE a essayé de prendre des hypothèses similaires en termes de coût et de faisabilité des différents scénarios, le pari sur les capacités de stockage massif de l’électricité est très important pour les scénarios M.

La SNBC actuelle ne considère pas le captage/séquestration du CO2 comme suffisamment mature et mise sur une multiplication par 2,5 de l’usage énergétique de la biomasse.


La sobriété est le terme de bouclage pour les scénarios de réduction drastique des productions énergétiques pilotables. Cette notion recouvre la propension des individus à partager certains espaces et équipements, mais aussi d’autres modifications radicales de nos modes de vie ; entre autres, moins de déplacements, une moindre consommation des biens manufacturés, une baisse de 1 °C de la température des consignes de chauffage (actuellement 19 °C recommandés) ou de l’utilisation de l’eau chaude, de la frugalité numérique, la moitié du temps de travail en télétravail, etc.

Ces hypothèses peuvent heurter les aspirations du plus grand nombre et ne pas permettre la réduction des inégalités sociales ou de genre. Comme elles sont nécessaires à l’atteinte, sous contraintes, des objectifs énergétiques, elles risquent d’impliquer de la contrainte politique et sociale.

Il s’agit là de questions politiques de première importance qui ne doivent pas rester enfouies dans le fatras d’hypothèses structurantes de l’avenir énergétique du pays.


Compte tenu du cadrage politique initial, RTE n’a pas étudié de scénario avec le maintien de la part du nucléaire dans la production électrique, actuellement de l’ordre des 70 %. (Un tel scénario sortirait du cadre, mais c’est aussi le cas des scénarios 100 % énergies renouvelables étudiés.) Avec une demande électrique en augmentation, le maintien de ce pourcentage impliquerait une augmentation en valeur absolue.

Compte tenu des délais de construction de nouveaux réacteurs, de la durée d’exploitation estimée des réacteurs actuels (autour de soixante ans) et du manque d’anticipation passée, cette option nécessiterait un effort industriel énorme et de la coopération internationale. La dégradation du tissu industriel national, les politiques de contractualisation et de sous-traitance, le manque de formation et le Wall Street management ont affaibli durablement les capacités du pays pour cela. Sans très forte volonté politique, cela ne pourra pas se réaliser.


La demande électrique retenue pour 2050 est de 645 TWh, soit 35% de plus qu’aujourd’hui. Une variante avec réindustrialisation du pays a été étudiée qui fixe la demande à 752 TWh, sans toutefois tabler sur un retour au niveau industriel des années 1990. L’Académie des technologies a, quant à elle, avancé le chiffre de 840 TWh, ce qui correspond à peu près à l’estimation d’EDF, qui considère l’estimation de RTE comme une trajectoire a minima.

Au-delà de cette bataille de chiffres se pose la question des marges de sécurité en matière de continuité d’approvisionnement. Une sous-capacité en moyens de production serait plus contraignant qu’une surcapacité. Il faut des marges de sécurité lorsqu’il s’agit de satisfaction des besoins, d’autant plus si on veut avoir une politique de réduction des inégalités sociales et de résorption de la pauvreté.


RTE évalue les coûts complets de ses différents scénarios et fait apparaître que le scénario avec mise en service de quatorze EPR d’ici à 2050 ferait économiser en investissements supplémentaires environ 200 milliards d’euros sur quarante ans par rapport à un arrêt total du nucléaire en 2060 et que le coût des énergies renouvelables est moindre dans le cas où elles sont associées au nucléaire.

Toutefois, le risque d’insuffisance chronique dans la fourniture électrique de la France, et donc son renchérissement, ainsi que celui de non-atteinte de la neutralité carbone en 2050, apparaissent comme des éléments plus déterminants que les écarts calculés de coûts.

La documentation fournie par RTE aborde de nombreux points liés aux contraintes de réalisation de ses scénarios, notamment leur impact en matière et d’occupation de l’espace. RTE souligne aussi les nombreux champs de recherche qui doivent être renforcés pour faire face aux enjeux.

URGENCE À DÉCIDER

RTE conclut à juste titre sur l’urgence (2022-2023) qu’il y a à prendre des décisions qui sont d’une ampleur similaire à celles prises dans les années 1970, au moment du lancement du programme nucléaire.

Les délais de construction sont longs, et déjà pour le nucléaire du retard a été pris. La période actuelle, où les taux d’intérêt sont bas, est propice au lancement d’investissements nucléaires ou renouvelables nécessitant beaucoup de capitaux au début. Le coût de l’indécision se payera cher à terme. La cohésion sociale, le progrès social et la réduction des gaz à effet de serre sont en jeu.

René Gaudy: “La Nationalisation de l’énergie. Histoire d’un combat (1944-1947)”




René Gaudy est écrivain et historien, spécialiste de l’histoire des travailleurs de l’énergie. Il vient de publier “La Nationalisation de l’énergie. Histoire d’un combat (1944-1947)” aux Éditions de l’Atelier. Il est également l’auteur de l’ouvrage “Les Porteurs d’énergie” (deux tomes, éd. Le Temps des cerises) et de quelque 200 biographies de gaziers et d’électriciens dans le dictionnaire Maitron du mouvement ouvrier.
Pourquoi le 8 avril 1946 est-il une date importante dans l’histoire sociale et économique française ?

C’est le jour où la loi de nationalisation du gaz et de l’électricité, votée à une très large majorité (toute la gauche et une bonne partie de la droite) par l’Assemblée nationale, est promulguée au Journal officiel. Elle met fin à cent vingt ans d’histoire des sociétés privées gazières et à cinquante ans des sociétés privées d’électricité. C’est donc un événement pour l’histoire économique. C’est aussi la loi qui prépare le statut national des salariés des industries électriques et gazières (22 juin 1946), dont on a dit qu’il était un des meilleurs statuts du personnel au monde, donc un événement important pour l’histoire sociale.
D’où venait la loi de 1946 ?

Elle remonte à Jaurès, qui, en 1894 – un an avant la création de la CGT –, dépose, avec six autres députés socialistes, un projet de loi à la Chambre des députés sur la nationalisation des mines. A la même époque, les gaziers de Paris réclament que le gaz ne soit plus exploité par une société privée, mais par une régie municipale. L’idée de nationalisation de tout le secteur de l’énergie arrive en force dans la CGT après la guerre de 1914. Elle est ensuite reprise en 1944 par le programme du Conseil national de la Résistance, qui demande « le retour à la nation » des grands moyens de production.

Le statut du personnel a une autre origine. Craignant une nouvelle insurrection, la municipalité conservatrice de Paris accorde aux employés municipaux, après la Commune de 1871, un statut très avantageux. Les gaziers parisiens se battent pour obtenir le même statut, ils l’obtiennent en 1906. Les électriciens revendiquent aussi ce statut.

En 1907, ils plongent Paris dans le noir, la grève est conduite par le syndicaliste anarchiste Emile Pataud, « le roi de l’ombre ». C’est cette célèbre grève qui a donné naissance à l’expression « le Grand Soir » pour désigner la révolution sociale.

Après la guerre de 1914, ce sont les électriciens de banlieue qui bénéficient de ce statut. Avec le Front populaire grandit l’idée d’un statut national. En 1937, Marcel Paul, qui dirige alors la Fédération réunifiée de l’éclairage, fait du statut national l’objectif numéro un. L’idée aboutit dix ans plus tard, Marcel Paul étant devenu ministre.
Le statut national est-il remis en cause dans les années qui suivent 1946, en particulier après le départ des ministres communistes ?

Oui. Le statut est attaqué frontalement en 1951 : dissolution du Conseil central des œuvres sociales (CCOS), occupation des locaux de la rue de Calais par la police, gestion par la direction. Cette période a été très dure pour le mouvement ouvrier : répression féroce de la grève des mineurs en 1948 (plusieurs tués, des centaines de révoqués), Frédéric Joliot-Curie chassé de la direction du Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Les gouvernants de l’époque commençaient à démolir le programme de la Résistance.

Mon livre fait le point à la fois sur les grandes réalisations de la Libération et sur les attaques frontales qui ont démarré dès que les communistes ont été chassés du gouvernement en mai 1947. A EDF-GDF, grâce au 1% prélevé sur les recettes d’EDF-GDF et géré directement par le personnel, sans intervention des directions, des réalisations avaient vu le jour dans le domaine des centres de santé, des activités culturelles ou des offres de vacances. Et cela dans le contexte très difficile de la reconstruction. Ce n’est qu’en 1964 que les salariés reprendront la gestion du 1% avec la création de la CCAS.

Cependant, le 1% du chiffre d’affaires consacré aux activités sociales a tenu bon, jusqu’à maintenant. Dans mon livre, je rappelle dans quelles circonstances il a été obtenu. Les actionnaires des anciennes sociétés demandaient à être indemnisés à hauteur de 1% des recettes des deux futurs établissements publics. Marcel Paul avait accepté mais à condition que les salariés touchent eux aussi 1%.

C’est ce que l’on a appelé « la bascule des 1% », personne ne se rendant compte que ce 1% allait, dans une époque où la consommation d’électricité doublait tous les dix ans, vite représenter des sommes colossales. Mais le fait est que la droite ne pouvait pas remettre en question le 1% des salariés sans remettre aussi en cause le 1% des anciens actionnaires, ce qu’elle ne souhaitait évidemment pas faire.
Quel a été le rôle du service public de l’énergie dans la reconstruction du pays ?

Un rôle central. Il fallait fournir du courant et du gaz aux usines et aux particuliers. A la Libération, c’était la pénurie, les coupures. Beaucoup de centrales électriques et les usines à gaz étaient alimentées au charbon. D’où la fameuse « bataille de la production » des mineurs. Cette bataille n’aurait pas pu être gagnée sans la nationalisation des charbonnages et le statut du mineur.

Je raconte aussi cette épopée et les tensions entre Marcel Paul et son sous-secrétaire d’État au charbon, Auguste Lecoeur. Les centrales au charbon ne suffisaient pas. Il fallait d’autres sources d’énergie. D’où la bataille de Marcel Paul pour l’équipement hydroélectrique du pays. Car, faute d’investissement des sociétés privées, peu de barrages étaient construits : le barrage de Génissiat sur le Rhône, par exemple, programmé en 1921, n’est toujours pas achevé en 1945. EDF met « les bouchées libres », et l’ouvrage est inauguré en 1948. Les Trente Glorieuses reposent en grande partie sur l’hydroélectricité.

Autre source d’énergie qui apparaît en 1945-1946 : le nucléaire. Le gouvernement français, que présidait le général de Gaulle, a initié un programme électronucléaire civil en créant fin 1945 le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et en nommant à sa tête le physicien Frédéric Joliot-Curie. Je consacre un chapitre à cette création décisive et peu connue. Pour la première fois un livre traite de la prise en main par la nation, en 1945-1946, de l’ensemble du secteur de l’énergie (charbon, gaz, électricité).

Cette « prise de l’énergie » va assurer l’indépendance énergétique du pays pendant plusieurs décennies. Je rappelle au passage qu’à l’origine le programme nucléaire français était uniquement civil, il n’était pas question de se doter de l’arme atomique, la décision de construire la bombe n’a été prise qu’en 1953.
Comment évolue le statut du personnel entre 1946 et nos jours ?

Le statut a tenu le coup, malgré toutes les attaques depuis soixante-dix ans. Tout était déjà en place en 1946, en particulier l’idée que je trouve remarquable d’une entreprise dans laquelle les salariés sont décideurs à tous les niveaux. Pas seulement pour les activités sociales, mais dans la gestion même (avec les comités mixtes à la production, les CMP), les choix techniques, les décisions d’investissement… Les premiers CMP sont nés en Angleterre pendant la guerre. Il s’agissait d’associer les ouvriers à la gestion des usines d’armement pour doper la production.

Fernand Grenier, représentant du Parti communiste envoyé auprès de De Gaulle, visite ces usines d’armement. Lorsqu’il est nommé par De Gaulle commissaire de l’Air, il institue des CMP dans les usines d’armement à Alger, puis à la Libération à Toulouse. Je rappelle que dans le bouillonnement de la Libération de nombreux CMP, comités d’usines, comités de gestion ont été institués un peu partout en France. Ils ont peu à peu disparu, faute de volonté politique. Sauf à EDF-GDF : Marcel Paul a fait des CMP et des sous-CMP un des points forts du statut national. Les CMP n’existent plus, EDF et GDF sont rentrés dans le rang.

Dernière remarque. Concernant la différence entre nationalisation et étatisation. Beaucoup de gens ne font pas la différence. Elle est pourtant capitale. Je raconte que Marcel Paul aurait voulu une loi beaucoup moins étatique, avec par exemple l’élection du président et du directeur par le conseil d’administration. Mais De Gaulle a refusé cette option, au profit d’une nomination par le ministre qui « chapeaute », voire dicte ses choix à l’entreprise. L’étatisation a grandement facilité la privatisation.

Cette histoire reprend de l’actualité aujourd’hui. Les salariés de l’énergie se retrouvent dans une situation proche de celle des salariés de 1946. Ceux-ci travaillaient dans des sociétés privées. Ils ont lutté pour que ces sociétés deviennent des entreprises publiques. Il reste aux salariés de 2016 à faire le même chemin.


COP26 : Cuba exhorte les pays riches à respecter leurs engagements en matière de climat


Glasgow, Écosse, 10 nov (Prensa Latina) Le ministre cubain des sciences, de la technologie et de l’environnement (CITMA), Elba Rosa Pérez, a exhorté aujourd’hui les pays développés à respecter leurs engagements financiers et technologiques pour lutter contre le changement climatique.


Le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) corrobore la gravité de la crise climatique actuelle. C’est pourquoi, lors de cette COP26, nous ne devons pas manquer l’occasion de donner la réponse que l’humanité attend depuis si longtemps, a déclaré M. Pérez.

Le responsable de la Citma a souligné que dans le cas de Cuba, la science prévoit une augmentation de la température de l’air allant jusqu’à 4,5 degrés Celsius d’ici la fin du siècle, une réduction des précipitations de 20 à 60 % et une augmentation du niveau moyen de la mer de 29 centimètres d’ici 30 ans.

À cet égard, M. Pérez a expliqué que le gouvernement cubain a conçu un plan connu sous le nom de « Tarea Vida » pour affronter et atténuer l’impact du changement climatique, qui, dans sa première phase, comprenait la relocalisation d’un groupe d’établissements humains situés dans des zones qui seront submergées d’ici 2050.

Des mangroves ont également été plantées et restaurées, des plages ont été conservées et réhabilitées, et un travail d’éducation et d’implication de la population, notamment des jeunes, a été mené dans le cadre du projet.

Selon le ministre, d’ici 2023 les principales filières agricoles de l’île des Caraïbes devraient avoir mis en place des plans d’adaptation pour assurer la sécurité alimentaire, tandis que l’utilisation échelonnée de véhicules électriques est en cours d’introduction.

Nous nous préparons à mettre en place une stratégie de développement à faible émission de carbone. La chef de la délégation cubaine à la COP26 a exprimé le refus de son pays de toute mesure qui impliquerait l’exclusion ou la limitation de certaines nations de la réception de fonds internationaux pour mettre en œuvre leurs obligations en vertu de la Convention et de l’Accord de Paris sur le changement climatique.

_ « Notre avenir se décide aujourd’hui et dépendra d’un nouveau système de gestion et d’innovation climatique, impliquant tous les acteurs sociaux et économiques, dans le but d’accroître consciemment l’ambition en matière d’adaptation et d’atténuation afin d’atteindre de toute urgence les objectifs mondiaux », a ajouté M. Pérez.

Jean-Marc Jancovici: 100% renouvelable pour pas plus cher, fastoche ?



Jean-Marc Jancovici est un ingénieur reconnu pour ses publications sur l’énergie et le climat, fondateur du shift project, spécialiste de la transition énergétique, mêlant connaissances techniques et économiques.

Il propose dans cet article une étude détaillée des coûts d’investissements nécessaires des divers scénarios "100%ENR" en les comparant avec le scénario actuel 50% nucléaire...

Il prend en compte ce que beaucoup de promoteurs du 100% ENR oublient, le coût de renforcement des réseaux électrique, le coût du stockage rendu nécessaire par l’intermittence des ENR, la durée de vie des installations et la nécessité de leur renouvellement...

Le résultat est sans appel, même en étant économiquement optimiste pour les ENR et pessimiste pour le nucléaire, les scénarios 100% ENR coutent deux fois plus chers, et dans des scénarios réalistes 6 à 10 fois plus chers en investissements.

Sans compter l’impossible faisabilité politique de stockage massif dans les scénarios 100% ENR qui supposeraient des centaines de barrages dont on se demande quelle région pourrait les accepter compte tenu de leur impact environnemental...

Bref, un peu de réalisme...


Une petite introduction…

Depuis que les énergies fossiles sont passées du statut de « bénédiction » (car elles ont permis la croissance économique) à celui de « problème », à cause du changement climatique évidemment, un certain nombre de scénarios « 100% renouvelables » ont vu le jour. Si le nucléaire n’est pas présent non plus dans ces scénarios, alors que cette énergie n’engendre pas d’émissions significatives de gaz à effet de serre, c’est qu’ils sont en général promus par des entités qui n’aiment pas plus l’atome que le carbone.

Ces scénarios peuvent porter sur toute l’énergie ou juste sur l’électricité, mais dans tous les cas de figure ils supposent que cette dernière est aussi 100% ENR. En général, les deux énergies renouvelables qui dominent dans ces scénarios, pour la partie électrique, sont l’éolien et le solaire.

Un avenir 100% ENR, nous sommes tous pour, a priori. Ou plus exactement nous sommes tous pour si « tout le reste est comme aujourd’hui » : on s’est débarrassé des combustibles fossiles, du nucléaire, et par ailleurs personne n’a froid l’hiver, ne manque de carburant pour se déplacer, ou ne voit son usine, son train ou son bureau à l’arrêt faute d’électricité pour que les machines fonctionnent, et tout cela ne coute pas plus cher, ni n’engendre d’ennuis particuliers. Qui serait contre ?

Or, quand une histoire est si séduisante, comment savoir si elle crédible, ou si elle relève du conte de fées ? C’est là que les ennuis commencent : en une heure de temps, c’est hélas impossible. Les trajectoires proposées reposent sur des modèles qu’un observateur externe ne peut ni analyser ni valider sans s’être plongé dedans de manière approfondie. Or, sans cette étape, il est impossible de savoir dans quelle mesure ils sont susceptibles de fonder une politique publique.

Personne ne sait, sans y passer la nuit (au sens propre), si ces scénarios ne supposent pas une disponibilité en ressources (par exemple des métaux de toute nature pour faire les panneaux ou les éoliennes, les éléments de réseau, et les dispositifs de stockage) qui ne peut être assurée, ou si ils supposent d’investir chaque année une fraction excessive du PIB (lequel dépend par ailleurs de l’énergie disponible !) dans le système électrique, ou de mettre au travail 60% de la population dans la filière énergétique…. ce qui empêche, du coup, d’avoir des gens pour faire quoi que ce soit d’autre !

L’exercice que je vous propose ci-dessous consiste non point à regarder quelle trajectoire permet d’arriver à une électricité 100% ENR, mais tout simplement combien d’argent il aura fallu investir une fois que l’on y sera, à consommation électrique inchangée. Disons que c’est un petit calcul pour donner un ordre de grandeur, sans plus de prétention, mais qui est quand même largement suffisant pour forger quelques conclusions fortes à la fin.

NB : le calcul ci-dessous est fait en supposant la consommation d’électricité en France constante. Que ce soit pour le nucléaire ou pour éolien et/ou solaire, le résultat final sera proportionnel, en première approche, à la quantité d’électricité consommée dans l’année. En valeur absolue, les investissements peuvent donc être inférieurs à ce qui est calculé ci-dessous si nous réduisons la consommation électrique. Mais le rapport entre les deux (entre ce qu’il faut pour nucléaire et ce qu’il faut pour éolien et/ou solaire) est, en première approximation, indépendant du niveau de consommation.

NB2 : le débat nucléaire vs ENR est bien un débat pour l’essentiel à côté de la question climatique, même si le solaire engendre plus d’émissions que le nucléaire à production identique. Remplacer une énergie sans émissions significatives de CO2 (le nucléaire) par une autre énergie sans émissions significatives de CO2 (les ENR) ne change rien aux émissions de gaz à effet de serre. J’y reviens dans la 2è partie de cet article.

NB3 : cette comparaison est strictement monétaire. De ce fait, elle n’inclut pas des externalités qui ne sont pas dans les couts, comme par exemple l’occupation d’espace, l’utilisation supplémentaire de métal et donc les externalités minières, etc.
De quoi partons-nous ?

Nous partons de la situation actuelle de la France, où l’essentiel de la production est faite par le nucléaire (environ les 3/4).


Décomposition de la production électrique en France en 2016. L’ensemble représente 531 TWh (1 TWh = 1 milliard de kWh). Source : RTE.

Pour autant, le nucléaire ne représente pas du tout les 3/4 de la puissance installée, mais bien moins, parce que son « facteur de charge », c’est à dire la proportion du temps où il produit à pleine puissance dans l’année, est bien supérieur à celui des autres moyens de production.


Décomposition de la puissance électrique installée en France en 2016. Source : RTE. L’ensemble représente 131 GW (1 GW = 1 million de kW, et 1 kW, c’est la puissance d’un fer à repasser, ou un peu moins que celle d’un lave-vaisselle).

Côté production, la puissance électrique installée par Français est donc d’environ 2 kW, alors que côté consommation, la puissance d’un abonnement domestique ordinaire – avec 2,3 personnes par foyer en moyenne – est plutôt de 6 kW, donc environ 3 kW par personne. Si on rajoute les puissances installées pour l’industrie, les immeubles tertiaires, les collectivités (éclairage), les transports (train et métro), les parties communes des immeubles résidentiels (ascenseurs, éclairage…) on augmente d’un facteur 1,5 à 2.

Cela signifie que si chacun avait son « autonomie électrique », dimensionnée sur son usage de pointe, et capable de couvrir tous les usages actuels, il faudrait probablement tripler la puissance installée dans le pays, sans parler des éléments évoqués ci-dessous.



Facteurs de charge de chaque moyen utilisé en France en 2016. Ce facteur représente le « pourcentage moyen de la puissance utilisée ». Ainsi, pour le fioul, sa production à la fin de l’année est la même que si il était constamment réglé pour produire à 5% de sa puissance installée (qui est de 7,14 GW à fin 2016) toute l’année.


De même, pour l’hydroélectricité, sa production à la fin de l’année est la même que si elle était constamment réglé pour produire à 28% de sa puissance installée (qui est de 25,8 GW à fin 2016). Calculs de l’auteur sur données RTE.

On voit que pour le solaire, le facteur de charge est de 14%, et de 20% pour l’éolien, soit respectivement un cinquième et un petit tiers de ce qu’il est pour le nucléaire. Or ces deux premiers moyens produisent « autant qu’ils peuvent » : comme ils sont prioritaires sur le réseau, leur production ne baisse (ou ne s’arrête) que pour une seule raison : pas assez de vent ou de soleil. Si le facteur est bas, ce n’est donc pas parce que nous décidons délibérément de ne pas nous en servir à pleine capacité, mais juste parce que la nature ne permet pas de faire plus.


Comme les graphiques ci-dessus le montrent, les facteurs de charge varient beaucoup d’un moyen de production à un autre. Pour le solaire il est bas parce que mère nature a décidé qu’il n’y aurait pas de soleil la nuit, et qu’il y en aurait peu l’hiver et les jours de pluie. Pour l’éolien, c’est pareil, mère nature ayant décidé qu’il n’y aurait pas de vent optimal en permanence (il y a souvent du vent, mais plus ou moins fort…). Ces premiers moyens sont dits fatals : ils produisent quand les conditions extérieures sont favorables, et donc l’électricité est disponible à ces moments là et pas à d’autres.

Mais l’essentiel de la production vient de moyens dits « pilotables » (ils sont déclenchés à la demande). Certains sont très sollicités (nucléaire), d’autres très peu (fioul), mais ils sont essentiels pour assurer la stabilité du réseau à certains moments, notamment la pointe du soir en hiver quand il fait froid (et à ce moment là il fait nuit, donc le solaire est à zéro, et si il fait froid il y a un anticyclone, et le vent est à pas grand chose).

Ces moyens sont l’hydroélectricité pilotable, à partir de barrages (environ 15 GW actuellement, le reste est du fil de l’eau qui produit en permanence), du gaz, du fioul et du charbon. Mais le nucléaire en fait aussi partie désormais : il peut faire varier sa puissance à l’échelle de l’heure, pour suivre la courbe journalière de charge.


Courbe de charge du réacteur Golfech 2 sur un mois. Source EDF


On constate facilement que le réacteur est capable de grandes variations de puissance, à la hausse comme à la baisse. Il peut donc s’ajuster facilement à la courbe de demande (on parle de suivi de charge). En pratique, une centrale nucléaire peut désormais faire varier sa puissance de 30 MW par minute, ce qui est équivalent à ce que sait faire une centrale à gaz ordinaire (une centrale à gaz très performante peut aller à 50 MW par minute).

Ce même nucléaire assure aussi la moitié ou plus du surplus de production hivernal (il est donc inexact de dire, comme on l’entend parfois, que le chauffage électrique est fait uniquement avec des centrales à charbon « allumées » pour l’hiver).


Production nucléaire mensuelle en France de janvier 1991 à décembre 2015. Le surplus saisonnier du nucléaire est très net, et représente en gros 50 TWh sur l’année. Or le chauffage électrique c’est environ 70 TWh (sans l’eau chaude sanitaire), et ce n’est par ailleurs pas le seul usage qui augmente l’hiver (l’éclairage aussi, parce que les journées sont plus courtes, la cuisson, parce que l’on mange mijoté, le dégivrage des rails, et plein d’autres choses). Un autre contributeur saisonnier significatif est l’hydroélectricité, comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, avec toutefois une régularité moins nette (source ENTSOE pour les données des deux graphiques).

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